Battlestar Galactica
7.9
Battlestar Galactica

Série SyFy (2005)

« Il n’y a qu’une certitude à propos des humains : ils sont maîtres dans l’art de l’autodestruction

Des humains ayant colonisé différentes planètes se font massacrer par leur propre création robotique, à savoir les cylons, jusqu’à être réduits à même pas 50.000 survivants, nous allons alors suivre leurs aventures en quête d’un nouveau foyer à travers l’espace. Le pitch de départ est en effet le même que pour la série de 1978 et pourtant quelle erreur ça serait de croire que rien n’a changé. Moi qui apprécie beaucoup la SF, cette série en est l’un de ses meilleurs représentants à mes yeux tout média confondu ! Qu’est-ce qui en fait une série si géniale pour moi ? Un peu tout en fait, mais je vais essayer de ne parler que des points les plus importants sinon on va y passer la journée, ou la nuit selon l’heure à laquelle vous lisez la critique.



SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★★★★★



La première scène du premier épisode permet déjà d’introduire une différence majeure avec la série originale, idée centrale de celle-ci : les cylons peuvent avoir une apparence humaine, une apparence qui peut être partagée par différents cylons devenant comme des clones les uns pour les autres. C’est une idée qui sera au cœur de toute l’intrigue, là où c’était juste une petite idée originale mais peu exploitée de la deuxième saison, à la qualité pour le moins discutable, du show original. Ici, ça n’a rien à voir, c’est l’occasion de mettre en place des destins croisés des plus intelligents entre des personnages à la même apparence, de nourrir un suspens de fou quand à l’identité humaine ou cylon d’un personnage, de questionner avec beaucoup de finesse la nature humaine...


Ces personnages constituent pour moi le premier point fort très important de la série. Comme dans toute œuvre qui nous fait suivre des personnages pendant des dizaines d’heures, il est capital que ceux-ci nous plaisent et j’adore la diversité, l’humanité, l’évolution de beaucoup d’entre eux. Les love story sont très bien intégrés dans le récit, jamais niaises, souvent complexes… Un personnage plutôt bon sur le plan moral peut devenir un antagoniste et inversement et c’est toujours cohérent, bien amené et c’est intéressant de revoir la série pour remarquer qu’il y avait déjà des pistes pour voir ce qui allait se passer sans que ça ne devienne trop prévisible.


Certains personnages très secondaires peuvent aussi être bien travaillés. L’un de mes personnages préférés est par exemple l’amiral Caïn qui n’apparaît que pour 3 épisodes successifs mais qui font partie des meilleurs de la toute la série selon moi, ce qui montre bien le soin accordé au caractère de tous les personnages intégrés dans l’intrigue ou presque. Des personnages secondaires récurrents auront souvent au moins un épisode centré sur eux pour les développer de manière à ce que leurs fréquentes apparitions ne deviennent pas de la figuration sans intérêt. Ils peuvent aussi constituer en des clins d’œil sympathiques à l’ancienne série, comme le personnage de Boxey qui ne fait que quelques caméo mais qui a le mérite de rappeller tout de même les premières heures de la saga.


Mais ces personnages ne seraient pas ce qu’ils sont sans celles et ceux qui les portent à l’écran et les acteurs sont excellents, voire parfaits dans leur rôle respectif. J’aurais tout d’abord envie de parler d’Edward James Olmos, interprète de Bill Adama, qui a ainsi un charisme à toute épreuve comme commandant fatigué et démoralisé mais qui tient bon comme il peut par nécessité, telle une force phénoménale qui peut sembler pourtant si fragile. Ce traitement très humain se fait aussi sentir pour des personnages secondaires ou qui n’apparaissent que quelques épisodes. Richard Hatch, qui incarnait Appollo dans la série originale, joue un rôle très différent ici mais avec une certaine cohérence vis-à-vis de ce qu’il représente en tant qu’acteur, ce qui est assez bien pensé.


