Ce très joli roman de Jun'ichirō Tanizaki dont l’action se situe dans le Kansai et le Kanto, deux régions rivales au Japon, nous peint le quotidien ordinaire des sœurs Makioka.

L’écrivain japonais y dessine l’évolution des mœurs de son pays à travers le prisme de ces quatre sœurs, ce qui lui a valu la censure en 1943. En effet, leur vie calme en apparence, pratiquement sans rature, est fardée d’une épaisse couche de poudre sous laquelle sont dissimulées des imperfections plus ou moins graves. Malgré ce masque d’un blanc à l’apparence pur, une tache reste visible, poursuivant les personnages comme une mauvaise maladie de peau.

L’auteur manie le pinceau avec brio, mélangeant dans son roman la beauté à la noirceur, le comique au tragique. Ses personnages eux-mêmes sont nuancés à l’extrême. De par leurs contradictions, leurs faiblesses, ils sont représentatifs de l’humanité. Ils en deviennent très attachants puisque, leur caractère calquant la nature humaine, ils auraient très bien pu exister. Ils vivent une vie tout à fait ordinaire, même si de temps en temps l’extraordinaire surgit en plein milieu du tableau. Toutefois, cette toile conserve son réalisme car inspirée de faits qui ont bien eu lieu.

Les lieux sont seulement esquissés, s’effaçant sous la lumière aveuglante des personnages. Il arrive tout de même parfois que le décor soit brillamment décrit mais uniquement lorsque celui-ci revêt une place importante, lorsqu’il entoure nos héroïnes jusqu’à les diluer en lui-même. Et c’est dans ces moments que l’on a les meilleurs passages du roman, comme lors de la visite aux cerisiers en fleurs qui devient un souvenir plein de nostalgie tant pour les sœurs que pour le lecteur.

Cependant, tout comme ses protagonistes, cette œuvre n’est pas sans défaut. Elle manque de transcendance, de quelque chose qui donne vraiment à réfléchir. On est à des années lumières de la Mer de la Fertilité, écrite par Yukio Mishima trente ans plus tard. Malgré cette imperfection qui ne s’atténuera pas avec des piqûres, cette peinture des mœurs japonaises reste très belle et intéressante. Ce serait dommage de la refuser.
NRostov
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le 12 mai 2014

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