Médecin ou Joueur d’échecs, c'est l'une de ces deux carrières que s'imaginait épouser le jeune Ennio Morricone. Lui ne se voyait pas du tout musicien, il a été poussé sur cette voie par son père lui-même trompettiste. C'est par la volonté de ce dernier qu'il a dût apprendre la musique et arrêter à son grand regret les échecs, une passion qu'il a tout de même reprise des années plus tard. Mais en tant que médecin ou joueur d’échecs, Morricone n'aurait voulu qu’une chose exceller, il excelle dans la musique ça c'est une certitude. À travers ce livre Morricone raconte sa façon de travailler avec les cinéastes qu'il a rencontrés au long de son parcours et ils sont nombreux, il faut dire que Morricone a été très demandé au cours de sa carrière extrêmement prolifique.


Ce livre est un véritable pavé, dans lequel Morricone revient sur l’ensemble de ses collaborations, l'homme a une grande et bonne mémoire. Évidemment il évoque Leone et sa façon unique de travailler. Le destin de ces deux hommes a été lié rapidement, puisqu’ils étaient ensemble à l'école. Selon Leone à l'école Morricone passait son temps à dormir sur la table. Une fois leur scolarité terminée les deux hommes se sont perdu de vue, tous deux alors en début de carrière ont été mis en relation pour collaborer au premier film de Leone. En ouvrant la porte Morricone reconnut immédiatement Leone, il lui dit qu'ils étaient à l'école ensemble. Leone pensait qu'il mentait, Morricone lui a donc sorti la photo de classe. Leone méfiant dit que ce n'était pas parce qu'ils étaient ensemble sur les bancs de l'école qu'il ferait la musique de son film. Morricone fit écouter une musique dont Leone dira qu'elle lui cassait les couilles, il lui demanda d'écouter autre chose, quelque chose de plus personnel, et voilà le début de l'une des meilleurs collaboration du cinéma. Leone en grand maniaque qu'il était voulait tout diriger ce qui a parfois créé des conflits entre les deux hommes, mais Morricone parle de Leone comme de quelqu'un qui savait ce qu'il faisait. C'est Leone qui lui a dit de prendre quelqu'un pour diriger l'orchestre et de donner les consignes depuis la console, enfin Leone lui dira quelques années plus tard que c'est mieux quand il dirige lui-même l'orchestre. Morricone a donc abandonné le premier conseil de Leone. On apprend aussi que Morricone a connu le problème de la page blanche quand il a dû écrire la B.O d**'il était une fois dans l'ouest**. Le producteur du film ayant eu vent de l'information a alors dit à Leone de se tourner vers quelqu'un d'autre, c'est donc ce qu'a fait Leone en contactant Armando Trovajoli, celui-ci a réalisé des thèmes qui n'ont pas convaincu Leone. Morricone n'a su la chose que des années plus tard, il a demandé des explications à Leone qui lui a dit << Mais Ennio, t'arrivais à rien... >> . Morricone parle aussi de l'ouverture d**'il était une fois dans l'ouest**, celle-ci devait être mise en musique, Leone avait monté les images avec les sons qui arrivent à tour de rôle. Mais une fois le montage découvert Morricone dit à Leone qu'il ne pouvait pas faire mieux. Les sons ne sont pas une idée de Morricone mais de Leone. Le livre passe en revue l’ensemble des collaborations Leone - Morricone, pour se terminer en évoquant les neufs cents jours de Leningrad le projet que Leone n'a jamais pu réaliser. Tornatore tente en ce moment de monter le film Leningard que préparait Leone, Morricone se dit prêt à en faire la musique. Les trois noms de réalisateurs qui reviennent le plus souvent dans le livres sont ceux de Leone, Pasolini et Tornatore.


Morricone n'est pas homme à regretter d'avoir composé la musique de certains films, même des mauvais, d'ailleurs il parle toujours en bien des films sur lesquels il a travaillé, tout comme il ne dénigre pas les cinéastes. Il évoque l'affaire Tarantino et sa mauvaise utilisation des musiques composées pour d'autres films, et il faut avouer que Morricone a totalement raison, l'utilisation de ses thèmes dans Django Unchained est catastrophique. C'est un problème qu'il a rencontré avec d'autres réalisateurs, ce mauvais traitement de ses musiques le gène, mais il fini toujours par dire tant que ça va au réalisateur. Il parle aussi de John Williams et de sa B.O de star wars qu'il trouve trop commercial, il parle d'un système hollywoodien qui ne prend aucun risque. Il évoque a cette occasion le film de science-fiction l'humanoïd qu'il a mis en musique, sur lequel il a pris plus de risques que son confrère et néanmoins ami Williams.


