Ecrit en 1954, "Martiens, go home" part du postulat suivant : et si, un jour de l'année 1964, les Martiens débarquaient sur Terre avec pour seul objectif de pourrir la vie des Terriens ? Un objectif facile à remplir pour un milliard de gnomes verts capables de couimer (se téléporter), de voir à travers les murs ou dans l'obscurité, de faire du bruit sans pourtant avoir de consistance physique (leur corps est opaque mais immatériel).
Ce livre est très vite lu. Il est découpé en courts chapitres qui alternent une trame principale centrée autour d'un anti-héros, un auteur de SF nommé Luke Deveraux (qui se reconvertit dans le western alimentaire après l'arrivée des martiens), et des chapitres décrivant les misères que les Martiens, ces êtres ricanants et puérils, mais qui savent appuyer là où ça fait mal, infligent aux gouvernements, tant américains que soviétiques, ou aux différentes peuplades.
On le comprend, les Martiens sont en réalité notre conscience en négatif : ils adorent faire s'entretuer les militaires, révéler des secrets d'Etat ou annoncer à un gars qu'il est cocu. Ils pourraient mentir mais ils n'en ressentent jamais le besoin. Ils aiment bien aussi pousser un gars à faire un cambriolage en l'assurant qu'ils font le guet pour mieux rameuter les flics. Mais ce qu'ils font le mieux, c'est démoraliser les savants qui ne peuvent s'empêcher d'émettre des théories pour essayer de les faire fuir. Enfin, cela pose une question intéressante : comment réagirait chacun si brusquement ses actes se trouvaient constamment sous la surveillance d'une race supérieure et pas forcément bienveillante ?
Bref, C'est un ouvrage corrosif qui propose une vision au vitriol de la société (en ce qui concerne la guerre froide, c'est assez culotté pour 1954). Au niveau de l'écriture, s'il y a quelques maladresses, c'est très visuel (on croirait lire la novélisation d'une B. D. de Mad Magazine, par moments).
J'aime beaucoup le final qui montre en parallèle le retraité sourd qui démarre son invention anti-martien, Luke dans sa cabane qui s'imagine pouvoir les faire disparaître en imaginant qu'ils s'en vont (folie solipsiste) et le sorcer Bugassi qui crée le plus grand juju de toute l'histoire des Moparobi. Sans compter le post-scriptum potache, soi-disant écrit à la demande de l'éditeur, qui met en cause l'existence même du lecteur.