Dan, un jeune homme passionné de vieux films, possède le talent rare de rénover les anciennes vidéos enregistrées sur bande magnétique comme les cassettes VHS. Il est embauché par un mystérieux PDG pour digitaliser le travail d’une étudiante vieux d’un quart de siècle. Au travers de ces vidéos, Dan apprend à connaître la jeune femme, les raisons cachées qui l’ont poussée à tourner son documentaire, mais également l’étrangeté de l’immeuble où elle réside. Des phénomènes de plus en plus inquiétants commencent à toucher Dan à travers le temps.
Rebecca Sonnenshine est une réalisatrice spécialisée dans les séries d’épouvante (The boyz, Outcast) et adapte ici le podcast d’auteurs peu connus (Daniel Powell et Marc Sollinger si vous voulez faire un tour sur imdb.com). Archive 81 est une série à petit budget ; le casting comprend des acteurs peu connus et des effets spéciaux sont légers. L’œuvre mise donc essentiellement sur son scénario ainsi que sur son ambiance plutôt que sur de gros monstres dégoulinants ou encore des explosions épiques.
Eh bien Rebecca Sonnenshine est sacrément douée ! D’abord, les acteurs sont impeccablement dirigés et incarnent chacun un personnage ciselé sur mesure. Mamoudou Athie campe un héros calme et posé qui permet de dérouler l’enquête sereinement. Son ami, à l’opposé, joué par Matt McGorry est bien plus stressé, mais également plus dynamique et donc réactif. Dina Shihabi incarne une peste persuadée de son bon droit de fouiner partout, mais heureusement attendrissante.
Ensuite, le scénario est délicieux. Les 8 épisodes dosent savamment les révélations en menant régulièrement le spectateur en bateau. Les scénaristes se sont même permis de terminer de nombreux épisodes sur des cliffhangers dantesques. C’est du grand art.
Enfin, la caméra est brillamment utilisée. Plutôt que les jumps scare qui me soûlent à force d’en avoir gavé tous les films d’horreur, les apparitions et autres détails inquiétants sont disséminés en arrière plan et essentiellement dans les reflets. Car, ici, toute l’œuvre repose sur le fait qu’un écran (voire un miroir) est une porte dimensionnelle potentielle. Du coup, plonger les yeux sur une surface, même noire, peut apporter son lot de révélations parfois terrifiantes.
Seule la chute est, à mon sens, maladroite. Ami lecteur, je t’invite à refermer ici ce commentaire, car la suite contient des spoilers et, surtout, dévoile la chute de la série. Si tu ne l’as pas encore regardée, je te conseille vivement de garder la surprise parce que, malgré mon opinion, elle vaut le coup.
Tout d’abord, il manque certaines explications. On ne connaît toujours pas le rôle du père de Dan dans ce culte ni s’il est réellement passé dans l’Autre monde (ce que ses apparitions au début de la série semblent suggérer).
Ensuite, pourquoi est-ce que Samuel entre dans le portail avec Melody lors de son rituel ? S’il veut incarner Cthulhu dans notre réalité, ne faudrait-il pas pousser le cadavre de la sacrifiée ou juste la baldung Melody pour y inviter le démon ?
Par ailleurs, où est passé Samuel lorsqu’il repasse le portail ? Si Melody retrouve sa maman et Dan part dans le passé, le vilain cultiste se retrouve… on ne sait pas où. A-t-il atterri à l’époque du rituel d’Iris Vos ?
Cette histoire de voyage dans le temps est, à mon sens, une grave erreur. En effet, cela implique des changements dévastateurs dans l’histoire. Les scénarios temporels sont soit unidimensionnels soit multidimensionnels. Dans le premier cas, Dan est parti 25 ans dans le passé et a donc tout le loisir de contacter sa version plus jeune pour l’informer, voire l’empêcher de participer à cette histoire. Cela forme un paradoxe inextricable qui empêche l’histoire de se dérouler. Dans la version multidimensionnelle, il existe un monde où Dan a disparu et un autre où il y en a 2, un provenant d’un futur alternatif. Dans ce cas encore, le vieux Dan peut prévenir le jeune et on retombe dans le paradoxe. C’était donc une très mauvaise idée.
Enfin, cette projection dans le temps fait ressembler toute l’histoire à un classique de l’horreur, Prince des ténèbres de John Carpenter. Dans cette excellente œuvre de 1987, un démon existant dans une dimension parallèle cherche à entrer dans notre monde en l’infectant avec de l’eau contaminée (comme la moisissure dans Archive 81). Ses adeptes ouvrent une porte, mais l’héroïne la referme en tombant dans la brèche et se retrouve projetée 15 ans dans le futur. L’approche cartésienne et scientifique est similaire, de même que les gens sous influence dans l’environnement immédiat de la contamination. Cette ressemblance est décevante, car, même si l’adaptation de l’œuvre de Carpenter au monde moderne ainsi qu’à sa technologie (les écrans) est bien trouvée, l’ensemble est beaucoup trop similaire.
Archive 81 reste néanmoins une excellente série fantastique avec une ambiance ciselée et une histoire palpitante. Le talent de Rebecca Sonnenshine est remarquable et donne envie de voir le reste de son œuvre.