Comme pour la série originale, beaucoup d’actrices sont issues du milieu du mannequinat beaucoup plus que du cinéma, y compris parmi les actrices principales comme Tricia Helfer qui est presque le fil rouge de la série. Si ça pouvait se traduire par un jeu très moyen dans la série originale, mais non sans charmes dirons-nous, ce n’est ici pas du tout le cas. Bien sûr, leur potentiel de séduction est pleinement exploité, tout en restant a minima grand public dans le visuel bien entendu, mais elles ont aussi plusieurs fois des jeux complexes et intenses pour lesquels ces jeunes actrices s’en sortent très bien. Ça sera par exemple une identité à donner subtilement à des personnages au même physique, des situations désespérées qui montrent leur force de caractère sous leur belle allure...


Une grande part a été laissée à l’improvisation avec des répliques, des mimiques, des idées de mise en scène insufflées par les acteurs eux-mêmes. Le premier échange entre Adama et son fils par exemple ne mentionnait pas que le père n’affronte jamais le regard de son fils, même un instant, c’est une idée de l’acteur qui contribue ainsi à la caractérisation de son personnage lors de ses premiers dialogues. Cette idée sera ainsi reprise par la suite avec le personnage qui regardera souvent ailleurs avant de se mettre à regarder dans les yeux d’un coup son interlocuteur à un moment incisif de la conversation, le genre de détail qui fait la différence pour insuffler ce charisme.


De la même manière, rien qu’en faisant attention à ce détail, sans même écouter les dialogues et connaître l’histoire, on peut comprendre à quel point Adama respecte ou est intime envers son interlocuteur, si cette relation est en train d’évoluer dans un sens ou dans un autre… Je trouve que c’est un jeu d’acteur exemplaire qu’on retrouve très peu de fois. C’est à combiner avec l’écriture des personnages et de leur relation qui est tout simplement très profonde, et on peut voir très nettement la différence qualitative avec la série principale pour certaines situations qui ont pourtant le même point de départ scénaristique.


Par exemple, dans les 2 séries Appollo fait la rencontre d’une mère célibataire pour laquelle il éprouve rapidement des sentiments amoureux. Dans la première, c’est le coup de foudre réciproque quasi-immédiat et la place du personnage en tant que mari et père se fait très facilement et au profit de tout le monde, c’est bien joli mais c’est assez grossier tout de même. Dans la seconde, l’enfant a du mal à l’accepter et la femme refuse qu’Appollo s’impose dans sa vie comme s’il pouvait devenir le mari et le père parfait pour elle du jour au lendemain. Ça illustre totalement la réelle complexité et profondeur des relations très éloignées des raccourcis et stéréotypes du show original.


Le scénariste de la série Ronald Moore dit ceci à ce propos :



Nous avons travaillé à rendre nos personnages humains et c’est ça le secret de la série ! Nous avons œuvré passionnément à créer des personnages réalistes pour que le spectateur les considère comme tels, célèbre leurs victoires et pleure leurs défaites en toute sincérité, sans que ça ne soit jamais artificiel.



Le rythme de la série autorise ainsi beaucoup de moments d’humanité avec des dialogues très naturels entre les personnages, des petites blagues qui ne désamorcent aucunement des scènes dramatiques, des longs moments d’introspection qui ne tombent jamais à plat… Des personnages aussi charismatiques que j’apprécie suivre sur des dizaines d’heures, c’est un point commun à mes séries TV préférés mais là leur nombre quand j’y pense est vraiment supérieur à n’importe quelle autre série que j’ai pu voir et j’ai été plus d’une fois choqué par la mort ou la simple mise en danger de l’un d’entre eux.


Le récit s’autorisera à aller assez loin sur la question avec des tueries brutales, des trahisons déchirantes, des suicides dramatiques… C’est un récit mature et impitoyable qui n’hésite pas à faire prendre à ses protagonistes les plus attachants de cruelles décisions, à les mettre dans des impasses dont ils ne peuvent en ressortir moralement irréprochables, quand bien même ils seront les personnages dont on continuera d’adopter la perspective. Par exemple, s’il y avait une dualité entre le pouvoir civil et le pouvoir militaire dans la série originale, elle est beaucoup plus développée et nuancée ici, l’un comme l’autre ayant ses forces et ses faiblesses.


