BoJack Horseman
7.6
BoJack Horseman

Dessin animé (cartoons) Netflix (2014)

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Critique de la saison 1 avec des images cools sur CSM


Lancé en grandes pompes en septembre dernier avec l’ambition de devenir le leader national de la SVOD, ou vidéo à la demande par abonnement, Netflix s’est heurté à certaines barrières culturelles françaises peu enclines à cette nouvelle consommation de contenus audiovisuels. Bien qu’en perte de vitesse, le français moyen reste pourtant attaché à son téléviseur et son système simple et clair de chaînes télévisées. La situation est identique dans le reste de l’Europe où le géant américain s’est également lancé (Allemagne, Autriche, Belgique, Luxembourg, Suisse), ne bouleversant que très peu leur paysage audiovisuel. Accompagné pourtant d’une campagne publicitaire nationale agressive, omniprésente sur tous les écrans, Netflix aura néanmoins réussi à rassembler entre 250 et 500 000 abonnés français. Pas honteux lorsque l’on voit que les débuts de Netflix se sont fait dans la douleur, avec un catalogue bien trop faible en contenus par rapport au catalogue américain. Si les dirigeants de la filiale française se contentent de répondre que celui-ci évolue en permanence et qu’il faut laisser le temps à la marque de s’installer correctement, Netflix a l’ambition d’investir toujours plus dans des créations originales. Les succès de House of Cards, Orange is the New Black ou The Killing témoignent en leur faveur. Alors, en attendant Daredevil ou la série française Marseille, prenons le temps de revenir sur une création originale Netflix sous-estimée à sa sortie en août 2014.


Reconnu pour ses drames et ses odyssées historiques, Netflix n’avait jamais franchi le pas de l’animation et de la comédie (hormis la 4ème saison de Arrested Development). C’est désormais chose faite avec BoJack Horseman, une série au doux parfum d’anthropomorphisme sur fond de cynisme hollywoodien. Le nom Raphael Bob-Waksberg ne vous dit rien ? C’est normal, c’est son premier projet médiatiquement reconnu, même si ceux qui connaissent la troupe comique Olde English (célèbre pour ses courts en ligne) l’auront bien évidemment reconnu. La légende veut qu’il ait pitché BoJack Horseman avant un meeting avec des dirigeants de Netflix sur un coup de tête, en rassemblant les dessins d’une amie d’enfance accompagnés du synopsis d’un acteur has-been vivant à Los Angeles. Le tout sur fond d’anthropomorphisme, puisque Bob-Waksberg est friand de cet univers, dessinant des animaux depuis tout petit sur un ton plutôt mature. Démarche payante puisque Netflix s’est empressé de lancer la production de cette série. Après Maps to the Stars et le récent Birdman, le contexte actuel témoigne d’une envie des scénaristes de tirer à boulet rouge sur la sacro-sainte cité des Anges, et plus généralement du milieu de l’Entertainment. L’intrigue suit alors les pérégrinations de BoJack, ex-gloire d’une sitcom des années 90 dans un Hollywood aussi dément que déprimant où gravitent autour de lui d’autres personnages à la recherche d’une existence. Notre héros cheval est un personnage autodestructeur, plongé malgré lui au sein d’un environnement égocentrique dans lequel il a su percer grâce à sa lâcheté. Mais derrière ce personnage à l’estime de soi démesurée, il y a un cheval doté d’une certaine conscience qui souhaite se repentir de ce mode de vie. A l’instar d’un Matthew McConaughey revenu d’entre-les-morts, BoJack souhaite démarrer une nouvelle carrière et démontrer son talent. Mais il s’apercevra qu’il est difficile de quitter l’environnement qui l’a nourri toutes ses années et dont il se délecte toujours, jusque dans ses vices les plus immoraux.


