Charlotte
6.7
Charlotte

Anime (mangas) Tokyo MX (2015)

Charlotte c’est d’abord une écriture catastrophique, et un (dés-)équilibre improbable entre humour potache et drama putassier.


La première moitié (en gros) de l’anime est gentiment bête : de vilains scientifiques poursuivent des ados avec des super-pouvoirs pour faire des expériences cradingues au risque de les réduire à l’état de légumes. Dans ce contexte, on a une belle brochette de héros, à savoir le personnage principal masculin générique n°3715 (fabriqué à Taiwan), le sidekick le plus inintéressant de sa génération (pour vous dire, au moment de l’épilogue, alors qu’on ne l’avait plus vu pendant quelques épisodes, je me suis demandé qui était ce personnage), ainsi qu’une moeblob bipolaire qui est un drame à elle toute seule. Heureusement le 4ème larron relève un peu le niveau, il s’agit de Tomonori, le personnage féminin principal, elle est mignonne sans verser dans le moe outrancier, elle possède facilement la moitié des neurones du groupe à elle toute seule et présente une attitude détachée et calculatrice, ce qui me l’a rendue sympathique.


Les 4 fantastiques vont se lancer dans une quête de sauvetage des autres ESPers éparpillés dans la ville, avant qu’ils ne se fassent attraper par les méchants scientifiques. Ils sont soutenus pour ça par une organisation qui a la forme d'une école, sorte de havre pour les ESPers, et dont ils sont (évidemment) membres du BDE. On a droit aussi à quelques épisodes sur la moeblob bipolaire et Tomonori, la copine du héros.


J’ai bien aimé cette première partie, il y a bien le péril des scientifiques en toile de fond, mais on ne sent pas du tout le danger. Globalement c’est léger, rigolo, on se détend. Les intrigues secondaires (qui portent sur les deux filles du groupe) sont peu intéressantes mais au moins elles ne traînent pas en longueur. Malheureusement ensuite ça se gâte car on rentre dans le cœur de l’intrigue, alors que la première partie faisait office d’introduction. Le ton change d’un coup et devient très lourd, on a droit à des drames familiaux, des enjeux mortels et… du voyage dans le temps. Je n’ai même pas le courage de parler du voyage dans le temps, tellement c’est éculé et presque toujours mal écrit.


Maintenant je vais détailler certains défauts de Charlotte et notamment des passages qui m’ont fait m’arracher les cheveux. Dans certains paragraphes je vais dévoiler des éléments d’intrigue, mais ils sont cachés par des balises spoiler.


La plus grosse source d’incohérences dans Charlotte, c’est avant tout le pouvoir du héros. Chose assez classique, celui-ci est surpuissant. Ce pouvoir, on ne l’apprend qu’à environ les 2 tiers de la série, est la faculté de voler les pouvoirs des autres, autant de pouvoirs qu’il le souhaite, et ce de façon permanente et définitive. Il faut être un auteur talentueux et rigoureux pour pondre une bonne histoire lorsque l’on introduit ce genre de pouvoir surpuissant, il y en a qui s’y sont cassés les dents (Death Note) et d’autres qui n’ont même pas essayés (Code Geass). Je pense que Maeda Jun est à ranger dans la catégorie « n’a même pas essayé ».


Je vais donner quelques exemples d’incohérences liées à ce pouvoir. Déjà, on nous fait à priori comprendre que les jeunes ont du mal à contrôler leurs pouvoirs lorsqu’ils viennent d’apparaître, alors comment se fait-il que le héros ne remarque pas qu’il a gagné des pouvoirs (télékinésie et vol, notamment) avant qu’on ne le lui apprenne ?


