Dans ce village reculé d’Islande qui ne possède ni église ni cimetière la vie des habitants s’écoule lentement et rien de notable ne semble se passer. Chacun vaque à ses occupations, s’occupe parfois des affaires de ses voisins, les informations circulent entre la coopérative, la salle des fêtes et le bureau de poste.
Il suffit pourtant de peu, que le directeur de l’atelier de tricot fasse un rêve en latin, qu’un homme et une femme deviennent amants, que des fantômes semblent hanter un entrepôt, qu’un ancien amour réapparaisse ou, plus grave, qu’un homme se donne la mort pour que les choses changent lentement, imperceptiblement, et fassent basculer la vie des habitants.
Jón Kalman Stefánsson est un véritable poète, ce qui m’avait déjà frappée avec son roman Ásta. Il est le conteur patient des cœurs humains. En huit chapitres, il balaie tout ce qui peut faire une vie humaine : l’amour, la mort, l’amitié, la solitude, le partage, la joie, la douleur...
A travers le portrait de ses personnages il explore toute la complexité des relations humaines. Une grande sensualité émane du récit, mêlée à quelques séquences quasi surnaturelles, à l’image des paysages islandais partagés entre ses vastes étendues de nuit et ses courtes périodes de jour.
Ce qui ne pourrait être que la chronique parfois drôle et parfois tragique d’un banal village au bord des fjords devient au fur et à mesure un condensé d’humanité, le réceptacle de tout ce qui se joue au cours d’une vie et dévoile toute une comédie humaine universelle.
Les récits et les portraits de Jón Kalman Stefánsson frappent juste à chaque fois accompagnés de ce style et de ce rythme si particuliers et de ses adresses au lecteur qui a ainsi l’impression de vivre aux côtés des personnages. On s’attache à eux, on a envie de connaître leur histoire et leurs secrets, d’entrer dans leurs pensées et leur intimité. On se laisse emporter par les mots et la plume de l’auteur, par ce style habité à la fois par une tendre ironie et une douce mélancolie.
Un merveilleux voyage islandais.