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Ravage
7.2
Ravage

livre de René Barjavel (1943)

Le jour où les machines s'arrêtèrent (spoilers)

Où nous mène réellement le progrès? Est-il forcément une bonne chose? La nature humaine s'améliore-t-elle avec lui, ou n'est-elle que plus subtilement violente? Autant de questions que l'on ne s'attend pas à se poser lorsqu'on a 11 ans, des boutons pleins la figure et que notre mère nous conseille un livre écrit par un auteur que l'on ne connait pas. C'est pourtant ce qui m'est arrivé en dévorant Ravage : une rencontre intense avec la littérature utopique et dystopique, une véritable claque qui m'a amené à réfléchir sur pas mal de points.


Ravage, c'est donc une réflexion faite roman. L'intrigue se passe sur une terre que l'on pourrait presque qualifier de parfaite. Le progrès technologique y a permit des avancées innombrables dans tous les domaines : tous les appartements sont désormais équipés de robinets d'où coulent du lait et du beurre, possèdent en leur cœur des salles cryogéniques où les familles entreposent leurs ancêtres et on toutes les commodités imaginables. Les villes, plus grouillantes que jamais, ont étés surélevées pour laisser la végétation reprendre ses droits; on s'y déplace soit en train supersonique, soit dans des voitures en matériaux ultra-résistants. Les machines garantissent tous les travaux pénibles, du pompage de l'eau à l'entretien des routes, et les habitants n'ont plus qu'à se consacrer aux loisirs, au théâtre, à la philosophie. Tentant, n'est-ce pas? Et bien pas tant que ça, car Barjavel nous fait vite comprendre que quelque chose ne tourne pas rond. Ainsi, la nouvelle d'une guerre permet de voir l'envers du décor: désormais, chaque nation a les moyens d'anéantir l'autre en quelques secondes, à cause du progrès des armes, et si les ressources ne sont plus une raison de se battre, l'idéologie continue de menacer l'équilibre mondiale. Rappelons que le livre est sortie en 1943, deux ans avant l'utilisation de la première bombe atomique. Et Ravage est remplie d'aspects visionnaires comme celui-ci, qui permettent une critique acerbe du progrès, mais aussi de l'homme qui en profite. Dans ce monde, on coupe toujours l'eau, le lait et le beurre à ceux qui n'ont pas les moyens de les payer, ou qui se fâchent avec les mauvaises personnes. Il y a toujours des riches et des pauvres, des technologies qui ne profitent pas à tout le monde.


Et puis un jour, tout s'arrête. Les machines qui maintiennent ce monde en vie cessent de fonctionner. Plus d’électricité, plus de réfrigération des chambres funéraires, plus de pompe à eau. Exit la fabuleuse vitesse des voitures et des trains, et donc tous les moyens de fuir. Plus d'ascenseurs pour monter et descendre des immeubles gigantesques. A cet âge d'or succède l'anarchie : les villes ne produisant pas leur propre nourriture, la famine s'installe. Le livre passe ainsi de scènes de panique en scènes de panique, où la violence endormie par la civilisation se réveille progressivement. Mais Ravage n'est jamais lourd, bien au contraire, je dirais qu'il est possible de le lire à n'importe quel âge. On ne s'ennuie jamais, la chute progressive de la civilisation nous montrant sous tous ses aspects la dépendance de l'homme vis-à-vis de ses machines. Il nous questionne également sur ce qui soutient réellement notre société, puisque bien évidemment, l'argent perd rapidement toute valeur au profit du peu de nourriture encore disponible.


Je ne vous ferais pas l'affront de vous dévoiler la fin, même si, et c'est pourquoi je ne met pas dix, elle est en fin de compte assez prévisible. Sachez cependant que Ravage est quasiment une "dystopie pour débutants", car son propos est assez clair et son abordage assez facile pour que l'on puisse le parcourir peu importe son intérêt initial pour la littérature. L'un de mes meilleurs souvenirs et que je vous conseille sans hésiter.

Pulsar

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