Ouragan
7.3
Ouragan

livre de Laurent Gaudé (2010)

Étrangement, dans ce roman, on ne suit que des personnages qui, pour une raison ou pour une autre, vont rester à La Nouvelle-Orléans. Certains par nécessité, d'autres par conviction, d'autres encore parce qu'ils sentent que l'ouragan va bouleverser leurs vies à jamais. Il y a donc Joséphine, noire et fière de l'être, centenaire, têtue comme une mule, décidée à mourir droite dans ses bottes, sur sa terre. Il y a ce révérend inconnu, qui accueille des réfugiés dans son église, avant de partir accomplir la volonté divine. Il y a aussi Buckeley et les autres évadés du pénitencier, qui errent dans la ville. Il y a Rose et son petit garçon, trop démunis pour fuir. Et puis, il y a Keanu Burns, qui parcourt des centaines de kilomètres, simplement pour retrouver Rose avant qu'il ne soit trop tard.

Laurent Gaudé fait savamment s'entrecroiser les destinées des personnages, venant, virevoltant, se croisant à plusieurs reprises, pour le meilleur ou pour le pire. Le point de vue alterne et on suit tantôt l'un ou l'autre des personnages. De même, la narration est soit à la première, soit à la troisième personne ; mais jamais ce n'est bancal. On se glisse dans ce texte avec une facilité déconcertante, et l'on suit très aisément l'histoire. Le style est à couper le souffle. L'auteur narre cette sombre histoire dans un style éminemment poétique, d'une beauté et d'un lyrisme rares. On pourrait croire que parler de l'ouragan Katrina qui a ravagé la Louisiane en 2005 donnerait lieu à de grandes envolées lyriques et pathétiques insistant sur la situation malheureuse. Pas du tout. Si le texte est poétique, lyrique, et évocateur, il est exempt de tout pathos ou de toute lamentation, ce qui le rend d'autant plus puissant et percutant. Par son langage très travaillé, l'auteur rend toute l'ambiance avec une beauté majestueuse, malgré l'horreur de la situation. Le rythme des phrases est quasiment mimétique de ce qu'il se passe : haché, trépidant, pour parler du vent violent, des bourrasques et des trombes d'eau qui s'abattent sur la ville ; plus calme et posé pour parler de l'œil du cyclone. La maîtrise de la ponctuation, des rythmes du récit, et du rythme général de la phrase est absolument remarquable. Pour preuve la fin du roman : l'auteur se lance dans une très longue phrase qui conclut avec brio le roman, achevant le récit avec un effet de pointe qui vous laisse pantelant, avec l'impression d'avoir pris un redoutable upercut. C'est tout simplement brillant.

Dans cette ambiance quasi apocalyptique, Laurent Gaudé offre un texte d'une sobriété et d'une beauté remarquables. Pas de lamento, aucune trace de pathos dans ce compte-rendu d'une situation d'horreur. C'est là toute la beauté de l'œuvre. Voilà un roman que je ne regrette pas d'avoir découvert !
Sia
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le 1 mai 2013

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