Comment ne pas penser à Californication dans ces conditions ? Ce même personnage à la tête d’une œuvre unique qui a contribué à sa gloire et qui cherche vainement à se remettre en selles. Ce même personnage décadent qui ne trouve l’apaisement que dans la consommation exacerbée d’alcools, de drogues en tout genre et de sexe à outrance. Comme s’il s’agissait des preuves de son existence sur Terre. BoJack Horseman est un formidable portrait de la dépression, de ces êtres qui n’ont plus les pieds sur terre et se laissent aller dans une spirale infernale. Une déprime nécessaire qui compense avec une structure hilarante rendant le visionnage de cette série aussi intéressant, qu’introspectif et divertissant. Car c’est à travers sa collaboration avec une nègre (ghost-writer) chargée d’écrire ses mémoires que notre cheval va devoir prendre la mesure de son existence. Vaine et vaniteuse, BoJack est coincé dans un manoir de superficialité -on pourrait dire une version miniature d’Hollywood- où il erre dans des soirées mondaines à la recherche du sens de sa vie. BoJack Horseman est une critique féroce des travers d’Hollywood mais également une représentation des plus fortes des maux de notre société moderne.


Si à la fin de la première saison, on se dit que la série vaut clairement le détour et qu’on est bien content d’apprendre la mise en chantier d’une seconde, il faut reconnaître que BoJack Horseman a eu du mal à trouver ses marques. Les premiers épisodes ne savent clairement pas sur quel pied danser. Si au début, chaque épisode peut être pris (à peu près) indépendamment, à la moitié de la saison, il y a un fil conducteur principal, transformant la série en véritable feuilleton. Est-ce une comédie cynique ou un drame grinçant ? Difficile à dire avant que la série ne prenne un virage à 180°, et déroule quelques épisodes -décomplexés de toutes contraintes scénaristiques- véritablement décalés. Comme si Seth McFarlane était venu faire un tour en studio, jetant à la corbeille tout ce qui n’allait pas et apportant son humour ravageur et graveleux. Dès lors, le ton de la série trouve enfin son dosage entre punchlines et subtilités bienvenues. Sans oublier les situations cocasses avec cet environnement composé d’hommes et d’animaux en tout genre. Si les dialogues sont d’une efficacité remarquable, chaque épisode fait preuve d’inventivité au niveau visuel avec des gags de seconds plans qu’apprécieront les fins observateurs. Et puis quel casting vocal ! Will Arnett, Alison Brie, Aaron Paul, Stanley Tucci, Olivia Wilde, Naomi Watts et j’en passe. Certains ayant même l’autodérision de jouer leur propre rôle dans la série. A noter qu’Aaron Paul est également crédité au générique en tant que producteur exécutif.


Méprisé à sa sortie par des critiques peu emballés qui n’avait vu que deux ou trois épisodes, la série a retrouvé un second souffle avec des articles repentis qui saluaient l’effort d’ingéniosité et de structure dans la deuxième partie de la saison. Avec ces épisodes enrichis par des sous-récits, la série trouve vraiment sa place au sein des productions Netflix (et des productions télévisuelles en général) et s’avère être l’une des meilleurs séries d’animations pour adultes qu’il nous ait été donné de voir. Le basculement de ton soudain de la série, où l’égocentrisme de BoJack doit affronter le cancer en phase final de son acolyte de toujours, les conséquences d’un ami qu’il a trahi, une rupture amoureuse ou l’acharnement des médias, est une franche et mélancolique réussite. De comique ponctué par des éléments dramatiques, la série vire véritablement en drame biographique jonché de fulgurances comiques hilarantes. A ce niveau, on retiendra particulièrement l’avant-dernier épisode qui est un véritable foutoir de trips psychédéliques. Du n’importe-quoi qui témoigne de la nouvelle direction des scénaristes, moins coincés et en totale roue-libre. De par son univers anthropomorphiste, il y a par ailleurs une fraîcheur bienvenue qui démarque la série de ces productions qui se sont déjà emparées du sujet. Le monde de BoJack Horseman est étrange, hypocrite, vaniteux mais aussi terriblement attendrissant avec ces personnages solitaires en quête d’une raison de vivre, tout simplement. Une fresque désespérée et désespérante d’un personnage voué à vivre éternellement une sorte de crise existentialiste.


Et que dire de ce générique aussi somptueux que génial, signé Patrick Carney, le batteur des Black Keys !


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Critique de la saison 2 avec des images cools sur CSM.


[...]


