Critique de Shaynning

Une agréable découverte que ce petit roman Intermédiaire ( 10-12 ans) de 2021, qui amalgame don de voyance, humour et école spéciale.

En digne héritière d'une longue lignée de voyants, Simone a donc un bel avenir tout tracé dans cette voie, du moins, jusqu'au jour où elle inverse accidentellement ses pouvoirs en "tombant vers le haut" en cours d'éducation physique. En effet, après quelques semaines de convalescence, sa commotion semble avoir provoqué en elle une disposition particulière à lire le passé, mais pas que! Un passé hypothétique qui aurait pu être celui de la personne, à un choix près. Bien sur, personne n'a envie de se faire dire qu'à un moment où à un autre il aurait pu faire un choix qui aurait positivement changé leur vie, ce qui exclut donc Simone de la profession. Inquiets, ses parents l'envoie donc dans l'une des trois écoles de voyance du continent pour tenter de corriger son handicap: le pensionnat Sornettes-le-Puits. L'adolescente de 13 ans se retrouve en classe primaire, entouré de jeunes enfants au potentiel de voyant, dont le moral tient surtout aux lettres que lui adresse le gentil Jean-Marc, ainsi qu'au petit Jean-Michel, le seul à lui adresser la parole. Mais si ce dernier l'enjoint à cacher ses dons, certaines personnes mal intentionnées trouvent les capacités de Simone très intéressantes.

C'est un roman qui se lit tout seul.Vite happé par les péripéties de Simone et ses dons inversés, on a un bon rythme et une bonne intrigue. Si le tout est assez amusant, on a tout de même une certaine profondeur avec la thématique du passé hypothétique. Veut-on savoir si à un moment où a un autre on aurait pu changer sa vie? Est-il jamais trop tard pour changer? Vaut-il la peine de savoir ce qu'on aurait pu faire autrement sachant que ça ne change rien au présent? Et j'aime l'idée des histoires cachées dans nos actions non vécues.

Les petits commentaires de l’auteur, les prénoms ( Épeautre, Doliprane, Pédoncule,etc) et certaines répliques étaient assez comiques. D'ailleurs, les tableaux des personnages au début nous offrent un visuel des personnages hauts en couleur du roman. Jean-Michel a quelque chose de très mignon, mais c'est Jean-Marc qui m'aura marqué avec sa déclaration amoureuse doublée d'une litote ( ça c'est original!). Et je trouve très mignon qu'il écrive des lettres à Simone ( surtout que ça ne se fait plus de nos jours).

J'ai aussi aimé la thématique "exploitation d’Histoires". On le constate dans le domaine du cinéma et des livres, bon nombre d'auteurs et producteurs exploitent les histoires comme on presse un citron: en référence, la phrase du producteur Worldwide (P.147: [...] j'ai la projection de "Capitaine Crochet contre les Minimoys" et "Batman 17 contre Pirate des Caraibes 8" [...]. Oui, ces firmes à gros budget qui surexploitent les histoires, en créant les suites les plus débiles, puis des "VS", puis des remakes...Le monde culturel poussé à l'extrême juste pour le capital, pas par soucis de faire de "bonnes" histoires. Même chose pour les livres jeunesse, dont je donne l'exemple de toutes ces pseudo-dystopies mal conçue dégoulinantes de romance malsaines qui ont envahit le marché à la suite de "Hunger Games". Et puis, dans l'histoire, on insiste sur une chose aussi vraie, et qui donne du crédit au don de Simone: les meilleures histoires sont souvent celle qui nous sont relayées.

Il y a donc un enjeu éthique derrière ce que les malfaiteurs tirent de Simone: certes, on a accès à de formidables histoires, mais le prix est de révéler aux gens une vie au potentiel souvent meilleur alors qu'ils sont âgés et qu'ils déjà toute une vie de vécue. Une révélation qui engendre des remords et des regrets. Je pense donc que ce roman porte à la réflexion sur le temps et les choix, deux notions qui nous concernent tous.

C'est donc une sympathique lecture avec des thèmes assez originaux, au texte fluide et drôle.

À voir!