Le compositeur évite les conflits, c'est pour cette raison qu'il n'a pas continué à collaborer avec certains réalisateurs tel que Zeffirelli. Morricone s'est rendu compte que le réalisateur doutait de son travail de cinéaste. Morricone ne croit pas au génie ni en l'inspiration, ces deux mots l'amusent, il croit au travail, il s'est levé pendant des années à 4h du matin pour travailler. Il faut dire qu'il lui a fallu parfois composer et enregistrer en moins de 15 jours des musiques, 15 jours c'était le temps qu'il restait avant la date de sortie du film. C'est une pratique courante dans le cinéma, Quincy Jones raconte un peu prêt la même chose pour un film dont il a dû composer la musique et l'enregistrer en 15 jours également. Le nombre de B.O composées par le compositeur italien s’élève aux alentours de 500, la chose n'étonne pas Morricone, il dit que les grands compositeurs classiques n'avaient pas plus de temps que lui pour créer. Seulement s'il travaille énormément, ce n'est pas tout, il doit bien se rendre compte que son approche de la musique n'est pas celle de n'importe qui, il est différent.


Ces compositions expérimentales lui ont posé des problèmes, car on lui a dit soit tu continus à faire des choses que presque personne ne comprend soit tu reviens à des choses plus accessibles et tu continus à faire des musiques de films. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il n'a fait pas plus de musiques pour Dario Argento. Le père de ce dernier producteur des films de son fils a convoqué Morricone pour lui dire qu'il avait fait la même musique pour les films de son fils. Morricone lui a expliqué son travail et son point de vue, mais Argento père n'a rien compris aux compositions de Morricone. Cette incompréhension est une chose qui exaspérer Morricone. Morricone critique la régression que proposent le cinéma et les productions actuels, dans la pop musique également. Il n'a jamais le regard d'un homme aigri par l'âge, il trouve ces choses très faciles d'accès, il pense qu'il faut éduquer le public à des choses qui demandent davantage d'attention.


Morricone regrette de ne pas avoir pu travailler avec Kubrick, la chose allait presque ce faire car Kubrick l'avait approché après avoir visionné Il était une fois dans l'ouest pour composer la B.O d'orange mécanique, Morricone était alors entrain d’œuvrer sur le film de Leone il était une fois la révolution. C'est à cause de cet emploi du temps chargé que Morriocne a dû renoncer à cette collaboration, et aussi par respect envers Leone qu'il ne voulait pas trahir. Aussi étrange que cela puisse paraître Morricone voyait cette collaboration comme une trahison envers Leone. Le producteur Dino De laurentiis avait proposé à Morricone de composer la B.O de Dune, il avait accepté mais De laurentiis n'a jamais donné signe de vie. Morricone a fini par découvrir que Toto avait fait la B.O. du film. C'est encore un regret pour Morricone qui aurait aimé travailler avec Lynch.


L'auteur de musique qu'il est se pose constamment des questions sur son travail et sur le résultat de ce dernier. Il pense parfois être en cause sur l’échec de certains films dont la musique n'était pas assez accessible. Morricone est un homme curieux, il s’intéresse à la sculpture et la peinture, mais c'est surtout un homme ouvert. Il se connait très bien, et il connait très bien son travail, parfois il parle de choses techniques avec son interlocuteur. Il faut dire que celui-ci est un fan de Morricone et qu'il a suivi des cours de composition suite à une rencontre avec Morricone à qui il avait remis un cd avec sa musique. Cette partie est bien souvent très technique est difficile à suivre pour qui ne connait pas la musique. On peut aisément comprendre que les deux hommes aiment à parler technique, mais pour le lecteur il est difficile se sentir concerné par ces échanges. Le livre se termine avec des entretiens de réalisateurs avec lesquels Morricone a collaboré. En parcourant ces pages on apprend beaucoup sur Morricone et sur sa façon d'envisager la musique, c'est un homme intelligent qui ne pense qu'à une chose faire évoluer sa musique.

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le 17 janv. 2019

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