L’Undergound Railroad est un réseau de chemin de fer souterrain et clandestin traversant les États-Unis du Sud au nord. Un réseau construit par des abolitionnistes blancs et des esclaves affranchis pour offrir une route vers la liberté à ceux ayant l’audace de tenter leur chance. Cora l’a utilisé pour quitter la plantation de Géorgie où sa vie était un enfer. Une fuite éperdue avec sur ses traces le terrible chasseur d’esclaves Ridgeway, bien décidé à mettre le grappin sur celle dont la mère est la seule à avoir pu échapper à ses griffes des années auparavant.


Caroline du Sud, Caroline du Nord, Indiana, Cora remonte vers le nord et découvre dans chaque état une forme de racisme différente : stérilisation de masse, pendaison et lynchage pour les blancs se montrant trop conciliants avec les noirs, repli communautaire dans un état « progressiste » tenant plus du miroir aux alouettes que d’un espoir réel, Cora découvre du haut de ses 16 ans que « le monde rend les hommes méchants ».


L’Undergound Railroad, réseau d’aide aux esclaves fugitifs, a bien existé, mais pas sous la forme d’un chemin de fer souterrain. Cette « invention » permet à Colson Whitehead de donner une dimension fantastique salutaire à un récit d’une brutale réalité. Car la fuite de Cora n’a évidemment rien d’un long fleuve tranquille. C’est une lutte farouche et désespérée contre l’adversité, un chemin semé d’horreurs où les désillusions s’enchaînent. Impossible de ne pas s’indigner devant le traitement réservé à la population noire par les états du sud avant la guerre de sécession. Impossible de ne pas mettre en parallèle ce traitement avec la question raciale toujours brûlante dans l’Amérique d’aujourd’hui. Et impossible également de ne pas voir dans la situation de Cora le reflet de celle des migrants actuels, fuyant un enfer en pensant que l’herbe est forcément plus verte ailleurs alors qu’ils ne sont en réalité bienvenus nulle part.


Un roman puissant, habité, très documenté, où l’insoutenable n’est pas un effet de style qui cherche gratuitement l’obscène et le sensationnel. On en sort secoué, ébranlé, anéanti devant autant de haine, ébloui devant autant d’abnégation, devant une telle volonté de vivre dans un monde vous faisant perpétuellement comprendre qu’il n’y aura jamais de place pour vous à la table des rois. Surtout, on sort de ce roman en se disant avec tristesse et effarement que Colson Whitehead vient peut-être de nous montrer, avec un incroyable brio, le vrai visage de l’Amérique.

jerome60
8
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le 25 août 2017

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jerome60

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