J’aimerai prendre l’exemple d’un épisode tournant pour moi, l’un de mes préférés, l’épisode « Téléchargement » de la deuxième saison :
- d’un côté, des humains jusqu’ici très vertueux, leaders de cette humanité vaillante, combattant pour sa survie sans perdre ce qui fait d’eux des humains, prennent une décision d’une cruauté implacable que l’on a envie de condamner moralement en tant que spectateur.
- de l’autre, des cylons responsables de meurtres, ou au moins tentatives, absolument révoltants auxquels on a directement assisté prennent une décision courageuse et merveilleusement humaine que l’on ne peut qu’applaudir.
- tout ça se fait avec l’idée brillante d’introduire une évolution en miroir de deux personnages avec une justesse tout simplement parfaite, des révélations qui donnent un second niveau de lecture absolument incroyable… c’est parfaitement magistral !


Le scénario est enveloppé d’un mysticisme qui me rebutait un peu à mon premier visionnage mais je me suis rendu compte à mon second qu’il était lourd de sens, à l’image des nombreuses et diverses références à la mythologie. Si les scénaristes ne parviennent pas à répondre à toutes les questions qu’ils soulèvent, ils arrivent à donner un sens et une raison au fait que l’on ne comprenne pas tout. Car oui, il y aura nécessairement des questions importantes qui resteront sans réponse à la fin de la série et c’est voulu, ça peut frustrer mais maintenant je comprends pourquoi et je trouve que c’est très réussi.


Ronald Moore commente ainsi l’un des éléments du final les plus mystiques ainsi :



Il y a pleins de façons différentes de regarder ce mystère, mais plus nous en parlions, plus nous avons réalisé que c’était mieux qu’il reste de l’ambiguïté et du mystère plutôt que d’essayer de donner une explication à la fin. […] Ce que je sais, c’est que nous voulions terminer la série exactement de la manière dont elle se termine.



Pour en revenir aux références mythologiques, elles permettent à la fois d’importer du symbolisme à certains aspects du récit mais également d’apporter des indices sur l’éventuelle connexion entre notre univers et celui de cette fiction. Le show étant à destination du public américain en premier lieu on retrouve aussi des références subtiles à des discours historiques pour les États-Unis, liés à Pearl Harbor, au 11 Septembre, à l’assassinat de JFK… Ce grand mélange des influences parvient à toujours rester très pertinent, en adéquation avec les messages à passer, les ambiances à insuffler...


Autre chose que j’apprécie énormément c’est qu’il n’y a pas d’épisode typique à la série, là où la série originale avait vraiment un déroulement habituel dont elle dérivait rarement, très épisodique, ici ce n’est jamais le même point de vue, le même type de conclusion… et l’intrigue évolue énormément en cours de route avec un déroulement beaucoup plus sériel. Par conséquent, l’intrigue génère beaucoup plus de suspens et de twists sans jamais être redondante. Elle s’autorise même à explorer différents styles avec des épisodes axés sur la comédie décomplexée, sur la bataille spectaculaire, sur le thriller haletant, sur la survie anxiogène, sur le drame sentimental... Maintenant il nous faut voir si cette formidable réussite dans le fond se vérifie également dans la forme.



RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★★☆☆



La mise en scène efficace est au rendez-vous sur bien des aspects. Pour les scènes d’action d’une part, on retrouve des perspectives bien choisies, des plans larges suivis de zooms sur des combats précis, des mouvements de bascule de la caméra pour suivre les manœuvres d’un vaisseau… On sent tout de même l’économie de moyens sur certains combats à pied avec quelques effets spéciaux cheap, c’est à noter même si ce n’est pas bien grave. Mais cette mise en scène est d’autre part efficace pour poser des dialogues ou accentuer la tension de certains passages.


