Clarice
5.6
Clarice

Série CBS (2021)

Que voilà un défi qui ne manque pas de complexité.


Passer après un grand film, iconique à plus d'un titre.


D'abord il y avait Sir Anthony Hopkins dont l'incarnation du psychopathe meurtrier restera une référence absolue, et puis Jodie Foster qui n'en finissait pas de se révéler et qui délivrait une interprétation tout en regards, sobre et juste.
Question scenario on suivait de très près le roman de Thomas Harris, le tout étant fort bien réalisé par Jonathan Demme avec une photo et une colorimétrie bien marquée.


Pas facile donc de s'attaquer à cette "montagne" dans le format de la série.


Alors, il me semble que cette saison 1 de Clarice, qui vient après les évènements du film, révèle un paradoxe étrange.
C'est à la fois très intelligent, très "pensé" et fort bien fait dans la volonté de respecter l'origine de l'histoire, et, en même temps, il y a quelque chose qui coince, un goût d'inachevé.


On rendra d'abord hommage à la mise en image qui est extrêmement soignée avec une volonté sans faille de respecter le film et les livres de Harris.
La colorimétrie est toute en teintes "sales", ternes. On sent la volonté de montrer des décors dans lesquels on va avoir affaire à ce qu'il y a de plus glauque dans la condition humaine. Certains plans sont même carrément "gluants".
Et pour continuer sur l'image, quelle bonne reconstitution du début des années 90. A une époque où le cinéma et les séries de l'époque ne nous montraient que des Etats Unis triomphants, clean à l'excès, bling bling, ici on plonge dans des ruelles sordides, des bords de rivière sous un ciel dégueulasse, des immenses bureaux déshumanisés à l'éclairage issus d'une énième réduction des budgets de l'administration.
Du coup comme la série va explorer quelques directions différentes on a une galerie de décors tous plus élaborés les uns que les autres : ferme de red necks, sorte de sanatorium aux sous-sols de films d'horreur (un classique), mais aussi des immeubles avec des cubicles inondés de papiers. Car oui, c'est les 90's, les ordis ne sont pas omniprésents, on a des pagers et quelques rares téléphones portables énormes (parce que c'est le FBI).
Moi qui ait découvert les USA un peu après cette époque, (et qui pensais me retrouver dans Friends, Ally Mc Beal ou Dawson's Creek), je trouve la mise en image remarquable.


Pour continuer dans les bons points, parlons un peu du scenario général de cette saison 1.
J'entends déjà les grincheux...
Alors on est d'accord que l'œuvre de Harris et le film, on est sur du tueur à motivation/dimension psychologique. Point barre. On bosse sur la psyché du tueur, ses fantasmes, ses désirs et comment il passe à l'acte.
Et là PAF ! Dès le second tiers de la saison on part sur autre chose !
Moi je dis : bien ouej les gars !
On part sur d'autres pistes (fausses..???), on aborde d'autres sujets, y compris des thèmes d'actualité


(lanceuses d'alerte dans les milieux du big pharma, racisme systémique dans les forces de l'ordre, trans identité)


pour finalement retomber dans quelque chose de plus familier et attendu dans cette suite du Silence des Agneaux.


(ref mythologiques et vrais malades mentaux)


Alors, ok, les différents arcs narratifs secondaires peuvent manquer un peu de subtilité parfois. Il y a même un ou deux "cul de sac" qui sont laissés en suspens et dont on peut légitimement questionner la pertinence.
Mais globalement, sur l'ensemble de la saison, le tout tient, en gros, la route.


En ce qui concerne le casting et la direction d'acteur, j'ai trouvé que tous les personnages ont tous des éléments de background au fil de la saison qui donnent de l'épaisseur aux rôles et sont tous bien servis. C'est une famille qui se constitue avec un papa : Krendler, Mickaël Cudlitz, très bon ; une maman : Jayne Atkinson la gouverneure, des oncles : l'excellent Nick Sandow (OITNB) Kal Pen (House) ; des sœurs : Devyn A. Tyler un peu sous/mal employé et la très bonne Marnee Carpenter.
Et pour Clarice, je n'ai lu que du négatif à son propos... c'est bien dommage.
Je renvoies tous les détracteurs de Rebecca Breeds à revoir l'interprétation de Jodie Foster et je les invite à venir dire en commentaires en quoi l'actrice de Clarice ne respecte pas le personnage et l'interprétation de son illustre prédécesseure.
Mention spéciale pour les sessions avec sa psy qui m'ont spécialement convaincu.


Alors, comme je le disais au début de ma critique, je garde malgré toutes ces qualités un sentiment de relative déception.
Le principal défaut que je trouve à cette série est sa retenue.


Pour complètement perpétuer ce lourd héritage il aurait fallu aller beaucoup plus loin dans l'horreur, dans le glauque, dans la plongée dans ce qu'il y a de plus repoussant, de plus atroce dans l'humain.
Le silence des agneaux, avec ses 2 tueurs bien différents, décortiquait les mécanismes du passage à l'acte psychotique et nous mettait dans un état de sidération horrifiée (même époque il y a eu aussi le génial Seven dans le même genre). Ici, on ne fait que s'approcher, d'un peu trop loin selon moi de ces émotions. Il en manque...
J'espère vraiment que cette "timidité" à montrer l'horreur ne vient pas des financeurs de CBS, même si je le redoute fortement.
CBS n'a pas renouvelée pour une saison 2, mais la série pourrait être reprise par la plate-forme Paramount+.
Espérons...

Althalionn
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le 26 juin 2021

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