Mais qui est Jean-Marc Ligny ?
Jean-Marc Ligny est un auteur français de science-fiction qui est maintenant reconnu depuis quelques années. Pourtant, malgré les succès de romans comme Inner City (1996), Jihad (1998) ou AquaTM (2006) et les rééditions de ses Chroniques des nouveaux mondes chez ActuSF - Les Trois Souhaits (Le Voyageur solitaire et Les Chants de glace[1]), Ligny est un écrivain assez méconnu, je pense, non seulement du grand public[2], mais aussi au sein de la communauté des amateurs des littératures de l'imaginaire, ce qui est un tort.
Temps blancs, paru en 1979, est le premier roman de Jean-Marc Ligny. La même année, Denoël éditait également Biofeedback, lançant la carrière de l'auteur.

Temps blancs ?

Dans Temps blancs, Ligny décrit une cité sous dôme, contrôlée par des ordinateurs. Ces derniers fournissent aux habitants tout ce dont ils ont besoin pour une vivre une vie morne et répétitive. Tellement insipide, d'ailleurs, que nombreux sont ceux qui veulent rejoindre la Campagne, cet Eldorado qu'est l'extérieur de la ville, tout aussi mythique que la fabuleuse cité d'or d'Amérique du Sud. Mais bien peu tentent l'expérience, car pour cela il faut traverser la Périphérie, qui échappe à tout contrôle des machines, peuplée de mutants et d'êtres déformés par la pollution et les radiations. Et tout cela pour se retrouver dans le froid glacial d'un monde qui plonge dans l'ère glacière. Il n'est pas très joyeux d'être un citoyen du futur des temps blancs...

C'est bien ?

Trente ans ont passé depuis l'écriture de ce livre. Trente années qui l'ont peu fait souffrir.
Premièrement parce que Ligny y décrit un avenir suffisamment lointain pour que notre présent ne le mette pas (encore) en défaut[3].
Deuxièmement, le style d'écriture est actuel, moderne. Certes, Ligny, qui n'en était qu'au début de sa carrière, s'essaie. Il injecte dans son roman des passages du Yi-King et des versets du Tao-tö king de Lao-Tseu mais ne réussit pas vraiment à marquer d'une empreinte mystique un roman qui reste (seulement) cyberpunk et dystopique. Il multiplie les personnages, et donc le morcellement de son récit, au point de passer près de la perte de son lecteur. Ce dernier devra utiliser certains personnages comme des bornes qui lui permettront de comprendre l'ensemble du parcours dessiné par l'auteur. N'est-ce pas une construction très contemporaine, quand on voit apparaître dans les rayons de nos librairies des Déchronologue ou des Horde du contrevent ?
Mais je me cite : « Trente années qui l'ont peu fait souffrir ». Le peu – qui signale que le roman a quand même vieilli, un peu donc – provient d'une ambiance très années soixante-dix qui paraît au travers des noms des personnages, très rock'n roll et blousons noirs : Gengis DeMix, Shootin'Max, Carmine Anthracite, Devil paradise, et caetera, autant de noms superbes mais comme aucun auteur de SF n'en inventerait aujourd'hui parce qu'ils sont, osons le dire, un peu ringard.

Cela dit, Temps blancs est un bon roman, surtout quand on sait que c'est le premier d'un auteur qui n'avait alors que vingt-trois ans.
Ligny réussit très bien à instaurer une atmosphère de fin du monde à un univers en déliquescence. Ses personnages sont tous d'une grande originalité, attachants pour ce qui est des gentils, haïssables pour ce qui est des méchants. Que demandez de plus ?
Une histoire passionnante ? Elle est là, page après page, avec du suspense en prime.
Une réflexion sur notre société actuelle ? Elle est également présente. Car Jean-Marc Ligny projette le lecteur dans un avenir possible, celui d'une période glaciaire qui est le fruit d'une destruction par l'homme de l'environnement dans lequel il évolue. Ne subsiste alors que des îlots de survivants traqués par des créatures qui ont subi des transformations génériques d'origine humaine et les habitants de cités sombres et ataviques, en partie sous le contrôle d'ordinateurs insensibles qui traquent le moindre comportement déviant pour l'étouffer. Pour tous ceux qui survivent dans ce monde obscur, peu de solutions : fuir vers la chaleur d'un Sud dont l'existence n'est pas avérée ou se rebeller contre la tyrannie des machines, même au risque de tomber sous la coupe d'une autre race d'oppresseurs : les Mutants aux capacités psychiques décuplées.
De bonnes idées ? Il y en a, comme celle du L.M.T., drogue qui modifie la perception de l'écoulement du temps ; comme celle des loups blancs...
Des images fortes ? Les Piranhas, le baiser sanglant à la lame de rasoir. Il y a de quoi choquer, sinon marquer l'esprit du lecteur dans ce roman.

Temps blancs est définitivement un bon roman, avec des défauts, mais surtout des qualités. Peut-être pas incontournable, mais à lire si l'occasion se présente.
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le 18 déc. 2010

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