« Une Cosmologie de Monstres » est quand même un sacré premier roman. Il apparaît très difficile de s’en imprégner complètement et d’en fournir une critique « complète ». Avec ce livre on tape dans bien des genres, bien des domaines, bien des idées. Et le rendu est aussi passionnant que confus, aussi intriguant que lassant. C’est quand même sympathique d’éveiller tout cela avec un premier roman.
C’est, pour faire simple (et donc faux), l’histoire d’une famille qui, sur plusieurs générations, sera confrontée au surnaturel sous la forme d’apparition, rêves étranges et disparitions en tous genres. Autant se le dire, cela désarçonne car très honnêtement, on lit rarement des livres avec des atmosphères aussi atypiques. Car le premier mot qui me vient à l’esprit en pensant à ce bouquin, et de très loin, c’est « bizarre ». Bizarre dans son intrigue, ses personnages, les relations qui les lient, bizarre dans le genre littéraire qu’on pourrait tout à fait identifier comme le « weird » fantastique (Miéville fait de son mieux en fantasy, il lui faut des copains de jeu…). Lintrigue est effectivement labyrinthique et se tord comme un corps désarticulé : cela prend des virages brutaux et il est impossible de deviner ce dont va parler le chapitre suivant. C’est étrange, bizarre, on a du mal à reprendre ses appuis tant le tout est glissant : les personnages nous cachent des choses et réagissent de façon surprenante, le déroulé de l’histoire est chaotique et incompréhensible. Et le tout forme un bel effet : celui de suivre, comme dans un train fantôme, une attraction intrigante et menaçante et dont nous ne pouvons pas quitter le bord.
C’est un roman ultra-référencé, et s’il est impossible de ne pas prendre tout cela en compte, il convient de saluer Hamill pour avoir au final accouché d’une œuvre… Très unique. On évoque en premier lieu et facilement HP LOVECRAFT, tant les références sont assumées (plusieurs citations parcourent le livre) et le style plagié à l’occasion de quelques paragraphes ludiques (les descriptions de villes tentaculaires et extra-dimensionnelles pourraient tout à fait être tirée de n’importe quelle nouvelle de Lovecraft…). C’est dans la relation des personnages au surnaturel qu’on s’écarte tout à fait de Lovecraft et qu’on tient bien plus d’un Clive BARKER. Je pense notamment aux relations charnelles avec le bizarre, et cet espèce de comportement familier et original avec les monstres… Et on mentionnera une touche de King, dans l’élaboration de cette famille et son environnement, plutôt réussis. Je souligne de nouveau que le résultat final, lui, n’appartient qu’à Hamill.
Là où le tout perd de sa superbe, c’est sur son rythme et finalement le plaisir de lecture qu’on en retire. « Une Cosmologie de Monstres » est foncièrement « un bon bouquin », au sens où l’on ne peut dénigrer l’audace de l’originalité et ce qu’elle provoque chez nous. Néanmoins, je n’ai pas trouvé ça si évident de me passionner pour ce livre. J’étais curieux et extrêmement intrigué, mais difficile de dire que j’ai « vibré » pour cette intrigue ou ces personnages. Le côté surprenant, continuellement décalé, dérangeant ou bizarre du livre en écarte un certain nombre de plaisirs à mes yeux. Le tout manque également un peu de rythme : certains moments sont forts mais entrecoupés de longs chapitres un peu somnolents utiles pour l’ambiance, moins pour le tempo du roman.
Quoi qu’il en soit, je pense qu’il est de bon ton de lire « Une Cosmologie de Monstres », au moins pour lire un vrai truc bizarre et intriguant. Je trouve qu’on manque globalement d’audace en imaginaire : Hamill a le mérite d’aller au bout de ses idées et de son style.
J’attends avec impatience la suite de ses œuvres, en espérant constater une maturation qui permettra au matériau brut de son récit de gagner en ampleur dramatique et ainsi de signer des pépites littéraires.