A Tale in Song #2 - Turisas, Pagan-Folk Metal et Varègues

Peintures de guerre rouge sang, peaux de bêtes, armures de cuir et… grosses guitares électriques. Eux, c’est les Finlandais de Turisas. Leur musique : le viking metal, un sous-genre essentiellement scandinave du folk-metal, qui se nourrit de l’histoire, plus ou moins mythifiée, des Vikings d’antan. Analyse avec To Holmgard and Beyond, et plus encore The March of the Varangian Guard.

Mathias Nygård, Jussi Wickström, Olli Vänskä, Jaakko Jakku, Jesper Anastasiadis. Les cinq compères qui forment le groupe finlandais Turisas (du nom d'une figure mythologique finnoise) font généralement leur impression lorsqu’ils sont sur scène. Au pays du Père Noël et de la plus forte concentration de groupes de metal au monde, Turisas est un fier représentant du viking metal : du metal pur jus, couplé avec des violons, des tambours, qui cohabitent avec amplis et grosses batteries ; auquel s’ajoute un soupçon d’airs païens traditionnels et beaucoup d’influences historiques (pagan-folk music). Parmi les principales : les Varègues (Varangians, en anglais).

Sortie en 2007 sur l’album The Varangian Way, la chanson To Holmgard and Beyond raconte l’histoire de trente navires vikings, luttant contre vents et marées pour rejoindre Holmgard. Ces hommes, ce sont les Varègues, les Vikings de Suède et de Finlande partis explorer les terres orientales (actuelle Russie, Empire Byzantin) entre le IXème et le XIème siècle. Ils ont fini par s’installer, notamment comme mercenaires, pour la cour impériale byzantine : la garde varangienne, forte de 6000 hommes sous le contrôle de Basile II, y devient légendaire pour son aptitude au combat (et notamment le maniement de la hache de guerre).

Holmgard and beyond, that's where the winds will us guide, for fame
and for gold, set sail for those lands unknown.

Quant à Holmgard, la destination de ces Varègues, il s’agit en réalité du nom scandinave de la cité (maintenant russe) de Novgorod, un des lieux prisés par les Vikings. Pour la petite histoire, ce sont des Varègues qui ont fondé les premiers Etats russes comme Kiev ou Novgorod. Ils y ont développer des cités où commercer, y ont édifié une administration, avant de disparaître en s’assimilant totalement à la population slave locale.

Le folklore varangien comme métaphore de la diversité ?

En 2011, dans l’album Stand Up And Fight, Turisas signe le titre March of the Varangian Guards, imaginant ce que pourraient bien chanter les Varègues sous bannière byzantine marchant vers les « vastes plaines du Serkland ».

Flies our banner as we march, to the East, for the king of the Greeks
!

Serkland ? Là encore, le groupe réutilise un terme nordique ancien pour une référence historique précise : le Califat abbasside, qui est la plus grande puissance musulmane de l’époque et l’ennemi des Byzantins. Ce sont contre les Abbassides que les Varègues vont donc se battre. Mais pas question de manichéisme chrétiens contre musulmans, ici. Après tout qu’importe pour les païens venus du Nord. Leur christianisation viendra après.

There’s men of the cross and the hammer, a few of the moon crescent, […] All we’ve come from far, diversity is what unites us.

Sous la même bannière, dans l’armée byzantine du « roi des Grecs », des mercenaires musulmans, chrétiens, païens. Unis dans la diversité, donc. En fait, les historiens ne sont pas fixés sur la réalité de l’organisation du mercenariat byzantin : l’armée était peut-être divisée par groupe religieux. Mais peu importe : Turisas réutilise un élément du roman « national » scandinave, un réel morceau d’histoire, pour promouvoir le mélange des cultures sous une même bannière (hier byzantine, aujourd’hui finlandaise ?). Même derrière les peintures et les peaux de bêtes, il peut y avoir un message politique.