Mordre au travers est un recueil qui répertorie 11 nouvelles écrites entre 94' et 99' par l'auteure

Virginie, version courte

Mordre au travers est un recueil qui répertorie 11 nouvelles écrites entre 94' et 99' par l'auteure trash, Virginie Despentes. L'intro est d'ailleurs une phrase célèbre pour la génération grunge puisqu'il s'agit des derniers mots écrit par Kurt Cobain « I hate myself and i want to die ». Et à la lecture des nouvelles, cette introduction est parfaite.

Pour les aficionados de l'écrivain, si vous n'avez pas encore lu mordre au travers, jetez-vous dessus car vous allez l'adorer. Il s'agit d'un condensé de ce qu'on a déjà pu lire d'elle (ainsi que de l'inédit), avec évidement ses thèmes de prédilection : prostitution, beauté-laideur, et, en plus général de la misère humaine.

Pour ceux qui désiraient découvrir l'auteur, ce recueil constitue un bon point de départ pour rentrer dans l'univers Despentesque. Au moment de la sortie du film basé sur son livre culte du même nom "Bye bye Blondie", se plonger ou replonger dans l'univers de Virginie Despentes est idéal.
Les nouvelles sont courtes et les thèmes variés. Par contre attention, ça réveille et ça bouleverse. Le livre est facile à lire, moins à encaisser.

Contrairement à ses romans, il n'y a ici pas de place pour des traits d'humour ou des sarcasmes.
Tout est trash et/ou triste. Elle raconte le désespoir, le néant ou l'envie d'un plus rien.

Ce recueil trace le portrait d'hommes et de femmes, mal dans leur peau (« Sale grosse truie »), en plein phantasme (« Comme une bombe »), à un point de non-retour (« Blue Eyed Devil »), ou sont simplement des nouvelles sur la misère sociale et humaine (« Domina », « Ballade », etc.).

Certaines histoires sont insoutenables et en choqueront plus d'un comme « A terme », nouvelle particulièrement éprouvante, relatant un sorte de songe incestueux. (« Et d'autre fois la mère criait : « Ca me dégoûtait juste après, tu étais tout le temps là, à crier, à vouloir manger. Je ne t'ai jamais nourrie au sein parce que tu me dégoûtais... Juste après, j'aurais voulu te casser contre un mur. » ) (p.61)
« Sale grosse truie » évoque cette femme qui se hait profondément. Soumise à son propre corps, à son reflet dans la glace elle ne voudrait qu'un peu d'amour de la part de son mari. (« Et plus le temps passait, plus son corps à elle devenait glauque, laid sous toutes les coutures, où qu'elle pose l'œil quelque chose de monstrueux. De vomitif, d'insupportable. » (p.37)

De prime abord "je te veux pour moi" passerait pour une nouvelle sur la passion amoureuse, alors qu'au final il s'agit, comme le titre l'indique, clairement de possession/frustration. (« Et petit à petit je la tirais dans mon jeu ; et elle s'est laissée compliquer l'esprit, mettre le doute et le remords. Je voulais cette fille, c'était devenu une idée fixe. ») (p.15)

Mordre au travers est donc adressé à un public avertit, plutôt deux fois qu'une
.
Au fil des drames Virginie Despentes décrit les situations, sans juger et de manière pragmatique. Cette écriture ainsi que les mots utilisés en font des récits coup de poing.
Despentes a en outre le talent d'arriver à écrire du point de vue d'un homme sans que cela sonne faux (« Lâcher l'affaire », « Blue eyed devil », « Je te veux pour moi » « Fils à papa »).

En version courte, Virginie reste géniale et maitresse du trash. Ce format lui va à merveille et un second recueil serait plus que le bienvenu !
Qu'on aime ou que l'on déteste, on en ressort en tout cas pas indemne.

DESPENTES Virginie, Mordre au travers, Paris, J'ai lu, 1999, Librio, 122p.