Dans cette nouvelle saison, le travail sur les personnages a été plus que jamais développé. C’en est épatant de voir à quel point chaque personnage a son intrigue bien ficelée et sa psychologie bien définie sans pour autant la rendre caricaturale et prévisible. L’intelligence d’écriture est la force de cette série et démontre tout le talent de son créateur Raphael Bob-Waksberg. Il s’autorise absolument tout cette fois-ci et n’hésite pas à désamorcer les attentes des spectateurs sur son personnage principal pour lequel on est censé avoir au mieux de la sympathie, au pire de l’empathie. Vers la fin de la saison, Bojack devient tellement autodestructeur que la plupart de ses proches vont en payer le prix fort. C’est un tournant bouleversant qui suscitera une grande part d’émotion. Face à des concurrents comme American Dad, Les Griffin voire South Park, Bojack Horseman est en train de révolutionner les séries d’animation pour adultes et adolescents. Alcool, sexe, drogue et décadence sont toujours aussi présents. Le créateur de la série et ses scénaristes nous proposent un questionnement introspectif d’une finesse remarquable à travers ses personnages principaux. Ce sont tous des personnages qui se cherchent et sont en quête d’un idéal de bonheur. Bojack Horseman est une série qui parlera évidemment aux trentenaires et quarantenaires en pleine crise existentiel.


Mais si la saison 2 aborde ses personnages avec plus de dramaturgie, il n’empêche que Bojack Horseman reste une série tout bonnement hilarante. Son univers anthropomorphique participe déjà au succès de la série mais également à son humour inépuisable. Les situations qui font appel à des caractéristiques animalières s’entremêlent avec des gags visuels riches en inventivité. La performance est d’autant plus remarquable que certaines blagues sont d’une subtilité insaisissable au premier abord. De fait, ce sont des centaines de références, jeux de mots et expressions détournées qui inondent cette saison et rendent chaque scène savoureuse. Comme dans la précédente saison, il arrive parfois que les scénaristes se lâchent et retranscrivent littéralement à l’écran des trips hallucinés avec des séquences en animation grandioses. Le travail technique est d’ailleurs d’autant plus remarquable que la graphiste Lisa Hanawalt offre à la série une ambiance visuelle particulière, loin des productions actuelles. L’une des rares qui utilise encore de l’aquarelle pour une production de ce calibre. C’est ce qui fait tout le charme de la série.


Marqué par un ton qui lorgne davantage vers la mélancolie, Bojack Horseman est peut-être la série la plus hilarante et la plus émouvante du paysage audiovisuel animé. Son créateur Raphael Bob-Waksberg a parfaitement su saisir l’essence, l’audace et l’originalité d’un tel concept. Jamais un personnage n’avait autant suscité de dégoût et d’empathie. Après une première saison excellente qui surprenait par son ton et son univers anthropomorphiste, la deuxième vient définitivement confirmer toutes les attentes et se pose comme la meilleure série d’animation actuelle, rien que ça. Netflix vient justement de confirmer la mise en chantier d’une saison 3. C’est vous dire à quel point cette série est formidable et sur le point de devenir culte.


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Critique de la saison 3 avec des images cools sur CSM


Après une excellente première saison et une seconde tout bonnement magistrale, le cheval déchu le plus narcissique de la télévision est de retour pour une troisième mouture. On avait quitté BoJack au fond du gouffre, dans un état de lamentation mélancolique alors que paradoxalement il venait de finir le tournage de Secretariat, le film censé le remettre en selle. Et c’est là tout l’intérêt de cette saison, Secretariat est un succès critique et public et le film se lance donc dans la course aux Oscars. Qui plus est, BoJack est le genre de profil qui plaît, un acteur has-been qui revient sur le devant de la scène (au hasard Matthew McConaughey et Michael Keaton ces dernières années) dans un biopic auteurisant. A ce stade de sa carrière, il ne cherche que la consécration et la reconnaissance de ses pairs pour pouvoir exister, être immortel. Mais la course aux Oscars, avec ses magouilles et ses pots de vin, sera un long chemin semé d’embûches. Mais au fond, qu’est-ce-que ça lui apportera ?


