Dans la série : les titres qui mettent les pieds dans le plat...
Je sais pas moi, il aurait pu intituler son bouquin "De la quadruple racine du principe de raison suffisante "
Mais là, " Was ist Leben ?"

Le mec ne doute de rien.


Mais oui, qu'est ce que la vie, bonne question, Erwin, la vie, cette vie qu'on mène tous, en CDD dans nos corps d'emprunt, à la fois pitoyables et formidables, à la merci de la première merde qui arrive de la droite ou de la gauche, de dessus, de dessous, de l'intérieur, du non respect du code de la route du premier venu, d'un pot de fleur de mémé du sixième étage soulevé par la tempête, de la méningite fulgurante attrapée dans une assistance quelconque, du monoxyde de carbone inodore inspiré près d'un générateur d'électricité installé dans une cave, ou dans une cheminée mal ramonée dans une maison de campagne où vous êtes cordialement invité(e) un week end ? et autres saloperies infernales et injustes ? La vie est manifestement un traquenard de première, un guet apens que ça ne fait aucun doute, et en plus on n'a pas demandé à venir, on s'est tous retrouvés jetés là sans pouvoir donner son avis.
Pour ? contre? Sans avis ?
Y a pas de mais, mange ta soupe.
La vie donc.
Qu'est ce ?
Erwin Schrodinger ne répond pas à cette question, et c'est là où ce livre est décevant.
Je sais pas moi, si je devais écrire un livre qui s'appelle "Qu'est ce que la vie" genre des conseils à ma progéniture, je lui dirais déja des trucs simples, des trucs concrets aussi.
(Vous aussi, chez vous, dans le train, écrivez votre "Qu' est ce que la vie ?")


Cependant, dans ces pages touffues mais sincères, à l'aide de mon détecteur à infra rouges de trucs qui valent le coup intellectuellement, je me souviens d'avoir noté ceci.
(Fasten your seat belts, please).


"Tout processus, ou événement, ou développement, appelez le comme vous voulez, en un mot tout ce qui se passe dans la nature, signifie un accroissement de l'entropie de la partie du monde où l'événement se produit. Ainsi,un organisme vivant accroit constamment son entropie - ou pourrait on dire, crée de l'entropie positive - et ainsi tend à se rapprocher de l'état dangereux d'entropie maxima, qui est la mort. Il ne peut s'en maintenir éloigné, c'est à dire rester en vie, qu'en soutirant continuellement au milieu environnant de l'entropie négative, ce qui est en réalité quelque chose de très positif. Donc, un organisme se nourrit d'entropie négative. En d'autres termes, la chose essentielle en métabolisme est que l'organisme réussisse à se débarrasser de toute l'entropie qu'il ne peut s'empêcher de produire tant qu'il vit".


Bien.
Des questions ?
L' entropie.
L'entropie, je dirais pour faire vite : c'est du désordre croissant, de l' énergie dilapidée. de la dispersion, du bordel en augmentation.
Quand la vie meurt, ce qui est obligatoire, sinon, ce ne serait pas la vie, elle lâche une énergie qui lui sert à vivre,
elle ne peut pas faire autrement : un organisme vivant, et surtout un être humain a besoin de mourir un peu, s'il ne lâche jamais rien, il en tire une densité de ouf, mais vit il ? puisque vivre c'est justement se lâcher. Et toute vie, bien sûr, nait d'une dispersion entropique, d'un jet d'énergie, je ne fais pas de dessin. Sans parler que si certaines de nos cellules ne mouraient plus, nous ne pourrions plus vivre.


Bref, Erwin nous dit qu'on ne peut pas s'empêcher de déconner, de boire, de forniquer, de perdre son temps, de perdre un peu tout, mais que vivre, c'est se perdre et se dilapider, le tout étant de ne pas le faire tout le temps, et même de le faire le moins possible : de la mesure. Seulement il n'y a pas grand chose d'enivrant dans la mesure.
(Franz K. disait : "en un certain sens, le bien est désolant")


Bref. Que faire ?
Erwin ne répond pas, il ne se mouille pas. Il est lâche, il ne lâche rien.
Il s' est mis à l'abri des désirs durant l'écriture du livre, il a interdit à sa maîtresse de l'appeler, il écrit, il veut vendre, il veut partir avec elle à Gstaad et acheter un chalet . Et il est habile, le bougre, il vend des millions de livres avec un titre pareil. Et en 216 pages, il nous dit que vivre, c'est mourir un peu, et il trouve 253.800 signes pour le dire.
Zappa disait : "l'art c'est faire quelque chose à partir de rien et le vendre "
Et en pensant à Schrödinger, et à un paquet d'autres, au demeurant parfois fort sympathiques ,
j'aime bien aussi celle là :
" Un intellectuel est un homme qui utilise plus de mots que nécessaire pour raconter plus qu'il ne sait."

Quantiflex
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le 9 mai 2014

Modifiée

le 9 mai 2014

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Quantiflex

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