Voir la série

Vivre en monstre ou mourir en humain ?


Alors que les productions américaines portant sur des zombies s'enfoncent de plus en plus dans l'auto-dérision, forçant le trait sur l'aspect comique et montrant les infectés comme des pestiférés qu'il est juste bon de dézinguer comme des bourrins, leur enlevant toute humanité et les montrant comme des opposants assoiffés de sang, sans personnalité, et avec de moins en moins de finesse artistique dans la manière de les présenter (dernier exemple en date qui me vient à l'esprit : "Army of The Dead").


Du côté de la Corée du Sud, nous revenons davantage vers des récits "zombiesques" plus portés sur l'humain, avec "All of Us Are Dead" l'univers des morts-vivants et de ce qu'ils peuvent engendrer comme détresse, tristesse ou folie chez les non-infectés, cela reprend enfin une dimension qui me plait énormément et que j'espérais retrouver dans les dernières saisons de Walking Dead. Sans être exempt de défauts, la nouvelle production coréenne de Netflix parvient pourtant à toucher du doigt des qualités que je ne pensais pas retrouver un jour dans une série sur des zombies. Il y a des problèmes de rythme, des longueurs dues à des dialogues intimistes, un mélodrame parfois exagérée pour nous occidentaux, mais qui s'inscrit totalement dans la veine sentimentale des récits asiatiques.


N'avons nous pas ici justement une série qui rend hommage comme il se doit au genre ? Prenant le cadre d'un lycée pour lancer son histoire, tel un grand terrain de jeu où des adolescents chétifs ou peureux en tête d'affiche sont poussés dans leurs limites les plus extrêmes. Ici il ne faut pas s'attendre à des personnages expérimentés en armes à feu, ou à des personnages sans crainte, ni peur. Bien au contraire, et c'est cela que j'ai aimé voir, nous partons du tout début d'une infection, nous en voyons les origines, et le pourquoi du comment. Il n'y a donc pas de mystère alambiqué sur l'arrivée de l'infection, pas de secte gouvernemental voulant renverser le monde. Ce n'est pas tant les dégâts du virus qui sont primordiaux mais la raison de leurs existences et leur impact sur la société. Que faire quand il n'y plus d'autorité ? Peut-on tuer impunément dans un monde ravagé ?
D'autant plus qu'il est agréable de constater qu'ici, les hommes d'état et ceux qui sont au pouvoir ne restent pas sans rien faire, ils interviennent, essayent de comprendre l'origine du problème, prennent des décisions pour réguler l'infection et agissent, au point de faire des sacrifices pour une cause plus grande.


Les personnages sont empreints d'un certain réalisme, ils réagissent parfois bêtement ou de manière précipitée, mais n'est-ce pas plus la plus probable des réactions humaines ? Nous ne sommes pas tous des Dave Bautista ou des Rick Grimes en puissance, peu de personnes pourraient vraiment se sentir prêtes à affronter une telle épidémie et prendre les bonnes décisions, au millimètre près. Malheureusement, la plupart des critiques négatives que j'ai pu lire pointent du doigt les choix parfois débiles des lycéens ou l'aspect nian-nian prononcé, couplé à des longueurs, et vous rajoutez à ça l'étiquette de la Corée et il en faut pas plus pour que la série soit cataloguée ou mésestimée dans ce qu'elle peut réellement apporter.
L'erreur est humaine et c'est que la série tente de montrer, d'un bout à l'autre, et les conséquences qu'elle peut engendrer, non seulement sur soi-même mais sur les autres survivants. Des thèmes comme la romance, l'amitié ou encore le rapport à la parentalité, sont autant d'arguments qui penchent en la faveur de cette série et lui donnent une épaisseur à ne pas sous-estimer.


"All of Us Are Dead" comprend une grande partie des éléments propres à la culture coréenne, les mœurs des habitants, les habitudes de la vie quotidienne, la gestion de la politique, les comportements humains, etc. Les images sont crues, la psychologie des personnages frôle des questions existentielles sans pour autant les développer abusivement, il y a une sorte de morale transhumaniste, avec un père désireux d'améliorer la vie de son enfant, victime d'harcèlement morale et physique. Par ce biais nous voyons donc un début de pandémie que l'on peut suivre, comprendre, avec une véritable évolution et une cause identifiée. Les lycéens se lamentent sur leur sort comme le ferait n'importe quel adolescent, certains se décident à réagir en élaborant des stratégies pour se sauver et d'autres perdent tout espoir de vie. Ce ne sont pas des avengers, mais de simples citoyens dépassés par les évènements qui leur arrivent et, chacun d'entre eux, va être confronter à une épreuve de force ou à un adieu déchirant avec un de leurs proches infectés. C'est précisément ça qui me plait, entre autres choses, je me répète sans doute mais les zombies ne sont pas ici de simples monstres sans personnalité, dans le premier épisode, alors que le drame n'est pas encore arrivé, la série nous laisse le temps de voir leur vie d'avant, les gens qu'ils aiment, les parents, leur petite-amie, leur meilleur pote... avant que le drame arrive les personnages sont conscients de ce qu'est un zombie et ils en parlent comme nous pourrions le faire dans la vie de tous les jours, ils ont vu des films de zombies et pensent donc que c'est impossible d'en voir un jour. Leur réalité est la nôtre au départ, et cela dénote avec d'autres productions actuelles sur le genre où l'on se sent pas forcément touché ou pris de compassion pour les survivants. All of Us are Dead est empli de pudeur, porte le harcèlement, le suicide ou le sexisme comme des sujets délicats mais tranchants dans un tel univers.