Ce qui frappe en trois saisons, c’est l’imperceptible changement de ton de la série qui s’éloigne de l’hilarité des débuts (tout en conservant l’humour si atypique de la série) pour toucher la mélancolie de l’existence et la tragédie de ce personnage auto-destructeur. BoJack n’a pas changé. Il boit, fume et baise toujours autant. Il n’est pas reconnaissant des gens autour de lui qui se donnent corps et âme pour faire de lui la star et l’acteur talentueux qu’il a toujours été. Ce mode de vie ne lui permettra pas de guérir de sa solitude maladive alors qu’il continue de détruire tout ce qu’il touche, y compris ses relations. Ce qui est génial dans la série de Raphael Bob-Waksberg, c’est qu’elle casse tous les codes. Les attentes des spectateurs sont toujours autant désamorcées. Toutes les relations naissent et finissent dans l’absurdité la plus totale, soit l’absurdité de la vie. BoJack vit dans un monde où les relations naissent aussi vite qu’elles disparaissent. Un monde où l’on est amené à rencontrer de nouvelles personnes tous les jours, à les côtoyer professionnellement puis les oublier et en rencontrer d’autres. C’est ainsi que des personnages que l’on va suivre pendant une dizaine d’épisodes viennent à disparaître dès leur « rôle » auprès de BoJack terminé. C’est cette mélancolie de la vie qui, avec une telle sensibilité et un tel cynisme sublime la série et fait de BoJack Horseman l’une des séries les émouvantes du paysage audiovisuel actuel. Ce qui est extrêmement intéressant également, c’est que la série ne touche pas que BoJack. Cette solitude dans la vie touche également tous les personnages de la série, dont le thème principal est l’insatisfaction existentielle. C’est là toute la force de la série de Raphael Bob-Waksberg qui parvient à développer correctement tous ses personnages, comprenant des intrigues personnelles (en marge de l’histoire de BoJack) et des psychologies travaillées et singulières.



BoJack Horseman est sans doute la plus drôle, la plus mélancolique et la plus cynique des séries actuelles. Et pas seulement des séries d’animation.



Quand bien même la mélancolie est plus présente cette saison, la série n’en oublie pas moins de rester un modèle d’humour cynique. Voir ce cheval se dépêtrer dans des problèmes de stars puéril a quelque chose de grinçant et jubilatoire envers cette industrie du rêve qui en prend, comme toujours, pour son grade. Encore plus à l’heure des nouvelles technologies, des réseaux sociaux et du contrôle de son image dans les médias et sur Internet. BoJack Horseman reste donc toujours cette critique féroce des travers d’Hollywood et des maux de notre société moderne. L’an passé, des moments de grâce fulgurants apportaient une plus-value indéniable à la série, comme des séquences psychédéliques magnifiques. La saison 3 comporte encore plus son lot d’expérimentations, notamment cet épisode dans les fonds marins où l’intégralité de l’histoire se passe de dialogues. Un épisode muet d’une émotion forte où BoJack doit ramener un bébé Hippocampe à son père. Comme une forme de rédemption philosophique pour ce cheval à la recherche d’un but dans la vie. A n’en pas douter, l’un des créneaux de la prochaine saison sera la volonté pour BoJack d’être père. Les Inrocks a d’ailleurs qualifié cet épisode comme étant « l’un des meilleurs diffusés cette année, toutes séries confondues« . Au-delà de la course à la récompense qui anime toute la saison, BoJack Horseman a surtout eu le temps de faire son introspection et de s’en aller à la recherche d’une forme de liberté primaire. Quelle magnifique dernière scène de la saison où BoJack contemple ce troupeau de chevaux gambadant dans l’Ouest américain. Le cheval anthropomorphique qui jalouse ses compères restés à l’état sauvage, démonstration peu subtile mais pertinente de la liberté et de l’épanouissement personnel.


Plus la série avance dans le temps, et plus elle expérimente des idées de mise en scène, d’écriture et de montage qui rendent ce show extrêmement passionnant tant dans son contenu narratif que sa créativité visuelle. Jamais prévisible, bourré d’audace et d’inventivité, BoJack Horseman a révolutionné le monde des séries d’animation. Une série qui n’a aucun mal à se placer à côté des autres prestigieux shows du réseau Netflix que sont House of Cards ou Orange is the New Black. On ne peut que se réjouir d’une saison 4 déjà en chantier, comme l’a récemment annoncé Netflix.

Créée

le 24 mars 2015

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Kévin List

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