Des vérités qui dérangent... Vraiment ?

(moins un texte définitif qu'une série de réactions et considérations un peu en vrac, je n'ai pas envie de passer plus de temps sur cet auteur, il y en a d'autres sur le sujet comme on m'a suggéré)


J'avais déjà compris que l'on pouvait accorder à la médecine le statut d'art parce qu'elle consistait pour chaque praticien à appliquer des règles générales à des cas particuliers. Mais ses limites ne semblaient pas se résoudre à ça. Parfois, la statistique remplace, et toujours complète, le savoir. On constate que dans la majorité des cas, le paracétamol soulage la douleur, mais on ignore comment. Telle substance soigne, mais on ne sait pas pourquoi. D'ailleurs, elle a des effets secondaires, que l'on ne prévoit pas, mais que l'on découvre en administrant la molécule à des malades en espérant que les effets curatifs surpassent les conséquences nocives (hélas, dès qu'il y a maladie, il y a déséquilibres en cascade...).


Un pragmatisme qui se distingue des thérapies traditionnelles dans la mesure ou il se passe d'explications mystiques (mais pas seulement en cela, bien sûr).


Mais, après tout, sait-on pourquoi les masses s'attirent? Pourquoi la gravité? Pourquoi la vitesse de la lumière est-elle toujours la même, celle-là exactement, si elle se propage sans obstacle? Etc.


D'une, les savoirs expérimentaux ne permettent pas d'inférer définitivement ce qui est possible ou impossible dans l'univers. Télépathie, fantômes, chiens volants, ovnis, métal mou qui prend feu au contact de l’ eau, chat qui se prend pour un chien. ne sont pas des impossibilités logiques. Pis que les improbables cygnes noirs. Le "surnaturel" est une notion qui présuppose la connaissance exhaustive du "naturel". Impossible. Il ne faut pas confondre l'habitude avec la loi, et la loi avec le savoir. Si les choses se sont toujours déroulées selon tel enchaînement de causes, on en infère qu'il en sera encore ainsi à l'avenir. Peut-être, peut-être pas.


On est loin d'une compréhension ou même d'une contemplation désintéressée des phénomènes de la nature (le mouvement des astres et des boyaux).


De deux, donc, ces savoirs semblent souvent n'avoir pour pertinence que leur application pratique ("techniques"). On ne sait pas pourquoi, mais ça marche comme ça, donc on peut aussi faire ça. Pourquoi l'eau se change en glace à telle température, pourquoi les propriétés de la matière changent selon la température... Des constantes thermodynamiques font que la vapeur peut servir à déplacer des trains.


Et ce "on peut aussi faire ça" ouvre la voie à un monde d'emmerdes. Celui des applications industrielles et du commerce. C'est-à-dire des perturbations écologiques massives. Dès que l'on sort du labo, on transforme le monde.


Ce qui a remis ces considérations sur le devant de ma scène cérébrale, c'est la psychologie évolutionniste. 

Celle-ci ne s'intéresse pas aux surprenantes observations de l'éthologie. Non. Ce qu'elle fait, c'est fabriquer des statistiques, pour dire qu'elles découlent de la sélection naturelle, et sont des lois de la nature humaine.


Ainsi j'ai lu dans l'ouvrage de Gad Saad que la forme de sablier était la plus appréciée au monde. Il m'a fallu deux paragraphes avant de comprendre qu'il parlait des formes féminines. Statistiquement, dans toutes les populations sondées, la préférence de la majorité va à cette silhouette.


OK. Mais pourquoi s'arrêter là ?


Pourquoi ne pas déterminer quels sont les volumes de fesses et de nibards favoris, si les deux sont corrélés? Et quels sont la longueur et le volume de pénis favoris de ces dames? De ces messieurs? Mais le zizi ne l'intéresse pas, car il n'a pas d'usage dans le marketing (sauf dans le cas de certaines marchandises précises quand même hein, faut pas l'oublier complètement).


Apparemment le mec qui se targue d'avoir inventé une nouvelle discipline, le marketing évolutionniste, n'était pas satisfait de laisser transparaître ses idées dans la littérature "scientifique" ; alors ce champion de la Raison et de la Science s'est lâché dans un pamphlet où il a enfin pu cracher en vrac sur ces gauchiasses de merde qui encensent l'art contemporain, le "transexualisme", le "victimisme", le "progressisme", l'immigration, l'islam, etc. et s'est même amusé pour les stigmatiser à inventer des syndromes rigolos ("Munchausen collectif", "syndrome du parasite de l'autruche") ou à leur retourner certaines expression - une pandémie d' "idées-pathogènes" contre la "masculinité toxique".


Après avoir fait la liste de ses exécrations de gauche, il se prémunit en introduction, des critiques qui lui ont déjà été formulées sur sa partialité - enfin, quoi, s'il se trouve que c'est parmi les gauchiasses que se trouvent les plus significatifs et nombreux représentants de ceux qui nient la validité de ses théories, c'est pas de sa faute quand même! C'est pur hasard s'il a choisi de focaliser ses "recherches" sur la confirmation de ses préjugés réactionnaires !


