Ce bouquin spécialisé a été conçu par Laurent Jullier (auteur notamment de « L’analyse de séquences » et « Star Wars, anatomie d’une saga ») et Michel Marie (auteur de « Comprendre Godard » et « Le guide des études cinématographiques et audiovisuelles ») qui sont tous deux professeurs d’études cinématographiques à l’Université Paris III-Sorbonne Nouvelle. C’est donc du lourd, du sérieux ! L’intérêt, c’est que nos deux dingues de cinéma ne paraissent pas trop sectaires.

Mon choix a été justifié par la teneur de l’introduction. Deuxième phrase « S’asseoir devant un écran et prendre du plaisir à regarder un film a quelque chose de si simple et de si évident qu’on ne voit pas en quoi un manuel de lecture aurait quelque chose de nécessaire. » Un peu plus loin, au deuxième paragraphe « Bien des raisons peuvent être invoquées pour acheter un ticket de cinéma ou demeurer devant la télévision tout le temps qu’elle diffuse un film. Mais la plus courante, celle qui justifie que des milliards de personnes soient déjà restées assises sans bouger deux heures durant les yeux rivés à des fantômes animés et bavards, c’est le plaisir. »

Ensuite, le livre est organisé en deux parties « Les outils de l’analyse filmique » puis « Analyses de séquences ». La première permet de faire le tour du vocabulaire essentiel, ce que les auteurs accompagnent à chaque fois d’exemples pédagogiquement judicieux. La seconde leur permet d’illustrer tout ceci avec des séquences tirées de films réputés. L’intérêt est qu’ils abordent tous les genres majeurs ainsi que les périodes essentielles. Et ils abordent les cinémas de différentes régions du globe.

La première partie est la plus intéressante à lire d’emblée. Chaque passionné de cinéma y trouvera son compte, d’autant plus que sa concision (une cinquantaine de pages) permet de l’absorber en une seule fois. Les auteurs y évoquent les outils d’analyse :
- À l’échelle du plan. Pour cela, ils abordent les éléments techniques de base que sont le point de vue (du spectateur), la distance focale et la profondeur de champ, les mouvements de caméra, la lumière et les couleurs ainsi que les combinaisons audiovisuelles.
- À l’échelle de la séquence. Pour cela, ils évoquent les notions de montage, scénographie, suspense et coups de théâtre, effet-clip et effet-cirque ainsi que les métaphores audiovisuelles.
- À l’échelle du film. Pour cela, ils parlent des ressorts de l’histoire, de la distribution du savoir, des genres, styles et dispositifs et du jeu possible avec le spectateur.

La seconde partie est celle qu’il faudrait avoir sous la main après le visionnage d’un film choisi par ces messieurs. C’est assez technique et pas forcément enthousiasmant pour des films qu’on ne connaît pas ou qu’on n’aurait pas vu depuis longtemps. On a droit à des descriptions minutieuses avec de nombreuses images successives commentées. Malgré la présence de ces images, la lecture se révèle assez vite rébarbative pour des films qu’on ne connaitrait pas par cœur. Par contre, c’est très intéressant pour ceux qu’on connait bien. C’est pourquoi je recommande de conserver cette partie pour la reprendre au cas par cas, après visionnage. Les séquences commentées sont issues des films suivants :

1- Pour le cinéma muet (outils, styles et techniques) :
- Le voyage dans la lune (Méliès)
- Le meccano de la « General » (Keaton)
- Octobre (Eisenstein)

2- Pour l’âge d’or des genres :
- Dr. Jekyll et Mr. Hyde (Victor Fleming)
- Le grand sommeil (Hawks)
- Chantons sous la pluie (Gene Kelly et Stanley Donen)
- Johnny Guitare (Nicholas Ray)

3- Pour le genre « classicisme et leçons de vie » :
- Hôtel du Nord (Carné)
- Sunset Boulevard (Wilder)
- Quand passent les cigognes (Kalatozov)
- Vertigo (Hitchcock)

4- Pour le cinéma de la modernité :
- Le septième sceau (Bergman)
- L’avventura (Antonioni)
- Les yeux sans visage (Franju)
- Une femme est une femme (Godard)

5- Pour le second souffle d’Hollywood :
- Dr. Jekyll et Mr. Love (Jerry Lewis)
- Easy rider (Hopper)
- Apocalypse now (Coppola)

6- Pour l’ère post-moderne :
- Titanic (Cameron)
- In the mood for love (Wong Kar-Wai)
- Le seigneur des anneaux (Jackson)
- Kill Bill, vol. 2 (Tarantino)
- Shreck 2 (Adamson, Asbury et Vernon)

L’intérêt de la division en sous-parties est que chacune commence par un topo qui donne déjà beaucoup d’indications passionnantes dont le lecteur peut profiter tout en négligeant les exemples. Ainsi, la première consacrée au cinéma muet permet en deux pages d’évoquer sur un plan historique la notion de plan fixe, puis la méfiance envers le hors-champ, le goût pour le point de vue unique, la violence du montage et enfin le regard-caméra.

Un livre de qualité pour tous ceux qui s’intéressent à l’analyse du cinéma.
Electron
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Lus en 2013

Créée

le 15 oct. 2013

Critique lue 396 fois

13 j'aime

4 commentaires

Electron

Écrit par

Critique lue 396 fois

13
4

D'autres avis sur Lire les images de cinéma

Lire les images de cinéma
Tinou
7

Critique de Lire les images de cinéma par Tinou

Un ouvrage vraiment intéressant. La première partie, livrant les outils de base de l'analyse et du langage cinématographique, est excellente. La deuxième, donnant une série d'analyses de séquences,...

le 23 juil. 2015

Du même critique

Un jour sans fin
Electron
8

Parce qu’elle le vaut bien

Phil Connors (Bill Murray) est présentateur météo à la télévision de Pittsburgh. Se prenant pour une vedette, il rechigne à couvrir encore une fois le jour de la marmotte à Punxsutawney, charmante...

le 26 juin 2013

111 j'aime

31

Vivarium
Electron
7

Vol dans un nid de coucou

L’introduction (pendant le générique) est très annonciatrice du film, avec ce petit du coucou, éclos dans le nid d’une autre espèce et qui finit par en expulser les petits des légitimes...

le 6 nov. 2019

78 j'aime

4

Quai d'Orsay
Electron
8

OTAN en emporte le vent

L’avant-première en présence de Bertrand Tavernier fut un régal. Le débat a mis en évidence sa connaissance encyclopédique du cinéma (son Anthologie du cinéma américain est une référence). Une...

le 5 nov. 2013

78 j'aime

20