Les dialogues vont ainsi souvent profiter d’effets de réalisation élaborés et variés :
- un panoramique autour d’une conversation entre personnages en cercle qui disent chacun leur réplique au moment approprié par rapport au placement de la caméra,
- une conversation entre deux personnages au premier-plan puis une mise au point de deux personnages en arrière-plan avant d’en venir à leur conversation,
- une conversation téléphonique avec la caméra tournant autour des deux personnages et faisant se succéder les plans à une fréquence en accord avec le ton de la conversation et le rythme de la musique…


Le montage peut être travaillé, notamment lors d’épisodes comprenant de nombreux flashbacks. J’ai envie de prendre pour exemple l’épisode « le grand combat » où l’on vit une succession de matchs de boxe en même temps que des flashback dévoilant des relations entre des personnages dans le passé. Les moments montrés vont par exemple expliquer pourquoi les personnages en sont venus à se détester juste avant que le combat s’accélère, comme si le personnage sur le ring avait ce flashback en même temps que le spectateur. La construction y est brillante et constitue un modèle de lisibilité.


Des moments de narration par la mise en scène seront également de la partie. Par exemple, j’adore un plan où un personnage observe un mur de photos de personnes disparues, puis ensuite avance lentement dans un couloir, la caméra suivant lentement le mouvement, dévoilant toujours plus de ces murs de photos alors que le silence est total. Aucun mot, le drame intimiste lié au personnage est posé, contextualisé dans le récit, baigné dans une ambiance mélancolique, tout ça en quelques secondes et en utilisant les outils propres au média télévisuel, rien à redire.


L’image relève par contre de choix esthétiques radicaux avec lesquels je dois avouer ne pas toujours être client :
- Le grain très prononcé, issu des technologies employées durant le tournage et conservées dans les versions remastérisées, peut se mêler assez bien à un style de mise en scène caméra à l’épaule qui justifie pleinement cette imperfection de l’image, qui en tire profit même. Mais parfois c’est exagéré sur un plan qui ne le justifie pas et ça contraste avec des plans étonnamment plus nettes sans raison esthétique apparente.
- Les couleurs très saturées peuvent offrir de très belles photographies, mettre en lumière des éléments importants du décor, souligner l’utilisation d’un code couleur à la symbolique importante… Mais ça peut assez vite sembler disproportionné et me gêner notamment à cause de sources de luminosité très vives, mais il est à noter que j’y suis sensible en règle général donc peut-être que vous n’aurez pas le soucis, ou en tout cas moins.


Toujours sur le plan visuel, le design de nombreux vaisseaux n’est pas sans rappeler celui de la série originale pour une certaine authenticité. Le mélange qu’il peut y avoir entre organique et mécanique est également assez original, certaines machines semblant même intégralement organiques, un choix assez peu fréquent. Je trouve aussi que l’utilisation d’armes à feu et d’explosifs, plutôt que de laser, de plasma… permet plus d’immersion, là où la série originale se forçait à se donner des airs futuristes avec des technologies plus exotiques, ce qui donnait des allures plus kitchs qu’autre chose au final.


Pour quitter le plan visuel et s’intéresser au son, les musiques sont très variées et très bien utilisées, que ce soit pour accentuer un moment dramatique, pour donner de l’intensité à une bataille avec les roulements de percussions et les chants en chœur qui vont bien, faire monter le suspense lors d’un dialogue, marquer la folie d’un personnage… L’OST, composée par Bear McCreary, est superbe et les meilleures scènes de la série peuvent compter sur elle pour marquer les esprits. De plus, les sons comme étouffés dans l’espace permettent de traduire a minima le vide sonore qu’il y est censé y avoir sans non plus s’inscrire dans un rendu hyper-réaliste et donc austère, un travail sonore assez pertinent.



CONCLUSION : ★★★★★★★★★☆



Si l’on excepte des partis pris esthétiques radicaux pas toujours pertinents à mes yeux ainsi que quelques scènes d’action secondaires un peu cheap, Battlestar Galactica est une merveille à mes yeux dans tous les domaines. C’est un récit qui m’a immergé dans son univers avec ses personnages merveilleusement travaillés, m’a procuré d’intenses émotions dans des moments dramatiques absolument terribles, m’a époustouflé par le grand spectacle assuré par ses batailles spatiales, m’a captivé par ses retournements de situation, m’a passionné par tous les sujets qu’il peut aborder avec grande justesse… c’est l’une de mes séries TV préférées.

damon8671
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le 14 déc. 2021

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