La lecture fut atypique, car je l'ai écouté en audiobook en attendant la cicatrisation, après une intervention au laser sur mes yeux.
C'est très plaisant à lire, et cela constitue la Bible de tout social-démocrate, mais en réalité il y a davantage de radicalité. Mandela ne cherche pas à gommer ses hésitations entre la voie non-violente et le recours à la violence. Et contrairement à ce qu'on a dit, il ne fut pas un Gandhi. Il parle des luttes internes à l'ANC (parfois au point d'être un peu terne), et de ce curieux épisode où il fit une sorte de tour d'Afrique des luttes armées avant de recevoir une formation paramilitaire de plusieurs mois en Ethiopie. Il est cocasse d'imaginer cet homme, qui était fondamentalement un avocat doté de dons indéniables pour la négociation et la chicane marcher dans les pas des luttes armées africaines. On voit bien qu'il n'y était pas dans son élément.
Mandela écrivain est habile, il sait toujours agrémenter son récit de détail truculent à l'ironie tendre ou ravageuse. Il reste que comme dans une partie de la littérature africaine, malheureusement, les passages qui ont trait à l'ethnie ont quelque chose qui nous reste étranger : on sent qu'il faut avoir vécu de l'intérieur ce sentiment de communauté pour le bien saisir.
J'aime ce livre principalement pour son ambiguïté, et je comprends très bien pourquoi il a tant parlé au public américain. L'univers mental de Mandela est clairement celui du prétoire, et tout le monde aime un Perry Mason noir.
Il faut lire ce livre avec un peu de recul, sans sombrer dans l'angélisme. Il reste une source fascinante sur ce que fut l'appartheid, et la bêtise crasse de ce régime.