Au moins, il ne dissimule pas les origines biographiques de ses goûts : Juif Libanais ayant fui la mort aux mains des antisémites, ses parents kidnappés libérés par des politiciens influents (de l'administration républicaine selon toutes probabilités), il nous raconte qu'il a abandonné les perspectives de carrière dans le foot pro pour étudier l'informatique, les maths, la biologie... Tous éléments qui se manifesteront dans ses théories, il a l'honnêteté de les mentionner pour cela.


Gad Saad fait en permanence du sarcasme envers les "social justice warriors" en caricaturant leurs affirmations. Mais quand il sous-titre un livre "les hommes préfèrent les grosses voitures et le porno, les femmes les talons aiguilles et le romantisme" (je caricature à peine), il faut le prendre au premier degré. Double standard?


L'oeuvre de sa vie a été la transformation des clichés et des stéréotypes sexistes en vérités scientifiques. Ses recherches scientifiques sont motivées par la quête d'une confirmation de biais idéologiques influencés par sa biographie (il l'explique lui-même). Ce qui n'est pas un problème dans la mesure où ses résultats sont soumis à la contradiction et à l'examen de collègues d'autres bords. Tout le monde agit selon des motivations irrationnelles, ça n'invalide pas a priori les résultats des travaux menés - l'examen de la méthode de démonstration se charge de trancher cela.


Bon en fait oui mais non. C'est pas si simple.


Sa psychologie évolutionniste est le biais fait science.


Par excellence, ses études témoignent du biais de la recherche, à commencer par le simple choix du sujet.


Et il aime ressasser à quel point les femmes sont physiquement moins - quel terme générique trouver qui corresponde au champ englobé par son propos? - balèzes que les hommes, comme le démontrent les sports de compétition, tel son favori le football (il ne cherche pas si proportionnellement plus de sportifs mâles meurent prématurément, par exemple, ni si les femmes sont plus endurantes dans le ramassage de patates dans les champs).


La méthode d'investigaton scientifique trouve ce qu'elle cherche. Les sciences trouvent ce qu'elles cherchent. C'est le problème de la détection des polluants. On doit tester pour chacun de ceux envisagés. Et tant pis si on n'a pas les moyens de tout tester, ou s'il existe des molécules encore inconnues ou indétectables. Par ailleurs on continue de découvrir des composés chimiques déjà existants, pas inventés par nous, dans la nature, dans l'atmosphère, potentiellement dans nos corps.


Gad Saad, parmi une infinité de possibles, ne cherche que ce qu'il veut démontrer.


Donc, la recherche n'échappe pas au critère de pertinence - QUI VA PAYER POUR CA ?


Et pourquoi?


SO WHAT'S YOUR POINT, MAN ?


Le tenant de la sociobiologie semble faire preuve d'une véritable aversion envers les sciences sociales - quand il prend en compte leur existence, pour se focaliser sur les positions postmodernes radicales, en paraissant ignorer totalement les théories plus mesurées, en particulier sur la distinction entre sexe et genre.


La sociologie des sciences n'existe même pas pour lui. C'est un peu comme s'il se faisait un devoir d'incarner le mâle occidental des années 1950. La seule chose qui le distingue des faucons US est son identité religieuse. Sa seule différence avec les sionistes d'extrême droite est son athéisme.


Gad Saad professe la neutralité morale du savoir, l'indépendance des sciences et la distinction entre vérité et émotions/valeurs, pourtant il est simultanément un agent politique hyperactif, un activiste de droite, qui utilise à des fins militantes son statut de scientifique, et la supposée neutralité de ses "découvertes", qui sont des banalités relevant des plus plats préjugés sexistes (non des percées de la recherche ou des bouleversements épistémologiques entraînant des changements de vision du monde/paradigme aux conséquences sociales potentiellement bouleversantes).


Pa exemple, l'intrication entre les sciences "neutres" et le technicisme. La recherche n'est pas la contemplation désintéressée des sphères : elle repose sur du matériel qui dépend des sciences dans sa conception, et de l'industrie dans sa fabrication, dans une intrication entre industrie et recherche, la technologie.


Il promeut une recherche académique libérée du joug des traditions et des préjugés religieux ; mais ne met jamais en question les rapports entre sciences et commerce ; au contraire, il en a fait sa source de revenus la plus mercantile imaginable : il met son "savoir" au service de la publicité et du merchandising. La transformation du "savoir" en marchandise est sa spécialité. Il se vante même d'avoir créé cette discipine. On peut difficilement faire moins neutre. C'est grotesque, et son débat est d'arrière-garde.


