Aurélia Blanc a rédigé ce bouquin car elle est partie du principe (après observation et analyse de sa part) qu'il existait beaucoup de recommandations pour élever ses filles de manière féministe, mais a contrario très peu d'éléments concernant ce type d'éducation pour les garçons.


A partir de là, l'auteure nous assène un certain nombre de recommandations, sous le prisme d'une vision féministe. Là où le bât blesse, c'est qu'il s'agit d'un certain féminisme (dont elle se revendique d'ailleurs et nous lui en sommes reconnaissants). Un féminisme "moderne", "progressiste", "inclusif", qui s'apparente en réalité à une sorte de militantisme, d'apparence gentillet, mais in fine plutôt radical sous certains aspects.


On passera rapidement sur le fait que le féminisme de l'auteure est plutôt de l'ordre de l'intersectionnel que de l'universaliste. N'étant pas d'accord avec elle sur ce point, forcément, j'ai des choses à redire sur le bouquin dans son ensemble, et cette appréciation est forcément subjective. Il n'empêche que le caractère intersectionnel / universaliste du féminisme ne transparaît pas forcément partout, et que les reproches principaux que je lui fais sont ailleurs.


En effet, à côté de certaines "évidences" (éviter de trop genrer son éducation, dans le choix des mots, des activités, etc.), l'auteure nous enjoint à sortir de la masculinité toxique, des carcans de la virilité, etc. Si le propos d'ensemble est louable, dans le détail, on sent comme une sorte de doctrine (dont elle se défend pourtant) qui fait fi de la complexité du monde. La masculinité toxique (et le patriarcat) serait à l'origine de tous les désordres entre hommes et femmes. Seuls les comportements genrés masculins sont à blâmer. Ma courte critique ne va pas s'amuser à répondre point par point au bouquin, mais c'est un poil plus compliqué que cela. Dans le jeu complexe des relations amoureuses, certaines femmes (qui peuvent être nombreuses) sont parfois désireuses de retrouver des comportements virils chez l'homme (tandis que d'autres fuiront cela). Est-ce à dire qu'elles auraient intégré la masculinité toxique jusque dans leur chair ? Possible, mais ce n'est pas mentionné. En réalité, s'il est important de pouvoir nommer les choses (comportement viril, toxique ou non selon les cas), on peut aussi reconnaître que la complexité de l'être humain et de ses rapports sociaux fait qu'un comportement, dans tel ou tel contexte, est acceptable ou non. De fait, se revendiquer d'une certaine virilité n'est pas nécessairement négatif.


Raccroché à l'éducation des garçons, il faudrait "simplement" (plus facile à dire qu'à faire bien sûr) pouvoir analyser si leur comportement nous paraît correct ou non, sans forcément chercher à en dénicher la part de virilité.


De manière connexe, les jeux vidéos et sports masculins genrés, que l'auteure critique à plusieurs reprises dans le bouquin, ne sont pas uniquement des vecteurs de masculinité toxique ou de sexisme. Certes, on peut pointer certains éléments qui pourraient poser problème, mais encore une fois, on fait fi de la complexité. Par exemple, l'auteure mentionne les jeux Call of Duty et GTA. Dans le premier cas, effectivement c'est une série qui reproduit des scènes de guerre. Mais en quoi le fait de "jouer à la guerre" (de manière réaliste ou pas) impliquerait que la personne qui y joue (en l'occurrence le garçon) devienne sexiste par la suite ? Dans le second cas, on voit là un rapprochement saugrenu entre certains féministes et des mouvements religieux conservateurs, qui voient d'un mauvais œil les représentations, même parodiques, des travers de la société. Oui, GTA peut être vu comme une œuvre beauf / sexiste. Mais on fait alors fi de l'humour et du second degré de ce genre de jeu, ainsi que du fait qu'il s'agit d'une représentation critique et non laudative de ces éléments.


Bon, tout n'est pas à jeter dans ce bouquin. Si on sait prendre du recul sur l'idéologie plutôt "unilatérale" qui le traverse, et qu'on se concentre sur les éléments principaux (à savoir, éviter de trop genrer notre éducation, pour éviter de reproduire des schémas qui peuvent in fine s'avérer sexistes), il y a des choses à retenir. Maintenant j'aurais préféré un bouquin plus neutre sur certaines questions (et mieux écrit par la même occasion), afin que ce dernier ait une portée plus universelle, et une vision un peu plus juste de la complexité des rapports entre êtres humains. Mais un positionnement politique militant étant souvent un peu trop tranché, les raccourcis qui en découlent l'empêchent (et nous empêchent) d'accéder à une certaine exactitude.


PS : Je reconnais que ma courte critique n'est pas vraiment structurée et m'en excuse (comme le bouquin on va dire, dont la forme laisse également un peu à désirer... mais il s'agit d'un défaut mineur).

joseaxe9
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le 31 oct. 2021

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Jojo's Jar

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