Ensuite, l’un des moments critiques de l’intrigue, c’est lorsque Tomonori et Kumagami se font enlever par des espèces de mafieux. Le plan de sauvetage décidé par les gentils est peut-être le plus pourri jamais imaginé : le héros va foncer dans le tas, sans savoir ce qui l’attend et sans avoir réfléchi à quoi que ce soit. Voilà. Génial. Ca va foirer lamentablement et la copine du héros va s’en sortir seulement par miracle. Le pire c’est que le héros sait alors déjà qu’il peut voler les pouvoirs des autres ESPers. Il aurait très bien pu voler tous les pouvoirs utiles des membres de l’école, devenir une espèce de super-ESPer invincible et dérouiller les méchants. Notamment il aurait pu piquer le pouvoir de passe-muraille que possède un de ses potes et commencer par aller secourir les otages. Mais non, le scénariste n’a pas voulu.


On entend souvent, lorsque des auteurs de fiction parlent de leur travail d’écriture, que ce n’est pas tellement l’auteur qui décide de l’histoire, ce sont surtout les personnages. L’auteur se contente de créer des personnages et de les mettre face à des situations de son invention, ensuite il n’a plus qu’à faire réagir et interagir les personnages en accord avec leur personnalité et leurs motivations, et l’histoire s’écrit toute seule. En vérité je pense que ce n’est pas si simple et que le processus d’écriture est un mélange des deux méthodes : l’auteur à presque toujours une histoire en tête, alors il se débrouille pour orienter ses personnages dans sa bonne direction. La difficulté c’est que ce procédé artificiel d’orientation de l’histoire ne doit pas paraître trop voyant, c’est là que pêchent de nombreux mauvais auteurs.


Maeda Jun tombe dans ce travers à pieds joints, tout habillé et avec un parpaing autour du cou…


Lorsque l’histoire ne par pas dans la direction qu’il souhaite, la solution pour l’auteur est souvent de faire apparaître un nouvel élément imprévu qui modifie la donne et qui rend naturel et logique ce changement. Si ce nouvel élément paraît trop improbable ou trop inattendu, on parle de Deus ex Machina, et sinon ça passe. Maeda Jun ne prends même pas cette peine d’inventer de nouveaux éléments pour faire évoluer son intrigue, il se contente d’envoyer ses personnages dans la direction qu’il souhaite sans s’encombrer de naturel ou de logique.


Pour illustrer je reprends l’exemple d’au-dessus : Maeda Jun a envie de tuer Kumagami, le meilleur pote du grand-frère du héros, histoire de créer un peu de drama (oui, car à part ça à vrai dire ça ne sert à rien). Malheureusement en l’état ça ne semble pas bien compliqué pour eux de le sauver car ils savent où il est retenu et ils disposent d’une armée d’ESPers aux pouvoirs divers et variées. En plus ils disposent d’un Joker de taille en la personne du héros qui peut remonter le temps si tout foire. Alors que va faire Maeda Jun ? Il va réfléchir à une situation où les gentils sont pieds et poings liés et où la mort de Kumagami est une issue sinon inévitable, au moins probable ? Que nenni, il ne va pas s’abaisser à ça, il va juste faire agir ses héros de la façon la plus stupide possible afin de faire foirer leur (non-)plan de sauvetage.


Et finalement le dernier épisode est un modèle de foutage de gueule vis-à-vis du spectateur.


Le héros sauve tout le monde de la façon la plus improbable qui soit : en parcourant le monde entier pour voler les pouvoirs de TOUS les ESPers sur Terre. Il réussit en quelques mois ( ?). L’épilogue est rempli d’émotion « Le héros a perdu la mémoire c’est trop triste, mais il se rappelle quand même de sa copine grâce à un pendentif à la con qu’il a conservé précieusement durant tout son périple -> Bisou/Larmes/Fin » Je m’étonne d’ailleurs qu’il n’y ait eu aucun ESPer avec un pouvoir de mémorisation absolue, m’enfin : détail.


Finalement je mets 4 quand même, je suis gentil. La faute aux jolis graphismes peut-être, c’est le problème avec les séries actuelles, elles sont presque toutes jolies, à quelques exceptions près. Résultat j’ai du mal à mettre une note trop basse.

Pizza
4
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le 1 oct. 2015

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