J'adore m'atteler aux classiques de chez classiques qui bien souvent manquent à ma culture littéraire et je dois dire qu'à chaque lecture, je redécouvre le monde. Œdipe Roi est une oeuvre magistrale écrite vers 430 avant J.-C., qui témoigne de la perfection de la tragédie grecque de par sa construction, son suspense troublant et définitivement moderne, par la violence du destin tout comme celle des actes d'un homme choisit par les dieux pour être le bouc émissaire de Thèbes et dont la disgrâce rachètera le bonheur de sa cité tombée dans la malédiction. Comment ne pas voir une préfiguration du Christ dans l'incarnation de ce destin tragique ?
En tout cas, étrange monde que le notre lorsqu'on voit que la plupart des gens connaissent Œdipe au travers du fameux "complexe" dudit nom mais que rare sont les personnes ayant eu la curiosité d'en savoir plus sur les origines littéraires. L'avant-propos de Victor-Henri Débidour tout comme la postface de Francis Goyet m'ont permis de mieux appréhender l'oeuvre de Sophocle d'une apparente simplicité fort trompeuse. Enfin, j'ai particulièrement apprécié l'interprétation du mythe écrite par J.-P. Vernant qui émet l'hypothèse vraisemblable qu'Œdipe n'est pas coupable du meurtre de son père ni d'avoir enfanter sa mère :
"La victime innocente signe les aveux qui lui ont été suggérés, et elle les signe spontanément, dans une sorte d'entente ultime. Parfois même, elle parvient à se convaincre de sa propre culpabilité. Œdipe n'est pas coupable, mais il se dévoue tout autant que les autres le dévouent. D'où la surprenante réconciliation de la fin : Œdipe s'est conduit en bonne victime et tout le monde lui en ai reconnaissant. Grâce à son dévouement, le pays est sauvé. Il devient ou, plutôt, redevient le Sauveur, le Père de la Patrie. Le lion a pris la place du baudet."
Cette hypothèse largement étudiée dans l'édition du Livre de Poche (n°4632) apporte un deuxième niveau de lecture passionnant à la tragédie la plus célèbre et la plus admirée de l'antiquité.