Comment dire que je l'aime ?
Ce livre, c'est un peu moi. C'est la réalisation du désir sourd que l'on peut ressentir lorsque l'on s'ennuie, lorsque le monde est trop ou trop peu, trop petit ou trop grand : s'échapper, cesser d'exister. Être ailleurs.
C'est le fantasme du rêveur qui cherche à ressentir pleinement ce qu'est la vie en se détachant de la vie : vivre une expérience unique, se priver de tout, se défaire des habitudes habituelles en se créant une routine banalisée. C'est paradoxal mais ça ne l'est pas : en réduisant au strict minimum les points d'accroche du monde extérieur, c'est une potentialité de découverte de son monde intérieur que s'offre le narrateur. Pour aller chercher ses limites et se découvrir, il expérimente sur lui-même pour mieux observer autour, en tentant de s'arracher au monde - pour mieux y trouver sa place ? -.
Le bourdonnement lancinant qui submerge l'adaptation cinématographique est un écho à ces retours cycliques, ces phrases rondes et laconiques qui rendent compte, un peu, du sentiment éprouvé par un rat qui serait enfermé dans une pièce circulaire aux parois ultra-lisses, toujours condamné à en revenir au même point.
Et cette fin, l'aveu, un peu comme dans "Into the wild" : tout ceci n'était qu'illusion et n'était pas la vie, tout ceci n'a pas changé ta vie, tu as échoué dans cette tâche impossible. Tu es humain. Et la fuite est vaine.

Créée

le 19 nov. 2010

Critique lue 1.6K fois

33 j'aime

3 commentaires

Elsahaha

Écrit par

Critique lue 1.6K fois

33
3

D'autres avis sur Un homme qui dort

Un homme qui dort
MarianneL
8

Le détachement du monde d’un jeune homme, ou comment écrire pour dissoudre le réel.

En épigraphe à «Un homme qui dort», publié en 1967 aux éditions Denoël, juste après «Les choses», on peut lire cet extrait des Méditations sur le péché de Franz Kafka : «Il n’est pas nécessaire que...

le 25 avr. 2014

11 j'aime

Un homme qui dort
Hesperis
10

Tristesse passionnelle

Première fois que j'ai eu autant de mal à rendre un livre à la bibliothèque. J'avais l'impression, et je l'ai toujours, d'avoir laissé quelque chose de moi dans ces pages. Perec, mon ravisseur. Une...

le 15 mars 2015

7 j'aime

1

Un homme qui dort
vico12
9

Critique de Un homme qui dort par vico12

(p105) Libre comme une vache, comme une huître, comme un rat ! Mais les rats ne cherchent pas le sommeil pendant des heures. Mais les rats ne se réveillent pas en sursaut, pris de panique, trempés de...

le 13 févr. 2013

3 j'aime

Du même critique

Paris, je t'aime
Elsahaha
6

Vraiment inégal.

Dommage, quoique prévisible. La note grimperait à 9-10 pour le court de Tom Tykwer avec Natalie Portman (et rien que pour celui-là, le film est recommandable)... et descendrait à 3-4 pour celui de...

le 12 juin 2011

9 j'aime

Mon oncle
Elsahaha
10

Le bonheur.

'Mon Oncle', c'est d'abord une histoire d'enfance. Un de ces films qu'on réclamait le dimanche après-midi avec mes soeurs, un de ces films devant lesquels on rigolait sans trop savoir pourquoi, sans...

le 12 juin 2011

7 j'aime

Cahier d'un retour au pays natal
Elsahaha
10

Critique de Cahier d'un retour au pays natal par Elsahaha

La profusion est ma reine, je la vénère, l'adore, me prosterne à ses pieds. La boulimie de mots et de sonorités charnues, je trouve cela jouissif. Le sale, le putride, la rondeur et les...

le 27 nov. 2010

5 j'aime