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Sur Racine
7.6
Sur Racine

livre de Roland Barthes (1963)

Racine = 2 choses(dilemme racinien : la raison d’Etat VS le chaos amoureux + passer de dire à faire)

Racine est un auteur scolaire. Je pense ne pas être le seul à n’avoir eu que ce rapport avec cet auteur. J’ai toujours été incroyablement distant avec ses oeuvres et n’ai jamais vraiment compris pourquoi il fascinait autant. Par moment, je me demandais même si mes propres professeurs de collège et lycée l’aimaient ou se forçaient à l’aimer pendant au moins 2 heures de cours.

Avec ce texte de Barthes, vous comprendrez peut-être comme moi que Racine comment on peut aimer Racine. A la fin du livre, on peut comprendre en quoi c’est un bon dramaturge mais que la distance temporel entre lui et nous fait qu’il nous paraît lointain presque inaccessible. Barthes nous rapproche de Racine. Je n’aime toujours pas spécialement cet auteur mais je peux désormais comprendre pourquoi il a plu et surtout pourquoi il plaît encore.

Pour cela, nous pouvons couper le texte de Barthes en deux parties distinctes qui reflètent les domaines d’études qu’il a travaillé :

  • La première partie semble portée sur la psychanalyse et l’histoire.
  • La seconde sur la linguistique et la stylistique.

D’abord, la psychanalyse et l’histoire. Selon Barthes, l’oeuvre de Racine est fondée sur une croyance ou un mythe. C’est le mythe freudien autour du meurtre du père. Les phénomènes de civilisation et de culture seraient le fait de fils qui après avoir tué leur père sortent du cycle de la violence et de l’inceste. Ils renoncent collectivement à ne pas coucher avec leur mère et leurs soeurs, afin de se civiliser (Barthes lui-même rappelle que ce mythe n’est pas avéré scientifiquement mais il va tout de même se baser dessus). En parallèle, le monde racinien marque souvent un moment de rupture dans l’histoire ou le passage du judaïse avec son dieu cruel ou du polythéisme grec avec ses dieux injustes au monothéisme chrétien. Donc Racine décrit le passage de l’ordre au chaos. C’est d’autant plus cohérent dans la mesure où c’est de l’art d’Etat à l’époque où Louis XIV supprime l’aristocratie et institue la noblesse.

Le héros racinien est souvent un roi ou un tyran qui est pris d’un passion. Ou alors, c’est un de ses proches qui l’est et c’est à ce tyran de décider du sort de celui ou celle pris d’une passion qui l’a amené à lui désobéir.

Cette passion est souvent d’ordre amoureuse. L’amour chez Racine prend 2 formes :

  • Soit c’est un amour tendre, consenti et souvent partagé depuis toujours.
  • Soit c’est une passion subite, non-consentie, non-partagée et violente. C’est un amour venu au premier regard qui est donc instable et qui amène le malheur.

L’intrigue portera souvent sur cet amour non-partagé face à un amour qui lui est partagé. Pyrrhus, le tyran qui doit marquer la fin de la Guerre de Troie tombe amoureux d’Andromaque, veuve d’Hector donc d’un amour naturel et partagé depuis toujours. Alors, les personnages raciniens ont le choix entre l’amour sauvage qui scelle leurs destins et amène leur mort ainsi que le retour au chaos. Ou alors, ils choisissent de renoncer à leur passion et font le choix de l’Etat au lieu de l’amour. Cela amène l’ordre et la stabilité au prix de la solitude.

Toute la tragédie racinienne repose sur ce choix. Dans les deux cas, il n’y a pas d’échappatoire au malheur. Soit on fait le choix de Pyrrhus qui amène la mort et la destruction. Soit on fait le choix de Titus.

Il y a le dilemme cornélien entre le devoir et l’amour. Et il y a le dilemme racinien entre la raison d’Etat et le chaos amoureux. Ainsi, l’ordre du monde et de la politique selon Racine repose sur ce choix de la solitude, car le coeur humain est trop changeant pour pouvoir porter la paix sur le monde à cause de la passion et de la jalousie qui amène la guerre. Donc c’est le choix de l’amour et du chaos ou alors le choix du status et de la tristesse. Politique et Amour ne sont qu’un dans le monde racinien.

Ensuite, il y a la langue. Souvent, les personnages de Racine ne sont jamais complètement conscients de leurs passions sauf à la fin, c’est-à-dire au moment où ils ont compris qu’ils sont amoureux et qu’ils choississent entre amour et politique.

Cette transition se fait par le travail du langage. La langage chez Racine permet de se construire. Chez Racine selon Barthes, dire ce n’est pas forcément faire mais dire crée la réalité du personnage, c’est-à-dire la façon dont il se perçoit et dont il perçoit le monde. Dans les pièces de Racine, on voit ainsi des êtres rongés par une passion qu’ils ne comprennent pas. Puis à force de dialoguer et d’interagir avec les autres, ils finissent par être honnêtes avec leurs sentiments. Ils acceptent qu’ils sont amoureux et enfin, ils finissent par agir. Ils élaborent une stratégie et font le choix évoqué plus tôt. Ce n’est qu’après d’importantes réflexions que Pyrrhus décide d’épouser Andromaque. Pour la convaincre, il promet de prendre en charge le petit Astyanax, afin de préparer la vengeance des Troyens sur les Grecs. Sans savoir que cela mènera à sa mort et à celle du petit. Donc même si sa décision est motivée par éros, Pyrrhus n’agit pas sans réfléchir. Il fait un choix déraisonnable en toute conscience et n’est pas un idiot. Il élabore savamment une stratégie pour péréniser sa folie. De la même manière, Titus met un certain temps avant de renoncer à Bérénice. D’abord, il prend conscience pleinement de son amour. Puis, il pèse le pour comme le contre avant de se décider.

Ainsi chez Racine, dire n’est pas faire. Racine décrit en longueur comment on passe de dire à faire.

Je peux comprendre désormais pourquoi on peut trouver les textes de Racine beaux et j’ose espérer que vous aurez su comme moi put redonner à cet auteur qu’on explique à mon avis bien souvent trop mal.

okaidac
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le 15 févr. 2024

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okaidac

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