Lolita
7.9
Lolita

livre de Vladimir Nabokov (1955)

A love affair with the English language

Lolita, c'est la première œuvre que je me suis empressé de noter quand j'ai débarqué, jeune et ingénu, sur SensCritique. Jamais un style ne m'avait autant bouleversé dès les premiers mots : ces premiers mots, si beaux dans leur simplicité et leur contradiction, que le lecteur se plaît si vite à mémoriser, à scander, à psalmodier comme une incantation... C'est en cela que Lolita n'est pas tant un roman qu'un poème, un long poème en prose, l'épopée du narrateur Humbert Humbert au pays des nymphettes.


Parlons des nymphettes, ces jeunes filles pré-pubères, qui attirent tant l'œil de Humbert Humbert, et par là même l'œil du lecteur, qui converge, gêné, rebuté, dans la même direction, pris au piège dans la trame et le prisme de la voix narrative. L'œuvre de Nabokov est profondément ambigüe – et non pas simplement versée dans la pédophilie – de par sa capacité à répugner et à séduire en même temps. Aux critiques et censures l'auteur réplique, souvent de manière détournée et ironique (comme dans la très jubilatoire postface), que son livre ne porte aucun jugement moral, sans pour autant être immoral. « Le bon lecteur est celui qui cherche le plaisir artistique », dit-il.


De la même manière, Lolita n'est ni un roman russe, ni un roman américain. C'est un roman sur l'Amérique, une cartographie de la terre et du corps, un corpus, un entrelacs de références habilement invoqués qui construisent et déconstruisent le mythe et fantasme du rêve américain.


Le passage de la séparation tant redoutée est un exemple parmi tant d'autres : Lolita prend la fuite le 4 juillet, et gagne enfin une indépendance analogue à celle du peuple américain.


Et puis, ça se lit juste pour palper l'ego démesuré de notre formidable chasseur de papillons qui transpire puissamment de la narration d'Humbert Humbert : « I am always fascinated by the admirable ways foreigners – or at least naturalized Americans – use our rich language. »


Vous l’aurez compris, ce livre est scandaleusement grandiose. Cela ne devrait pas être permis de publier une chose comme celle-là.


PS : Dieu sait combien Nabokov était pointilleux sur les traductions, et sachant qu’il n’a pas pu contribuer à la traduction française comme il le souhaitait, si vous en avez la possibilité, lisez-le en anglais. Le truc prend une tout autre dimension.

Paul_
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Vladimir Nabokov : l'enchanteur et L'entre-soi chez Marcel Proust et Vladimir Nabokov

Créée

le 27 déc. 2013

Critique lue 2.9K fois

47 j'aime

9 commentaires

Paul_

Écrit par

Critique lue 2.9K fois

47
9

D'autres avis sur Lolita

Lolita
Plume231
8

Le Mystère Lolita !!!

Comme il est très judicieusement écrit dans la préface de mon édition Folio acheté avec un chèque Cadhoc, Lolita est un cas très rare dans l'histoire de la littérature. Un cas très rare du fait que...

le 13 févr. 2018

67 j'aime

13

Lolita
LeChiendeSinope
8

Pour les amateurs de nymphettes.

Aujourd'hui, un livre aussi sulfureux ne pourrait jamais dépasser la case du comité de lecture des maisons d'éditions. Heureusement, la censure était dans les années 50 plus laxiste, et les mœurs...

le 11 mai 2010

60 j'aime

3

Lolita
Paul_
9

A love affair with the English language

Lolita, c'est la première œuvre que je me suis empressé de noter quand j'ai débarqué, jeune et ingénu, sur SensCritique. Jamais un style ne m'avait autant bouleversé dès les premiers mots : ces...

le 27 déc. 2013

47 j'aime

9

Du même critique

Lolita
Paul_
9

A love affair with the English language

Lolita, c'est la première œuvre que je me suis empressé de noter quand j'ai débarqué, jeune et ingénu, sur SensCritique. Jamais un style ne m'avait autant bouleversé dès les premiers mots : ces...

le 27 déc. 2013

47 j'aime

9

Salammbô
Paul_
8

Perle d'Orient

Objet finalement bizarre et biscornu que ce Salammbô, pour ne pas dire baroque – mais alors dans le sens premier du mot, utilisé par les joailliers de jadis pour désigner ces perles « baroques » qui...

le 4 juin 2016

25 j'aime

5

Lettres à Milena
Paul_
9

Ghost writer, ou lettres et le néant

Qui a dit que Kafka n'avait pas écrit de roman d'amour ? Longue de quelques mois seulement, sa correspondance avec Milena Jesenská, celle qui fut d'abord sa traductrice, raconte la passion...

le 2 juil. 2017

21 j'aime

9