Les vendredi 18, samedi 19 et dimanche 20 octobre 1974, Georges Perec s'installe place Saint-Sulpice à Paris. Il note tous les événements a priori anodins qu'il voit. Des gens, des voitures, des bus, le temps, ce qu'il mange et boit... Cette place d'une grand ville devient pour trois jours un lieu d'observation privilégié du rien ou du presque rien.


Publié en 1975 et réédité cette année par le même éditeur Christian Bourgois, ce très court livre pourrait paraître anodin voire insignifiant, oui mais c'est écrit par Georges Perec et ça change tout. Ça change tout parce que l'écrivain y imprime sa patte, son style inimitable pour parler du quotidien. Grâce à cela ce qui pouvait inspirer la crainte de l'ennui résonne comme un poème à la Prévert, une sorte de carnet d'idées et de personnages de romans. Un plan détaillé d'un futur roman. Tout cela en même temps et un vrai livre à part entière qui, dans le style Perec, joue avec les mots et leurs sons, les phrases. Le premier chapitre, le premier jour, est assez long plus long que les suivants moins rythmés ouiquende oblige.


Là où n'importe qui aurait écrit une litanie, Georges Perec qui n'est pas n'importe qui et qui excelle dans l'écriture avec contrainte offre une variété de styles incroyables dans un si petit bouquin. Pour ceux qui hésitent encore à entrer dans le monde de l'écrivain, c'est une porte qui me semble toute indiquée. Et pour finir un extrait de la page 29 :


"J'ai revu des autobus, des taxis, des voitures particulières, des cars de touristes, des camions et des camionnettes, des vélos, des vélomoteurs, des vespas, des motos, un triporteur des postes, une moto-école, une auto-école, des élégantes, des vieux beaux, des vieux couples, des bandes d'enfants, des gens à sacs, à sacoches, à valises, à chiens, à pipes, à parapluies, à bedaines, des vieilles peaux, des vieux cons, des jeunes cons, des flaneurs, des livreurs, des renfrognés, des discoureurs. J'ai aussi vu Jean-Paul Aron, et le patron du restaurant "Les Trois canettes" que j'avais déjà aperçu le matin."


Excellente idée de Christian Bourgois de rééditer ce texte qui est mon Perec de l'année.

YvesMabon
10
Écrit par

Créée

le 6 nov. 2020

Critique lue 146 fois

3 j'aime

Yv Pol

Écrit par

Critique lue 146 fois

3

D'autres avis sur Tentative d'épuisement d'un lieu parisien

Du même critique

La Couleur des choses
YvesMabon
10

Critique de La Couleur des choses par Yv Pol

Précisions liminaires : Martin Panchaud est suisse et cet album est paru d'abord en langue allemande en 2020 avant de trouver un éditeur français. Il vient d'obtenir au salon de la bande dessinée...

le 13 févr. 2023

6 j'aime

Zemmour contre l'histoire
YvesMabon
10

Critique de Zemmour contre l'histoire par Yv Pol

J'ai du mal à saisir la ligne éditoriale des éditions Gallimard qui publient ces tracts hautement instructifs et intelligents et qui, il y a quelques années voulaient publier les pamphlets...

le 6 mars 2022

6 j'aime

Hoka Hey!
YvesMabon
10

Critique de Hoka Hey! par Yv Pol

Très belle grosse bande dessinée. Traits, couleurs, paysages, personnages très soignés pour un ouvrage de qualité. Les paysages sont superbes, on se croirait dans un film. Les personnages ont tous...

le 7 mai 2023

5 j'aime