J'ai eu l'infime honneur, la chance de rencontrer Jérôme Camut et Nathalie Hug lors d'un festival auquel je suis fidèle à chaque nouvelle édition. Mais surtout, j'ai obtenu leur première dédicace de l'édition poche de « Prédation ». J'ai été quelque peu décontenancé par cet enthousiasme vis-à-vis d'une édition poche qui est moins rémunératrice pour un auteur qu'une édition classique. Mais Jérôme Camut m'a expliqué que c'est une formidable ouverture qui permet de se faire connaître d'un plus vaste public. L'analyse est bonne. Elle est dans la lignée de ce que j'ai appelé le sens du partage de l'écrivain véritable dans une critique précédente. En effet, l'auteur, par essence, ne commet pas un acte simplement égoïste en créant, décrivant ses univers, il les met à portée du plus grand nombre afin que ses lecteurs partagent, à leur façon et sans contrainte, les visions de l'écrivain. Permettre à un public plus vaste d'y accéder par une édition meilleure marché fait partie intégrante de cette saine démarche. Mais bon, cessons-là de tergiverser sur l'essence de l'auteur et parlons un peu de Jérôme Camut et de Nathalie Hug.

Outre sa naissance en 1968, chose que je partage, Jérôme Camut est scénariste pour la télévision et le cinéma, mais est surtout connu pour sa tétralogie : « Malhorne ». C'est un époustouflant thriller historique que je ne manquerai certainement pas de découvrir prochainement, au vu du talent de narrateur déployé dans « Prédation ». Sa compagne, Nathalie Hug, a partagé la plume de Jérôme dans le recueil de nouvelles intitulé « Fantasy 2006 » paru chez Bragelonne. C'est tout naturellement qu'ils ont associés leurs talents dans « Les voies de l'ombre » dont le premier volume est « Prédation » et le second « Stigmate ».

Ici, nous sommes dans le thriller de très bonne facture. La richesse des personnages et les facettes exploitées par les auteurs en font un objet vraiment novateur dans le genre du thriller. En effet, on suit quatre personnages, tous aussi ambigus les uns que les autres. On les voit évoluer dans cette enquête avec leurs caractères et leurs faiblesses. On s'attache à chacun d'eux, même au méchant. Un bon thriller est un thriller où on commence à aimer le méchant, mais c'est mon avis personnel. Surtout quand il tue des gentils qu'on commence à apprécier également.

Le premier personnage, c'est Rufus. Un flic qui se trouve impliqué dans une enquête étrange où des hommes sont retrouvés morts, tous équipés d'un dispositif explosif au poignet. L'affaire n'est pas évidente à mener alors que sa compagne l'a quitté depuis quelques temps et qu'il est perdu entre son passé et un avenir qu'il se sent incapable de cerner. D'autres s'en chargeront pour lui. Tout comme pour Andréas. Lui se retrouve prisonnier mais n'aura de cesse que de chercher à s'échapper tout en préservant la vie de sa fille, détenue, elle aussi, par ses ravisseurs. Sa fille, c'est Clara. Au travers de son regard d'enfant, on verra la cruauté des jeux d'adultes. Mais elle est comme son père et ne pense qu'à se faire la belle. Et finalement, il y a Kurtz. Le magnifique psychopathe de service. Il est génial et subtil, sous ses dehors de tortionnaire fini. Il a aussi une histoire, un vécu éprouvant qui l'a construit tel qu'il est.

Là où ce roman sort du schéma classique du serial killer ou du thriller palpitant face à des organisations criminelles implacables, c'est qu'il mêle habilement tous les codes du tueur en série et du grand banditisme. L'ensemble donne un récit soutenu dont il est difficile de se détacher. Tous ces regards sont différents mais restent humains, même celui de Kurtz sur ses prisonniers. C'est un roman que j'ai pris grand plaisir à lire et dont je sais déjà que la suite, « Stigmate », me séduira également. De grands talents au service d'une histoire haletante où le suspense est remarquablement entretenu. On aimerait que tous les thrillers soient de cette trempe.
Bobkill
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le 10 nov. 2010

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