De cette nuit passée dans l'appartement d'Amsterdam où Anne Frank et les siens se sont terrés durant deux ans, Lola Lafon a tiré un livre foisonnant et superbement écrit.
Une Anne Frank sensiblement différente de l'image édulcorée que nous avons retenue d'elle nous y est présentée, au caractère bien trempé, bavarde, irrévérencieuse, sans fausse pudeur, fermement décidée à mener une autre vie que "toutes ces femmes qui font leur travail et puis qu'on oublie".
Une autre image d'Anne Frank peu conforme à la réalité, c'est son portrait maladroit sur une médaille offerte à Lola Lafon par sa grand-mère maternelle juive, une médaille qui a pourtant été la raison de cette nuit dans ce musée "le plus vide du monde".
Sa propre mère s'étant elle aussi cachée pendant la guerre du fait de sa judéité, Lola Lafon évoque aussi sa famille dont des membres ne sont pas revenus de la déportation. Elle se livre par ailleurs à une introspection qui la conduit à s'interroger sur le sens de l'écriture, pour laquelle elle éprouve la même nécessité impérieuse que ressentait Anne Frank.
La chanson évoquée dans le titre du livre est celle qu'écoutait une autre victime de la barbarie des hommes, un jeune Cambodgien de quinze ans que Lola Lafon, alors âgée de huit ans, a connu l'espace de dix jours en Roumanie en 1976 avant qu'il ne soit exécuté par les Khmers rouges lors de son retour au pays natal.
C'est ce jeune homme, comme elle le désigne, qui lui "a ouvert la porte de la chambre d'Anne Frank".