"No country for old men" est un roman sans doute plus profond que le film des frères Cohen mais il n'est pas moins cryptique. Cormac Mc Carthy retrouve ici sa thématique de l'homme de l'Ouest, du cowboy sur son cheval, et ses héros ont tous en commun ce laconisme des êtres éprouvés et déterminés. Sa prose, épurée jusqu'à la concision, colle à la réalité d'une histoire glauque qui a été bien illustrée dans le film mais qui ici s'incruste dans toute une philosophie un peu trop passéiste.


L'écriture de Mc Carthy, minutieuse et en même temps elliptique, capte les moments seconde par seconde tout en éliminant tout superflu... Les confrontations et diverses rencontres donnent lieu à des dialogues ciselés comme du diamant brut. L'intrigue, complexe et sanglante,nous raconte la course d'un jeune homme traqué pour avoir récupéré une valise de dollars sur le lieu d'un massacre. Les flics, le cartel, un détective ripou, et un étrange tueur se sont lancés à ses trousses.


Cette histoire violente se lit avec intérêt, en dépit du côté haché de la narration qui nous fait suivre plusieurs protagonistes en parallèle. Le récit est interrompu par les pensées personnelles d'un shériff, sur le sens de la vie et la déconfiture de son pays. L’intrigue policière, avec son étrange tueur, dont il est clairement annoncé qu'il pourrait être une incarnation de Satan lui-même, devient l'illustration des propos en italiques de notre shériff philosophe... Ce procédé m' a surpris. Chez Mac Carthy en principe on ne rentre jamais dans la tête des personnages, on les comprend par leurs actions ou leurs rares paroles. Ici, il fait intervenir un monologue intérieur certes intéressant (des réflexions sur la guerre, les regrets, la disparition des valeurs etc...) mais qui non seulement manque de clarté mais va constituer toute la fin du roman. Notre laconique auteur avait quelque chose à nous dire, il faut croire...


J'ai assez bien aimé ce livre pour la prose admirable de Mc Carthy et pour ce démoniaque tueur fasciné par les derniers moments de ses victimes.J'ai l'impression toutefois que Mc Carthy a repris une scène clé de " All the pretty horses" pour l’étirer sur deux cent pages. Son livre est un constat désabusé sur l'emprise du Mal sur son pays, et les regrets d'un vieil homme dépassé par monde sans morale. Ca nous rappelle le vieillissant Clint Eastwood maugréant sur la jeunesse...
Je vous recommande de découvrir le style extraordinaire de cet auteur, mais préférez sans doute pour cela "All the pretty horses"...

nostromo
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le 7 sept. 2016

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nostromo

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