Un spin-off qui honore le vieux Hollywood

• Je connais un endroit pour vous. Vous traversez ce sentier. Et vous suivez la rivière vers le sud. J'allais chasser dans cette vallée, quand j'étais jeune. Là-bas, les hivers sont cruels. Mais les étés sont très riches, et un homme qui... prévoit les choses peut bien y vivre. Vous avez l'air d'être de ce genre-là.


• Comment s'appelle la vallée ?


• Je ne connais pas le mot exact dans votre langue, mais c'est... Quand vous mourez, vous vous y rendez.


• Le paradis ?


• Oui, c'est ça, mais dans une autre langue.


• Paradise.


• Oui. Paradise Valley. C'est un joli nom. Mais souvenez-vous de ça. Dans exactement sept générations, mon peuple va se soulever et il viendra vous reprendre ces terres.


• Dans sept générations, elles seront à vous.

De Yellowstone à 1883 : À la Conquête de l'Ouest !

1883 est une série en dix épisodes signée Taylor Sheridan, qui se présente comme un spin-off captivant de la brillante série "Yellowstone", également orchestrée par Sheridan et portée par Kevin Costner dans le rôle de John Dutton, propriétaire du plus vaste ranch des États-Unis. Cette nouvelle série plonge les téléspectateurs dans les racines profondes de la famille Dutton, nous transportant depuis les débuts modestes de la fatrie en tant que immigrants irlandais parti du Tennessee pour trouver la fameuse terre promise dans le monde libre, jusqu'à l'acquisition du terrain qui allait devenir le légendaire Yellowstone Ranch. Niché au cœur de Paradise Valley, une vallée fluviale d'importance majeure le long de la rivière Yellowstone, dans le sud-ouest du Montana, cette parcelle de terre se situe juste au nord du parc national de Yellowstone, dans le comté de Park. Après le triomphe éclatant de la série Yellowstone, dont les fondements du succès reposent sur plusieurs piliers solides, dont la réalisation magistrale de Taylor Sheridan et la présence charismatique de Kevin Costner dans le rôle principal, il est intéressant de noter que la série s'inscrit résolument dans une tradition artistique qui évoque le charme intemporel du vieux Hollywood. Cette esthétique classique, associée à une narration robuste et à un souci du détail méticuleux, fait de Yellowstone un phénomène rare à une époque où de nombreuses séries télévisées inondent les plateformes de streaming optant pour des approches plus superficielles, prévisibles et éprouvées sacrifiant la qualité pour la quantité. Ce retour en force de l'essence du vieux Hollywood est un rafraîchissement, sur lequel Paramount capitalise en developpant sa licence à succès avec ce spin-off.

1883 témoigne de la volonté du studio de continuer à offrir des productions de qualité, en démontrant qu'il est possible de revenir aux racines du storytelling tout en offrant un divertissement moderne et engageant. Pour se faire, on s'efforce de captiver les spectateurs avec des intrigues riches en profondeur, des personnages nuancés et une réalisation soignée, rappelant l'âge d'or du cinéma américain. Ce choix artistique judicieux va au-delà de la simple nostalgie. Il met en lumière l'importance de l'artisanat cinématographique et de la narration captivante, élevant ainsi le niveau de la télévision contemporaine. Le récit central tire son inspiration des faits historiques des années 1880 qui ont joué un rôle déterminant dans la configuration actuelle du territoire américain. Cette période a été marquée par une migration, une exploration et une colonisation implacables, symbolisant l'expansion vers l'ouest des colons européens, en particulier des pionniers et des agriculteurs. Ces individus étaient animés par le désir de trouver des terres plus fertiles et de saisir de nouvelles opportunités économiques. Le mouvement vers l'ouest s'est caractérisé par une diversité de motivations, certains ayant des destinations précises en tête tandis que d'autres cherchaient simplement à découvrir un nouvel endroit, comptant sur leur instinct pour le reconnaître lorsqu'ils le rencontraient. Cependant, ce périple vers l'Ouest était tout sauf un chemin facile. Il représentait souvent un parcours périlleux où les rêveurs trouvaient souvent la mort, tandis que les plus résilients pouvaient espérer survivre.