La mise en scène quant à elle se montre ultra-dynamique dans ses phases d'action, du sang à foison et des morsures montrées dans le moindre détail. Les musiques qui les accompagnent sont parfois discutables ou frisent avec le burlesque, et il manque sûrement un thème principal marquant pour distinguer totalement l'identité de la série. Enfin, quelques partis pris et décisions prises vers la fin de la série laisseront quelques sceptiques sur le côté, mais pour éviter tout spoil, je vais éviter d'aborder certains aspects qu'il est intéressant de découvrir, d'un bout à l'autre des 12 épisodes qui composent la série.


Alors que le "Dernier train pour Busan" avait profité d'un accueil positif, il serait dommage que la dernière création de Netflix n'ait pas le même accueil critique, la faute malheureusement à un thème très récurrent, il est difficile de faire dans l'originalité avec une histoire de zombies. Pour mon plus grand bonheur, All of us Are Dead parvient à me donner tout ce que j'espérais voir, et plus encore.


En conclusion, je suis très heureux d'avoir laisser une chance à All of Us Are Dead, cette série gagnera à être renouveler pour une prochaine saison, de nombreuses choses pouvant être développer et/ou exploiter. Il n'y a pas de complot gouvernemental à la con, ou avec une origine nucléaire invraisemblable. All of us Are Dead, avant d'être une série bête et méchante sur des zombies, c'est avant tout un drame purement coréen, mettant à l'honneur des valeurs humaines en perdition dans notre monde actuel, et ce qu'il en coûte de ne pas considérer à sa juste valeur des discriminations dont sont victimes les lycéens, avant même l'arrivée des zombies. Elle est là la force de la série, certains personnages étaient déjà au bord du suicide et subissaient un harcèlement de la part des autres élèves, les zombies n'étant que la goutte faisant déborder le vase ou, pour quelques uns, une "délivrance", ce qui renforce le côté morbide de la chose. « L’enfer, c’est les autres » (merci Sartre!)
On reprochera à des lycéens, donc des adolescents, de prendre des décisions déraisonnées ou irréfléchies, ce qui me semble assez réaliste du coup et cela ne fait que renforcer la véracité de leur souffrance, ils n'étaient pas prêts à voir débarquer des centaines de zombies en se rendant en cours le matin, donc leurs décisions sont à la hauteur de leur préparation pour une telle catastrophe, c'est-à-dire zéro, c'est le gros bordel, et c'est ça qui est tripant.
Les adultes, quant à eux, agissent tout simplement en adultes, ils ne prennent pas toujours les bonnes décisions, mais cela fait partie de l'erreur humaine encore une fois et, n'étant pas spectateur comme vous et moi et n'ayant pas tous les éléments en vue, ils font des choix instinctifs ou qui dépassent leur entendement pour le bien de leur enfant (la mère qui part à corps perdu à la recherche de son fils, le père qui défit l'autorité de l'état pour sauver sa fille, l'inspecteur de police qui se retrouve à s'occuper d'un bébé abandonné en pleine pandémie), ou pour le bien commun quitte à faire de grands sacrifices (le commandant militaire, entre autres). La parentalité et la responsabilité sont donc des thèmes très récurrents dans All of Us Are Dead, on pourra pester contre quelques errances dans le scénario ou contre les choix pris par les personnages, mais ils ont le mérite de subir les conséquences de leurs choix, aucun d'entre eux n'est épargné et certains ne s'en relèvent pas et perdent tout espoir, sans pour autant avoir été mordu, s'engouffrant dans la paranoïa ou pire, en passant l'arme à gauche.


Enjoy... or die !


(7,5/10)

Eren
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleures séries avec une bande de potes, Les meilleures séries post-apocalyptiques et Les meilleures séries de 2022

Créée

le 3 févr. 2022

Critique lue 295 fois

5 j'aime

3 commentaires

Eren

Écrit par

Critique lue 295 fois

5
3

D'autres avis sur All of Us Are Dead

All of Us Are Dead
EricDebarnot
6

Nous sommes tous déjà morts...

Bien sûr, a priori "All of Us are Dead" ne fait pas plus envie que ça, avec son allure d'algorithme Netflix "zombies + vie des lycéens". Mais la nationalité coréenne garantit à priori une certaine...

le 4 févr. 2022

19 j'aime

All of Us Are Dead
domdom2006
9

Les 30 dernières secondes!

Pas d'affolement, comme d'habitude, aucun spoil, c'est plus une review du drama. Je viens de lire les quelques critiques disponibles, et je dois dire que j'hésite entre rigoler ou pleurer. J'y...

le 19 nov. 2023

16 j'aime

All of Us Are Dead
Hillja
7

Pour quelques hertz de plus

Les zombies et la Corée du Sud, c'est une histoire d'amour tardive, en fait en retard de dix ans ; c'est que la vague tendance des morts-vivants tout droit venue d'Occident a mis du temps à dérouler...

le 30 janv. 2022

16 j'aime

1

Du même critique

Babylon
Eren
10

Mille & une cuites

On le sait depuis quelques jours, le film de Chazelle a fait un gros bide pour son entrée au cinéma. Je ne vais pas m’étaler sur la question du pourquoi et du comment de ce bide, même si cela a...

Par

le 6 janv. 2023

124 j'aime

25

Les Sentiers de la gloire
Eren
10

La Fureur de l'Étranger

Je la tiens pour de bon. L'oeuvre de Stanley Kubrick la plus touchante et humaine. Pour moi j'entends... L'oeuvre qui, quand on me citera le nom de son réalisateur, me reviendra à l'esprit avant...

Par

le 8 févr. 2014

121 j'aime

7

Mad Max - Fury Road
Eren
8

POPOPO !!

Un putain de grand concert dans un monstrueux désert, flambé par le talent de confectionneur de ce cher Miller qui, au contraire d'être avantagé, aurait pu être surmené par l'handicap que génère ce...

Par

le 14 mai 2015

118 j'aime

5