Titus d'enfer
7.9
Titus d'enfer

livre de Mervyn Peake (1946)

Gormenghast est un château immense et décrépit, qui vit, ainsi que ses habitants hauts en couleurs, au rythme d'une tradition aussi ancestrale que codifiée. Mais la naissance du nouvel héritier (Titus), loin de constituer une promesse de continuité dans cette histoire immuable, participe de l'implosion de cet univers dont l'équilibre s'avère au fil des pages d'une grande instabilité. Voilà pour le pitch. Autant vous dire que pour faire avec ça 600 pages, lues d'une traite en quelques jours sans ressentir d'ennui, il faut qu'il y ait autre chose. Cet autre chose c'est une inventivité littéraire et une qualité d'écriture exceptionnelles pour un roman dans ce genre. Le contexte est là particulièrement éclairant puisque Mervyn Peake, l'auteur de la trilogie de Gormenghast qui s'ouvre avec le présent roman, plus qu'écrivain était en fait illustrateur (on lui doit des illustrations pour les oeuvres de Lewis Caroll, l'Ile au trésor... ). Et si ses dessins et gravures étaient assez simples dans leur composition, Peake dévoile dans son oeuvre écrite un extraordinaire talent de mise en scène (je pense que la formule la plus appropriée serait celle de « peintre littéraire ») tant certains passages du livre, bien qu'exubérants et inattendus le plus souvent, ont une force d'évocation exceptionnelle.
On lit ainsi une espèce de fresque épique et surréaliste tout en s'attachant aux habitants du chateau, du mélancolique Comte d'Enfer, à la stupide mais si aimante Nannie Glue, en passant par le dévoué et bien nommé Craclosse ou l'original et perspicace Docteur Salprune.
Bien qu'il ne s'agisse pas vraiment de littérature fantastique, et que les éléments classiques du conte n'y soient pas franchement réunis non plus, Titus d'Enfer semble finalement s'inscrire dans la droite ligne d'oeuvres illustres telles que celles d'un Lewis Carroll ou d'un J.R.R. Tolkien, réinventant le conte à l'anglaise. Nombre d'auteurs contemporains ont vraisemblablement su s'en inspirer, en commençant par J.K. Rowling dont le château de Hogwarths/Poudlard doit cacher dans un recoin de ses murs une plaque de bronze poli en hommage à celui de Gormenghast.
Samanuel
9
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le 5 déc. 2010

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