Il est indéniable que l'intrigue de 1883 ne se distingue pas par son caractère novateur. Les défis du périple sur le sentier de l'Oregon ont été maintes fois évoqués dans divers supports au fil des ans. Cependant, la manière dont cette série présente son histoire est si habilement réalisée qu'elle parvient à immerger pleinement le spectateur. On se retrouve absorbés par une multitude d'aventures qui comportent des éléments tels que des traversées tumultueuses, des accidents de parcours, des serpents à sonnettes, des tornades, des rencontres avec des Amérindiens et des confrontations avec des hors-la-loi impitoyables. Bien que ces péripéties ne réservent probablement pas de surprises majeures, elles maintiennent un haut niveau de qualité. Il est essentiel de souligner la manière habile dont la série aborde la situation des malades de la variole, qui sont condamnés à l'exil et à une mort inévitable. De surcroît, elle met en lumière la complexité du mal présent à tous les échelons de la société, dépassant les clichés caricaturaux. Elle dépeint un monde marqué par l'injustice, où chacun peut basculer de la position de victime à celle de bourreau tout en luttant pour sa survie. Ce qui mérite d'être retenu, c'est que malgré ces innombrables défis, les protagonistes persévèrent. Certains vont succomber en cours de route, mais d'autres vont réussir à survivre. À la fin du périple, ce n'est pas nécessairement le plus bienveillant qui l'emporte, mais plutôt celui qui défend le plus ardemment ses convictions. En fin de compte, seul le survivant parvient à devenir le héros.

Vous ne pouvez pas croire au paradis et être triste quand les gens y vont.

Il est important de souligner que la série accorde une attention égale à la forme et au fond. En ce qui concerne le fond, elle explore avec pertinence le rôle de l'homme au sein de la famille, tout en n'oubliant pas d'aborder celui de la femme. Bien que la série ne fasse pas toujours preuve de subtilité dans son traitement de l'émancipation des femmes, elle parvient néanmoins à éviter la caricature, ce qui constitue déjà un point positif. On peut toutefois regretter un traitement un peu trop favorable à l'égard des Amérindiens, qui semblent soudainement être présentés que comme des victimes incapables de commettre des actes répréhensibles, ou bien alors c'est fait de manière involontaire. Il est essentiel de rappeler que même eux ne traitaient pas leurs femmes avec bienveillance, les reléguant souvent à un statut inférieur à celui d'un cheval. Sur le plan technique, la série se distingue par son excellence. Ce qui frappe avant tout, c'est la qualité incontestable de la réalisation et de la cinématographie qui offrent une reconstitution historique remarquable. Il est vrai que les imposantes montagnes de certaines régions, ainsi que les étendues infinies des plaines, apportent d'elles-mêmes une beauté naturelle à la composition cinématographique. Une aubaine pour n'importe quel caméran. Les années 1880 sont dépeintes de manière exceptionnelle, sans chercher à idéaliser ni à en exagérer les aspects, mais plutôt en mettant en avant leur contraste saisissant avec l'humanité. Cette approche immersive nous transporte littéralement dans le convoi, nous faisant nous sentir comme des colons en route vers la conquête de l'Ouest.

