Un crime
6.9
Un crime

livre de Georges Bernanos (1934)

Un styliste hors-pair pour un policier complètement raté

Bon. Je viens de finir la lecture, et je suis très partagé.
Je vais moins spoiler que d'habitude vu qu'il s'agit théoriquement d'un roman policier.


Un Crime est un roman policier de Bernanos, paru en 1935. Je répète beaucoup policier mais ça a son importance. L'histoire nous raconte l'arrivée d'un jeune prêtre dans une région montagneuse. Peu après son arrivée, il sera le témoin-clé d'un crime atroce. S'en suit une enquête nébuleuse où la l'abnégation du juge d'instruction fait face à un mur : le silence du nouveau curé.


Ce livre répond à un besoin d'argent très pressant de la part de Bernanos, qui avait promis de livrer un policier à son éditeur (d'où le titre, qui le rend immédiatement identifiable auprès du public). Seulement voilà : Bernanos sait faire du Bernanos, mais il ne sait pas faire de roman policier. L'intrigue est extrêmement confuse, et la fin reste tout aussi obscure : et pour un roman policier, une enquête incompréhensible est un défaut absolument impardonnable. Et ici, c'est malheureusement le cas : même si Bernanos s'efforce de laisser des indices sur son chemin, ils sont extrêmement ténus et je défie quiconque de comprendre la fin avant de relire le livre une seconde fois ou d'aller chercher des explications sur internet.


C'est terrible, parce que l'idée d'un policier dans un presbytère est originale et le style de Bernanos est extrêmement fin, comme à son habitude. Mais tout est trop confus et foisonnant : trop de rebondissements qui viennent de nulle part, et malgré l'élégant style de Bernanos et ses méditations très brillantes sur le rôle du masque et sur l'image du prêtre vu par les yeux des hommes, j'ai eu le sentiment que le dénouement était profondément articiel. Trop hâté.


Ca ne me dérange pas du tout qu'un roman soit nébuleux. Généralement c'est même quelque chose qui me plaît. Mais pour un "roman policier" (Bernanos ne respecte pas les codes du genre de toute façon) c'est simplement un écueil. Et même si j'acceptais de faire abstraction du genre auquel il prétend (et je devrais peut-être le faire), le roman aurait toujours à mon sens un véritable problème de rythme, probablement parce qu'il est trop court pour ce qu'il veut raconter. Et pourtant, le style est magistral et le propos est tout à fait intéressant, dans la lignée de son rapport au catholicisme. C'est un roman avec d'énormes qualités, mais aussi d'énormes défauts qui vous sautent aux yeux.


Frustrant. Mais ça me donne envie de lire Bernanos encore davantage.

Bassorah
5
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le 8 févr. 2022

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Bassorah

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