Pendouillant le long d'un câble électrique, une ampoule grésille et étale sa crasseuse lumière jaunâtre sur quatre épais murs de bétons.
Au centre de cette pièce, une chaise en bois supporte péniblement le petit corps charpenté d'un homme dont la tête enfouie sous un tissus sombre et puant, remue frénétiquement. Ses mains sont liées aux barreaux du dossier et ses chevilles fermement nouées contre les pieds. L'entrejambe de son pantalon marron en velours côtelé fait de son mieux pour éponger son urine qui serpente le long de ses jambes.
Depuis des heures, cet homme geint en vain à travers un bâillon qui lui scelle les lèvres. Il a beau se concentrer, il ne parvient pas à expliquer comment il s'est retrouvé prisonnier de ces ténèbres.


Il se fige instantanément lorsqu'il entend un cliquetis se mêler à la friture électrique puis le vacarme grinçant d'une lourde porte de métal qui s'ouvre en grinçant.
Assourdi par les battements de son cœur qui résonnent dans sa carcasse comme un troupeau de Harley, il perçoit à travers ce vacarme des pas qui claquent sur la chape de béton. Il en est persuadé, "ils" sont deux.


Une rasade retardataire de pipi se fait la malle lorsqu'il entend successivement deux voix autour de lui :
- "Oh naaaan ! C'est quoi toute cette pisse ?"
- "Y a pire que ça mon mignon. Qu'est-ce que c'est qu'ce putain d'froc ? C'est le gros Noiret qu'on a là ou quoi ? Ouahaha ! Par contre, lui cagouler la tronche avec ton slip, je dis lol ! Retire-lui qu'on voit sa tronche de cul."


Sous le slibard, la proie morve et suffoque de trouille. Elle sent une main s'emparer de son triste couvre-chef puis le retirer d'un geste brusque. L'homme refuse d'ouvrir ses yeux car il sait pertinemment qu'en découvrant les visages de ses tortionnaires, il bénéficiera automatiquement d'un fastpass vers la Faucheuse.


PLAAAAF ! La gifle qui l'intime à ouvrir ses mirettes claque comme un fouet sur sa peau, ricochant sur les parois de béton de sa geôle et fait sonner le bourdon de Notre-Dame dans son crâne.
A travers le flou de ses larmes acides, il distingue deux silhouettes dressées face à lui. L'une d'entre elles s'approche et lui arrache le chatterton qui scellait sa bouche. Le mix de douleur et d'oxygénation lui font pousser un cri bestial digne des meilleurs candidats aux mondiaux du cri de cochon.
- "Qui...es...tu ?" lui chuchotte à l'oreille le même individu.
- "Je...je...qui...je...quoi, comment ?"
PLAAAAF ! Une nouvelle torgnole s'abat sur son faciès ! Big Ben s'incruste dans la collection de clochers de sa cathédrale.
- "Qui es-tu ?"
- "Je...s-s-s-suis R..."


PLAAAAF ! PLAAAF ! PLAAAF ! PLAAAF ! Une averse de phalanges s'abat des deux côtés de son visage déjà brûlant comme une plancha. Une bouillie sonore semblable à du brutal death metal repris par les Musclés se répand comme de la lave dans sa carafe. Une telle violence le contraint à ouvrir ses paupières s'il ne veut pas céder aux ténèbres. Il perçoit alors les deux individus : l'un est blanc et blond, rondouillard, affublé d'un visage aux traits passablement mongoliens mais caché derrière d'invraisemblables lunettes rondes à double foyer. L'autre gus est filiforme et...intégralement rouge ! Tout comme sa chevelure hirsute d'où émergent des yeux noirs globuleux.
- "Hop-pop-pop ! Du calme l'ami ! Il allait nous répondre !" tempère le rougeot.
- "Mais tu vois pas qui s'fout d'not' gueule ? Il joue la montre c't'enfoiré !" piaille le binoclard.
- "Faisons preuve de plus de diplomatie avec notre invité, veux-tu ? En faisant patiemment connaissance, comme des gens civilisés. Cher invité, veuillez décliner votre identité, je vous prie."
- "Je m'aaaa-p-p-p-pelle...Robert...Robert de Niro. J'...j'...j'ai beaucoup d'argent, je peux..."


