Naissance du désir. Présence du fantasme. Léo devine Matthieu, l’observe, l’imagine, l’invite, l’invente, le conjure. En stage pour l’obtention de son BAFA, Léo « découvre » Matthieu : d’abord au loin, dans le bus, puis ne va plus le quitter des yeux. S’il tente de se rapprocher de lui, c’est pour mieux rester à distance. Fantasmer la présence de l’autre pour (mieux) en ressentir l’absence.

Mais Léo et Matthieu ne sont pas seuls, il y a les autres : le groupe de Léo, la Coterie. Parmi eux, il s’efface, se conforme. Si bien que lorsque le groupe décide de s’en prendre à Matthieu. Léo ne les arrête pas : il se joint à eux. Jusqu’où peut-il se cacher des autres et de lui-même ? Jusqu’où peu nous emporter le désir, d’autant plus si on se refuse à l’assouvir ?


Objet étrange et fascinant que cette Absence. Guillaume Nail parvient efficacement à nous glisser sous la peau de son personnage principal, Léo. Avec lui, nous désirons nous approcher de Matthieu tout en craignant sa présence. Alors, né le fantasme de son absence, comme une libération, comme un jeu de yo-yo vertigineux et masochiste : l’approcher, s’en éloigner, toujours les mêmes mouvements. Jusqu’à l’irréparable, la distance et une véritable absence. Le pari est risqué mais opérant de nous faire sentir les émotions de ce personnage, de nous amener à le comprendre et à le détester, à le conspuer, à être ce personnage effrayé par son propre désir sans savoir comment l’accueillir ; si ce n’est de la pire manière qui soit : en le rejetant, en se cachant, en se détestant jusqu’à faire subir à l’autre le prix de cette torpeur qui nous ronge. Poétique et entravé dans ses rêves divergents, le texte se laisse osciller entre formes lyriques et langage (gentiment) cru du parlé adolescent. Comme Léo, le style du récit se fragmente et se divise, joue avec le temps et le langage, avec lui-même et les émotions qui s’en dégagent, s’accélérant ou profitant de la pesanteur selon l’image sur laquelle il s’arrête. Même si l’on peut ne pas aimer Léo ni adhérer à son comportement, il a moins la pertinence de représenter une réalité malheureusement (encore) trop présente.

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le 12 juil. 2022

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