Le casting est un véritable atout de la série, à commencer par la famille Dutton. James Dutton, l'arrière-grand-père de John Dutton (incarné par Kevin Costner), est interprété par Tim McGraw. Ce personnage ambigu, marqué par la Guerre de Sécession, incarne la force et le rêve de trouver une terre sacrée pour sa famille, à l'abri des dangers. Bien que le choix de McGraw pour ce rôle puisse susciter quelques doutes quant à son adéquation, il parvient néanmoins à livrer une performance excellente. Sa fille, Elsa Dutton, jouée par Isabel May, occupe une place centrale dans le récit, et nous permet de découvrir la vie de cowboy à travers des yeux inexpérimentés, ce qui crée une forte identification avec le public. Elsa est une rebelle qui embrasse avec enthousiasme la liberté des plaines, mais les sacrifices nécessaires pour cette liberté sont exorbitants. Son parcours dramatique est profond, même s'il peut parfois sembler légèrement caricatural dans certaines de ses relations via une narration poétique, en particulier dans sa quête d'émancipation féminine. Cependant, ces moments servent à offrir des séquences émotionnelles poignantes, notamment lors de ses adieux à son mari indien. Ces moments de douceur contrastent avec les nombreux moments plus intenses de la série. Le personnage de Margaret Dutton, arrière-grand-mère de John Dutton et incarnée par Faith Hill, est convaincant et se démarque comme l'un des personnages féminins les plus intéressants de la série. Elle représente authentiquement le rôle des femmes à cette époque et met en avant de vraies valeurs.

Enfin, de la petite fratrie, nous découvrons John Dutton Sr., le grand-père de John Dutton, interprété par le jeune Audie Rick. Ce personnage sera développé davantage dans le prochain spin-off intitulé "1923". Ici, il se présente comme un jeune enfant confronté à la dureté de la vie sauvage. Le voyage accueille également deux hommes de loi, Shea Brennan, joué par Sam Elliott, et Thomas, interprété par LaMonica Garrett. Ces deux personnages se révèlent extrêmement captivants et offrent certaines des séquences les plus mémorables de la série. Leur mission consiste à agir en tant que guides, gardiens, et éducateurs pour un groupe de pionniers allemands totalement dépourvus d'expérience. Bien qu'ils aspirent à une vie meilleure, ces pionniers sont dangereusement mal préparés aux défis qui les attendent, et de nombreux d'entre eux paieront le prix fort pour cette inexpérience. Certains parmi eux joueront des rôles plus importants, notamment les cowboys qui se joignent à la caravane pour conduire le troupeau de bovins en même temps que le convoi, initiant ainsi la famille Dutton à l'élevage de bétail. Cette approche astucieuse est soigneusement développée jusqu'au grand final, où l'on comprend enfin pourquoi et comment les terres de Yellowstone sont devenues si précieuses et liées à la famille Dutton. Il convient également de souligner des caméos bienvenus, notamment celui de Rita Wilson, épouse de Tom Hanks, qui fait lui aussi une apparition réussie. Mais, le meilleur caméo reste celui de Billy Bob Thornton, qui en peu de temps, crée un véritable impact et laisse une forte impression.

CONCLUSION :

"1883" est bien plus qu'une simple série dérivée de "Yellowstone". Elle offre une plongée captivante dans l'Amérique de la fin du XIXe siècle, mettant en lumière les défis et les dangers auxquels étaient confrontés les pionniers et les colons en quête de liberté et de terres nouvelles. Malgré un récit qui n'apporte pas nécessairement de nouveautés dans le genre du western, la série parvient à captiver grâce à son excellent casting, à ses personnages bien développés et à son traitement soigné de l'époque. Cette production témoigne du désir de Paramount de maintenir un niveau d'excellence dans la narration et la réalisation, dans un paysage télévisuel où la quantité tend souvent à l'emporter sur la qualité. En puisant dans l'esthétique intemporelle du vieux Hollywood, la série offre une expérience à la fois classique et moderne, captivant les spectateurs avec des récits riches et des personnages complexes.

"1883" offre un voyage captivant à travers une époque cruciale de l'histoire américaine, tout en continuant à célébrer l'héritage du vieux Hollywood et à défendre l'importance d'une narration de qualité à une époque où elle est souvent reléguée au second plan.

Il n'y a qu'un seul tueur à Fort Worth et c'est moi.