Une idée nouvelle. Reprendre les codes du roman policier british façon Agatha Christie, mais en l'abordant selon la trame - parfois utilisée au cinéma - d'une journée revécue sans cesse jusqu'à résolution de l'énigme, ici par le narrateur. Qui renait en quelque sorte chaque jour, mais dans la peau d'un protagoniste différent à chaque fois. Autant dire que la chronologie de la journée en question est moins évidente à suivre que lors du classique déroulement linéaire d'un polar à énigme.


On ne peut du coup que saluer le travail de construction de l'auteur, qui a probablement élaboré une trame globale de sa journée, puis l'a déclinée huit fois avec le regard de chacun des personnages successivement habités par le narrateur. Personnellement, je n'ai pas repéré d'incohérence, mais je n'ai peut-être pas tout vu, car c'est dans l'ensemble tout de même plutôt difficile à suivre. D'autant que Turton s'amuse parfois à user de paradoxes temporels : quand par exemple, au cours d'une des premières journées, le narrateur se trouve confronté à des situations inexplicables, mais qu'il provoquera lui-même par la suite dans la peau d'un autre "hôte". Plutôt sympa, mais ça devient vraiment embrouillé lorsqu'il lui prend de changer le cours des événements, ce dont on ne comprend pas très bien s'il y arrive...ou non. Quoique dans l'ensemble, la narration retombe plutôt bien sur ses pattes à chaque fois.


Du coup, la lecture est fluide et entrainante. On a envie de connaître la suite et d'arriver à la chute finale, quitte à ne pas trop se prendre le chou à comprendre comment tout ça se goupille. A vrai dire, le côté policier est très réussi, l'énigme est bien torchée et comprend, sur la fin et comme il se doit de multiples rebondissements que le lecteur (je parle pour moi, en tout cas) ne voit pas forcément venir. L'atmosphère est sombre, pluvieuse et malsaine. Bien plus noire que chez Agatha Christie, chez qui le respect des convenances masque généralement bien plus les noirs desseins des uns et autres. Les personnages de Turton sont plus cash, dans leurs avidités, décrépitudes, débauches et absences d'empathie. Bon, il faut dire que le narrateur les habitant successivement (pour nombre d'entre eux), le lecteur y est en quelque sorte confronté de plus près...


J'ai tout de même une petite réserve quant à ce bouquin, qui est au demeurant d'une lecture très agréable. C'est son volet fantastique, avec ce mystérieux démiurge qui guide le narrateur dans sa quête. Ça prend parfois un côté un peu grand-guignolesque. Et surtout, la chute est décevante. Je m'explique, on a envie - tout au long du bouquin - de comprendre un peu de quoi il retourne, et, à moins que je n'aie vraiment rien capté (ce qui est possible), je suis resté un peu sur ma faim. Fantôme, pas fantôme ? Qu'est-il venu faire dans cette galère, notre narrateur ? Et quid de ces autres personnages pris également dans la boucle temporelle ? Y-a-t-il ou non un rapport avec l'énigme policière ? Autant de questions qui sont restées pour moi sans réponse, même si le dernier chapitre est finalement plutôt sympa, quoique peut-être un poil trop versé dans la bienveillance. Qui il est vrai est par ailleurs totalement absente tout au long du bouquin.

Marcus31
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Lu en 2021

Créée

le 10 janv. 2021

Critique lue 931 fois

8 j'aime

3 commentaires

Marcus31

Écrit par

Critique lue 931 fois

8
3

D'autres avis sur Les Sept Morts d'Evelyn Hardcastle

Les Sept Morts d'Evelyn Hardcastle
Parkko
6

Un roman audacieux, plutôt réussi

Le roman est un peu laborieux à son démarrage, mais il finit par emporter le tout. En effet, le début est souvent confus, beaucoup de personnages, de petits détails qui reviendront, d'éléments à se...

le 14 août 2020

5 j'aime

Les Sept Morts d'Evelyn Hardcastle
zemoko
9

Mixez Agatha Christie, Downton Abbey et Un Jour sans Fin : À la fois classique et inclassable.

Lord et Lady Hardcastle requièrent le plaisir de votre compagnie lors du bal masqué célébrant le retour de leur fille, Evelyn, de Paris. Les festivités auront lieu à Blackheath House durant le...

le 6 août 2019

5 j'aime

Du même critique

Papy fait de la résistance
Marcus31
10

Ach, ce robinet me résiste...che vais le mater

Ce qui frappe avant tout dans ce film, c'est l'extrême jubilation avec laquelle les acteurs semblent jouer leur rôle. Du coup, ils sont (presque) tous très bons et ils donnent véritablement...

le 2 sept. 2015

36 j'aime

5

Histoire de ta bêtise
Marcus31
10

A working class hero is something to be

Un pamphlet au vitriol contre une certaine bourgeoisie moderne, ouverte, progressiste, cultivée. Ou du moins qui se voit et s'affiche comme telle. On peut être d'accord ou non avec Bégaudeau, mais...

le 15 avr. 2019

32 j'aime

7

Madres paralelas
Marcus31
5

Qu'elle est loin, la Movida

Pedro Almodovar a 72 ans et il me semble qu'il soit désormais devenu une sorte de notable. Non pas qu'il ne l'ait pas mérité, ça reste un réalisateur immense, de par ses films des années 80 et du...

le 14 déc. 2021

25 j'aime