Sa "psychologie évolutionniste" est une version simplifiée et rétrécie des théories de la sélection sexuelle à l'usage du marketing et de ses propres polémiques contre certains courants (disons, radicalement "bio-négationnistes") du féminisme - qu'il distingue arbitrairement du féminisme militant, en les restreignant au milieu universitaire (en fait, il s'acharne sur toutes les manifestations du féminisme qui pourraient donner du champ aux musulmans, et entraveraient l'usage de l'image féminine comme objet sexuel/marchandise publicitaire - arguant de cette forme d' "empowerment" qui consiste pour les femmes à user de leur pouvoir d'attraction à leur avantage).


Il constate que les opinions des gens sont déteminées par les émotions et quasiment impossibles à modifier, ouvrant son septième chapitre par la citation " La raison a deux fonctions : produire des raisons pour se justifier, et produire des arguments pour convaincre les autres" (Hugo Mercier et Dan Sperber).


Mais l'atout de la méthode scientifique est justement de dépasser les préjugés. Cependant, sa conception des sciences est celle, apologétique, du Karl Popper libéral de l'époque post-guerre mondiale, celle de la conquête spatiale, de l'essor de la société de consommation/agriculture industrielle/pollution massive/media. De la croyance au progrès, gros, toi qui aime renverser les évidences (sic), ça devrait te sauter à la tronche non?


Sa conception de la sélection sexuelle, étroitement limitée à l'usage de la publicité, ne serait selon lui pas biaisée, parce que libre des jugements de valeurs moraux et des polémiques politiques. Ce qui est doublement faux : ses acceptions sont à usage commercial (les goûts esthétiques des deux sexes se manifestant dans les images publicitaires par l'omniprésence de jeunes "bonnasses") et politique, étant donné que sous ses polémiques, se trouve son adhésion à la droite (positions sur l'immigration arabe, le changement climatique, les féministes...) - quelle que fut leur éventuelle valeur de vérité (sur les conditionnemements physiologiques des différences psychologiques entre les sexes, donc sur le déni des réalités biologiques par le féminisme trans ; sur les risques à accepter des populations n'adhérant pas aux valeurs libérales...).


Il prétend ne pas obtenir de résultats orientés par son intérêt personnel, parce que ses études statistiques ont démontré que les femmes préféraient les hommes grands, et que ceux-ci tout comme les femmes bénéficiaient de biais favorables, alors que lui est un homme plus petit que la moyenne. Il ajoute encore en sa faveur que sa conception non dogmatique du déterminisme biologique (il ne remplace pas culture par nature mais reconnaît l'intrication des deux - tous les hommes ne sont pas des violeurs, mais ils sont tendanciellement plus jaloux et commettent plus de crimes violents que les femmes) rend possible par un individu le choix de stratégies pour contourner ces obstacles en faisant appel à d'autres qualités personnelles - d'où son adhésion forte au principe de la méritocratie ! Il n'est pas besoin de chercher loin pour comprendre que si, bien sûr, il est biaisé, puisqu'il fait la promotion de sa propre ascension sociale. Il ne cache pas non plus ses origines de Juif Libanais ayant échappé de peu à la mort, qui se manifestent ouvertement par son obsession envers les musulmans - mais il ne s'exprime pas contre les fondamentalistes chrétiens de son copain Trump, qui mettent pourtant en oeuvre contre les pauvres, des politiques rien moins que libérales (cf le recul sur le droit à l'avortement).


M. Saad ne se contente pas de décrire des sociétés figées et traditionnelles. Non, il applique ses idées au commerce. A la manière d'orienter massivement la consommation des primates humains, dans des sociétés en perpétuel renouvellement *technologique *et culturel.


Donc aussi à la manière de modifier l'environnement "naturel".


Malgré son goût pour la polémique tous azimuts, voilà un sujet qu'il évite d'aborder. Enfin, dans la mesure où il ne se prive pas, quand même, de cracher sur l' "hystérique" jeune femelle qui donne des leçons d'écologie à des vieux cons comme lui (oui, le "psychologue" use du terme "hystérique" à tout crin, manière de provocation à l'encontre des SJW).


Et s'il adopte comme méthode de prédilection pour sa "discipline" les statistiques et le faisceau d’indices, il semble dénier ce droit aux sciences environnementales. C'est une loi scientifique que les hommes préfèrent en masse les bonnets C, mais le réchauffement climatique est indémontrable.


Oh, ai-je mentionné que M. Saad défendait Trump et citait Reagan? Oui, RONALD Reagan, "défenseur des libertés"(et du mode de vie américain). Ah ah.


Et s'il prend plaisir à dénoncer l'hypocrisie des gauchistes, il choisit les termes dans lesquels il se complaît à servir l'intérêt supérieur du commerce, histoire d'euphémiser le "savoir" qu'il se consacre à fabriquer : les hommes ne préfèrent pas les gros nibards et les gros culs, mais "la forme de sablier" (sic).


Alors Gad, tu as estimé que consacrer tes heures éveillées à démontrer ces banalités et ces clichés constituait le prestigieux objectif de la recherche scientifique ? C'est vraiment ça, la quête de savoir au défi de la doxa (sic) ?

ChatonMarmot
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le 22 juil. 2022

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