La théorie du gratin dauphinois

Avec les copains on aime bien faire des repas gourmands. Et il faut dire qu'on a un type de repas valeur sûre auquel on revient de temps en temps. Empreint de l'héritage bon vivant de la vallée du Rhône. Une salade gourmande, ou un saucisson brioché, ou un paté croute en entrée par exemple. Suivi pour les choses sérieuses, d'une viande bien tendre avec un gratin dauphinois crémeux et accueillant. Et on enchaîne doucement sur une pause digeo avant de finaliser par un saint-marcellin tout coulant et un éventuel dessert chocolat. Le tout accompagné d'une bonne bouteille de St-Jo ou de Vaqueyras.

Ah bah là faut y aller pour ne pas passer un bon moment ! La douceur et la générosité de la chose tout en dulcifiant le palais appelle à la bonne humeur riante et à la conversation bon enfant autour de la table.
Et immanquablement à chaque fois, formule gagnante !

Eh bien le cuisinier littéraire Sir Pelham Grenville Wodehouse, il a aussi sa recette valeur sûre !
Bon en vrai il en a plusieurs et il mélange beaucoup, c'est un artisan enfin ! Mais revenons à notre affaire. Prenons dans le désordre un personnage principal dynamique, charismatique, charmant avec toujours une éloquente répartie ; un personnage féminin charmant, à fort caractère, spirituel avec bons mots et souvent aussi plein de ressources ; un manoir à la campagne tôt ou tard dans l'histoire ; des aristocrates excentriques, ou innocents et distraits, ou de mauvais caractère, ou autoritaires ; un majordome ; parfois des bandits ; parfois des gendarmes locaux hauts en couleurs ; le village du coin avec son pub ; et toute une faune d'autres personnages locaux au manoir, ou au village, ou à la grand ville avant qu'on arrive dans la nature albionnaise.
Versons une bonne sauce d'imbroglios, de rencontres fortuites, de retournements de situations, de coïncidences avec pour couleur les magouilles pour dégotter de priécieux objets, des vetos familiaux aux unions amoureuses, des concurrences en pagailles, l'atmosphère londonienne fantaisiste, la campagne souriante anglaise ensoleillée, un happy end euphorisant, et tant d'autres choses.

Maintenant avec on prend comme énorme base de sauce une langue impeccable qui fait passer de longues phrases en toute limpidité même aux petites heures titillées d'insomnies et qui posséde un charme qui s’échauffe encore plus à chaque nouveau service. On ajoute des références culturelles de haut niveau ou populaires, de l'argot à volonté pour les personnages typés, un narrateur omniprésent avec des descriptions, comparaisons et analogies délirantes à tous les coins de paragraphes, et de l'humour de situation ou de réplique à profusion. Et enfin un grand amour des personnages !

Il n'y a plus qu'à servir au lecteur qui flottera sur un petit nuage pendant tout le repas et développera à chaque nouvelle venue une dépendante qui semble être pour son plus grand bien !

Post Scriptum : voilà que j'ai oublié de développer ma théorie. Mais après tout j'ai exposé les faits et les arguments pour montrer la Vérité de la Recette Traditionnelle qui peut s'avérer d'un ravissement sans fin à partir du moment où on met les bons ingrédiens crémeux et généreux avec sincérité, pétillance et sincérité.

J'ai faim maintenant

lu en VO