PLAAAAF !
- "ARRETE ! Tu vas l'tuer !" dit le rouge en saisissant les pognes de son débile de complice dégoulinant de bave et de sueur.
- "Mais y s'fout d'not'gueule ! C'est pas lui Bobby de Niro ! C'est pas lui Travis Bickle ! C'est même pas lui Nick Cady, Jimmy Conway, LaMotta, Louis Gara ou Michael Corleone ! Et où qu'il est son poireau d'abord ?!" geint-il comme un sale môme capricieux de quatre ans.
- "Ah ça non, c'est pas lui Michael Corleone, c'est Al Pacino !"
- "Meuh, t'es sûr ?"
- "Bah oui, indubitablement j'connais la filmo de Scorsese par coeur, mon con !"
- "S'cusez moi." tente la proie dans un filet de voix charlottegainsbourien. "Si j'puis m'permettre, j'ai aussi joué dans Heat de..."


PLAAAAF ! La violence du coup fait ressurgir dans sa caboche le fatidique K-O de Tekken.
- "Celle-là, tu l'as méritée !" ricane la rougeole. "On y venait justement. Heat, Michael Mann, 1995, une année qui devrait être gravée sur la tombe de Robert de Niro. Le véritable, le seul et unique Robert Anthony de Niro !"
- "J'peux l'taper, là ?" demande la brute tout en trépignant d'un pied sur l'autre.
- "Un peu de fair-play, attends un peu qu'il arrête de saigner du pif et que je lui pose ZE quouechtieune : qui es-tu ?"
- "Bah, j-j-je suis...huum ! Robert de Niro !"
- "Et là, j'peux ?" demande le golio, une main tendue au dessus de sa grosse tête, prête à écraser la tronche de son invité comme un flan.
- "Je t'en prie."


PLAAAAF ! L'invité mystère a l'impression que toute la batterie de cuisine de Top Chef vient de se casser la gueule en lui.
- "Il ment c't'ordure. Il MENT !" dit d'une voix stridente le binoclard tout en empoignant frénétiquement sa verge priapique qui tente de forer son short d'athlétisme.
- "Mon pote a foutrement raison. Ecoute-moi bien Bobby de mes deux, je vais te laisser quelques minutes avec mon pote pour de te rafraîchir la mémoire. Amusez-vous bien, à plus !"


