Odyssée tragicomique au cœur du comté fictif de Yoknapatawpha, As I lay dying frappe d'abord par sa forme. L'œuvre est exclusivement constituée de monologues intérieurs (dont quelques uns s'avèrent très courts). On passe ainsi d'un personnage à un autre, le style littéraire variant selon la pensée développée.


L'histoire est d'une très grande simplicité : Addie Bundren s'éteint (d'où le titre) tandis que son fils Cash fabrique son cercueil à quelques pas de là. La mère fait promettre à ses enfants et son mari d'emmener son cercueil à Jefferson, où l'ensemble de sa famille repose également. S'en suit le récit du périple de la charrette portant la caisse de bois dans laquelle se trouve le cadavre de la mère.


Au regard du motif du voyage, le lecteur est en droit de s'attendre à des monologues internes exprimant la souffrance de chacun des protagonistes. Néanmoins, tel n'est pas le cas. La procession funèbre décrite par les observateurs extérieurs à la famille comme une folie n'est en fait qu'un prétexte pour chacun des Bundren d'atteindre un but propre.


Pourtant, la figure centrale du roman est en réalité une grande absente : Addie Bundren. Son monologue tardif au milieu le récit montre d'ailleurs à quel point sa disparition est le cœur de ce changement et combien sa présence permettait à la famille de demeurer soudée.


Darl apparaît à plusieurs égards pour le lecteur comme le personnage le plus complexe et, dans une certaine mesure, le plus intelligent. A l'inverse, les autres personnages le décrivent comme un fou (son devenir au terme du roman offre d'ailleurs une réflexion intéressante en ce sens).



Dans une chambre étrangère, il faut faire le vide en soi-même pour pouvoir dormir. Et, avant d'avoir fait le vide pour pouvoir dormir, qu'est-ce qu'on est ? Et quand on a fait le vide pour pouvoir dormir, alors on n'est plus. Et quand on est tout plein de sommeil, c'est comme si on n'avait jamais été. Je ne sais pas ce que je suis. Je ne sais pas si je suis ou non. Jewel sait qu'il est, parce qu'il ne sait pas qu'il ne sait pas s'il est ou non. Il ne peut pas faire le vide en lui-même pour pouvoir dormir, parce qu'il n'est pas ce qu'il est et qu'il est ce qu'il n'est pas. Darl



Évidemment, la grande force de William Faulkner est d'offrir une expérience unique puisque le roman peut se lire différemment selon que l'on focalise son attention sur la psychologie des personnages, la matière (on passe de la terre à l'eau, puis au feu), ou encore le comique de situation. As I lay dying oscille entre réalisme et lyrisme, marquant ainsi profondément le lecteur.

Kevin_R
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le 25 juin 2015

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