Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations par corumjhaelen

Souvent blâmé injustement, et admiré tout aussi injustement par des gens qui n'en retiennent que ce qu'ils veulent (la métaphore de la main invisible et la fabrique d'épingle), ce livre fait tout de même plus de mille pages ce qui lui permet d'exposer une doctrine plus complexe que ce qu'on voudrait nous faire croire.
Il ne s'agit pas de transformer Smith en socialiste (même si Marx lui rend des hommages appuyés, ainsi qu'à Ricardo), mais il n'est pas non plus libertarien, et sans doute son libéralisme -utopique à sa façon, et cette utopie est comme les autres, haïssable, car qui pense vraiment que les buts que nous proposent Smith permettent une vie épanouie et humaine- a peu à voir avec ce dont on se réclame de nos jours quand on incante son nom.


Le plus gros défaut d'un impôt est après tout les atteintes à la vie privée (pas à la propriété) et l'espionnage qu'ils supposent. D'ailleurs qu'ils reposent plus sur les riches semblent bien ne pas être une anomalie.
L'alliance des marchands par ce qu'on appellera leur intérêt de classe est dénoncée avec une régularité confondante. C'est en général à l'intérêt du peuple que Smith pense, et la loi qu'il dénonce avec le plus de vigueur est sans aucun doute le statut des pauvres... Les hauts profits du capital peuvent être tout autant une raison à la cherté que les hauts salaires.
Les colonies permettent au taux de profit du capital de se maintenir, et l'attitude de la Grande Bretagne à leur égard est scandaleuse (de beaux passages sur la Compagnie des Indes). La théorie de la valeur travail est défendue.
L'accumulation excessive de richesse est nuisible, mais Smith y voit surtout une conséquence des droits de primogéniture.
L'ordre établi n'est tout de même au fond pas si mauvais, et ne saurait être profondément changé. Que de mots pour tonner contre l'iniquité des fermiers généraux, et estimer qu'hélas, ce système n'est pas près d'être réformé. Bref Smith n'imagine pas la révolution française, mais n'allons pas lui reprocher de n'être pas Nostradamus.
L'histoire reste bien schématique, mais tend tout de même à exister plus que chez nos "économistes" modernes, pour lesquels le mot de Marx est bien trop gentil - conçoivent-ils vraiment qu'elle a existé, ou ne pensent-ils qu'en terme de robinsonnades...


Le pauvre Smith se tire tout de même une belle balle dans le pied lorsqu'il expose les théories de Quesnay, on a au fond bien du mal à comprendre en quoi il s'en éloigne, si ce n'est sur une question fort accessoire de vocabulaire (travail productif et non productif). Heureusement sans doute qu'il ne résume pas en plus Hume et Locke.

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le 5 nov. 2015

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