A peine esquisse t-il son départ vers la porte que Bobby de mes deux clame en chialant :
- "Vous avez raison ! C'est pas moi Robert de Niro. C'est pas moi, c'est pas moi !"
- "Alors...qui es-tu ?" demande le Rouge sans se retourner.
- "José Garcia, je suis José Garcia !"
- "Ca on le savait déjà Josette. Mais comment es-tu devenu cet usurpateur ?"
- "C'est grâce à Canal..."
- "A CAUSE !" hurle l'hydrocéphale qui tire de plus en plus violemment sur le bout de son zguègue turgescent.
- "Oui, oui, pardon ! C'est à cause de Canal mais surtout à cause d'une inversion de cartouches à blanc avec des cartouches à balles réelles que Robert de Niro s'est véritablement fait descendre par Al Pacino sur le plateau de Heat. Alors pour ne pas foutre un bordel pas possible à Hollywood, des producteurs et certains réalisateurs ont préféré étouffer le drame. Des mecs d'Hollywood ou de la C.I.A. j'en sais rien, m'ont contacté suite à mes imitations de De Niro dans Nulle Part Ailleurs. Ils m'ont proposé une montagne de pognon pour remplacer De Niro. Au début, je devais me limiter aux contrats qu'il avait déjà signé pour Jackie Brown, Sleepers, Copland et The Fan de Tony Scott qui, au passage, s'est soit-disant suicidé. Tony était au courant, il ne parvenait plus à vivre avec ce mensonge et s'apprêtait à tout révéler chez Evelyne Thomas. En tout cas, ces mecs ne m'ont jamais permis d'arrêter ! Ils m'ont fait faire des choses horribles, horribles !"
- "Comme : Ronin, The Adventures of Rocky & Bullwinkle, Showtime, Malavita de Luc Besson ou donner la gougoutte dans Meet the Fockers ?" poursuit le Rouge.
- "Ouiiiii ! Ils sont capables du pire, ils sont sans pitié ! Et d'ailleurs, sur Showtime je ne jouais même pas avec Eddie Murphy mais avec Eric Blanc ! Z'aviez pas remarqué qu'il avait disparu de la circulation depuis un bail ? "
- "Eddie Murphy est...mort, lui aussi ?" s'exclame la binocle en lâchant subitement sa quéquette.
- "Nan, il s'la coule douce quelque part dans le Pacifique depuis un paquet d'années" lui confesse José Garcia.
- "C'est bon ça, c'est dans la boite !" s'exstasie le bonhomme rouge en brandissant des cornes de Satan du bout de chacune de ses mains.
- "Vous...vous...vous m'avez filmé ? Han putain j'étais déjà mort mais là, c'est pire !"
Rouge se rapproche et murmure dans l'oreille de Garcia : "Dis-nous José, tant qu't'y es, t'as d'autres noms à nous balancer ?"
- "De toute façon, foutu pour foutu, ils vont m'crever..." souffle Garcia en baissant la tête d'un air totalement dépité. "Al Pacino c'est Tex, George Clooney c'est Bigard, Jean-Paul Rouve s'est fait niquer en interprétant un sosie de Polnareff, Jim Carrey c'est Courtemanche et Mickey Rourke est une femme ! Y en a sûrement d'autres mais là, j'vous ai tout dit ! J'vous l'jure ! J'vous en supplie, épargnez-moi !"
- "Mais t'es con, toi ! Il a jamais été question de te buter ! Hé, mais juste avant de te libérer, tu nous ferais pas un p'tit coup de De Niro quand il dit You talkin' to me ? You fucked my wife ? Allez s'te plaît, Josette ! S'te plaît !"
- "Oh ouais, ouais, s'te plaît, fais De Niro, fais De Niro où j't'achève avec ça !" menace le binoclard sautillant et reprenant en main, comme dans un étau, son excroissance à nouveau démesurée.

Lazein
4
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Un acteur ou une actrice dans le titre de la chanson

Créée

le 19 déc. 2017

Critique lue 125 fois

7 j'aime

2 commentaires

Laz' eïn

Écrit par

Critique lue 125 fois

7
2

Du même critique

Papillon
Lazein
9

Mouche à beurre

En cette glorieuse année 1973, le peu prolifique cinéaste US Franklin J. Schaffner, fraîchement auréolé du combo "Planet Of The Apes" &"Patton", enchaine avec "Papillon" qui constituera le summum de...

le 10 juil. 2013

64 j'aime

5

Back in Black
Lazein
9

For Whom The Bell Tolls

Ca ne fait que 6-7 ans qu'AC/DC asperge le monde de ses effluves tirées d'un cocktail composé d'une base de blues puis de sueur, de sang, de cuir, de graisse, de pneu brûlé, de bière chaude et de...

le 8 mars 2014

63 j'aime

21

Stars 80
Lazein
2

Starbeurk

Je m'appelle Thomas Langmann et je suis producteur. J'ai suivi la voie toute tracée par mon père Claude Berri, éminent producteur de grands crus d'exception ("La Reine Margot", "Amen"...), de moult...

le 5 janv. 2014

57 j'aime

5