Ne jamais grandir
7.3
Ne jamais grandir

livre de Jackie Chan (2015)

A travers ce livre autobiographique, Jackie Chan parle sans états d'âme de ce destin exceptionnel, qui fera de lui l'acteur chinois le plus connu au monde, casse-cou incroyable, et qui aura sans nul doute redéfini le cinéma d'action en prenant toujours plus de risques.
Je connaissais son premier livre autobiographique, I am Jackie Chan, publié en 1998 à l'occasion de la sortie de Rush Hour, mais il faisait l'impasse sur beaucoup de choses, et l'acteur se montrait plutôt sous un beau jour.
Là, le livre date de 2015, mais il a été légèrement actualisé jusqu'à début 2019, et Jackie se confie de façon beaucoup plus franche et directe, revenant en détail sur son parcours, ses dix ans dans une académie du théatre chinois où la stricte éducation le marquera profondément, ses débuts comme figurant, puis cascadeur, puis chorégraphe, une très lente ascension vers le vedettariat où il va exploser dans le cinéma chinois lors de la sortie de Drunken Master. A cette époque, le pays était encore marqué par la disparition de Bruce Lee (avec qui Chan a travaillé), et tous essayaient de copier son style ; Jackie est parti quant à lui dans un versant plus comique, où il se montrerait vulnérable, et ça sera dès lors un succès qui ne se démentira plus durant des décennies.
Je suis d'ailleurs surpris de voir à quel point Jackie Chan parle beaucoup de ses propres travers ; son alcoolisme son addiction au jeu à son adolescence, sa relation compliquée avec son épouse qu'il voit très peu, ses rapports avec son fils Jaycee où il se montra d'une grande sévérité, la folie des grandeurs qu'il a eu dès qu'il est devenu célèbre avec l'argent qui lui brulait entre les doigts, et surtout, sa relation extra-conjugale est également racontée, où il aura une fille avec qui il n'a aucun contact.


Quant au cinéma, il revient sur plusieurs de ses cascades les plus célèbres, la chute depuis une horloge dans Le marin des mers de Chine ou celle dans Mister Dynamite qui va lui laisser de profondes séquelles à la tête, y compris une surdité à une oreille. La liste y est impressionnante, à tel point qu'à plus de 60 ans, il a désormais des problèmes physiques comme l'impossibilité de courir, l'interdiction de porter des charges trop lourdes, ou encore l'aide d'une personne quand il prend une douche, de peur de se déboiter un bras ou une jambe. Il ne parle pas vraiment d'anecdotes de tournages, des pans entiers ne sont pas évoqués, il ne dit pas si il a aimé tel film ou non, mais on se rend compte de son incroyable capacité de travail, avec son équipe de cascadeurs, à vouloir repousser les limites de l'impossible, bien qu'il avoue avoir eu peur pour sa vie à plus d'une reprise.
Aujourd'hui, il avoue sans soucis que la sécurité dans les films y est plus importante, et qu'il assume le fait d'utiliser des câbles ou autres moyens de protection, car il ne veut pas que les cascadeurs souffrent comme lui.
Il revient aussi beaucoup sur sa carrière américaine, démarrée en deux temps ; au début des années 1980 avec Le chinois et Le retour du chinois de sinistre mémoire, et la surprise qu'a été au box-office local Jackie Chan dans le Bronx, qui ne fut pas prévu pour les américains, mais qui va être une nouvelle porte d'entrée où arrivera le gros succès Rush Hour. Il apparait à la fois content d'être dans ces films américains, qui lui rapportent beaucoup plus d'argent que ceux qu'il tourne en Chine, et lui ayant permis d'accroitre sa notoriété, mais aussi il critique à tout va leur rigueur, leur manque de souplesse, la quasi-impossibilité d'improviser, et qu'il n'est en fin de compte qu'un acteur, alors qu'en Chine, il fait ce qu'il veut sur un plateau de tournage.


Mais ce qui ressort au fond du livre, c'est l'enthousiasme permanent de Jackie Chan dans sa vie, son métier, qui bouge tout le temps, se donnant sans compter aux autres, notamment pour les associations humanitaires. Il est resté au fond un grand enfant, d'où son surnom de boulet de canon, d'une grande générosité, mais qui a ses failles, ses doutes, notamment sur sa possible retraite du cinéma d'action.
J'ai lu ce livre avec grand plaisir, même si la présence d'une coautrice, Zhu Mo, me laisse plus penser qu'il s'agit de retranscriptions de dialogues entre elle et Jackie Chan plutôt que ce dernier qui a pris la plume ; d'ailleurs, il avoue qu'il est quasiment illettré, même aujourd'hui. Zhu Mo intervient dans quelques paragraphes pour donner des anecdotes supplémentaires sur son ami.


Je suis un grand fan de Jackie Chan depuis la fin des années 1980, et des souvenirs intenses de films vus et revus des centaines de fois, notamment Police Story ou Le marin des mers de Chine, en ayant vraiment peur pour cet acteur dont on se rend bien compte que la douleur à l'écran n'était pas simulée, à en juger par les bêtisiers à la fin de chacun des films de cette époque. Depuis 1994, et ce chef d'oeuvre qu'est Drunken Master II, c'est devenu beaucoup moins bon, je ne suis pas un grand admirateur de sa période américaine (sauf Le retour du Chinois, dont les montages US et Chinois sont un modèle d'apprentissage pour les cinéphiles), mais comme on dit, il a le droit de vieillir, il ne pourra plus faire ces folies éternellement. D'où ses quelques tentatives de diversification depuis quelques années soit en tant que mentor ou dans Shinjuki incident ainsi que The foreigner.


Mais quoi qu'il en soit, le livre est vraiment passionnant à lire, avec ce plaisir communicatif qu'a Jackie Chan à raconter cette vie si incroyable.

Boubakar
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le 9 nov. 2019

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