Je viens de finir Les Sept contre Thèbes d'Eschyle, l'épisode est similaire à la pièce Les Phéniciennes d'Euripide et relate donc la guerre entre Argos et Thèbes. Seulement, l'intrigue d'Eschyle est beaucoup plus simple, beaucoup plus rudimentaire, les personnages courent à leur destin sans complications comme chez Euripide.
Or, c'est cette complication que j'admirais chez ce dernier. La multiplication des personnages, des dialogues, des situations qui donnent une intrigue beaucoup plus riche. Ici, aucune confrontation orale entre les deux frères, aucune intervention de Jocaste, de Créon, de son fils, mais seulement l'énumération des héros, la bataille et le drame.
Je dois reconnaître qu'Eschyle écrit mieux qu'Euripide, j'irai même jusqu'à dire que sa plume s'approche de celle d'Homère dans le genre épique. Voyez par vous-mêmes :
Les plaines de mon pays sont remplies du bruit des sabots qui s'approche, vole et gronde comme un torrent invincible qui bat le flanc des monts.
Il n'est pas d'armure de guerrier qui me fasse peur, à moi : les emblèmes ne font pas de blessures, les aigrettes et les clochettes ne mordent point sans la lance. Quant à cette nuit qui brille, dis-tu, sur son bouclier, de tout l'éclat des astres céleste, il y a quelqu'un pour qui sa sottise pourrait bien être prophétique. Si la nuit vient à tomber sur ses yeux mourants, cet emblème orgueilleux sera pour celui qui le porte une signification exacte et juste : c'est lui-même qui aura prophétisé ce coup contre lui-même.
C'est sublime. Mais l'écriture d'Eschyle n'atteint pas toujours de tels sommets, et l'essoufflement tout naturel du style n'est pas compensé par une intrigue rudement bien écrite comme chez Euripide ou même chez Homère. On a beau vanter la supériorité du style d'Eschyle sur celui d'Euripide, il n'empêche que la pièce d'Euripide est mieux construite, explore d'autres enjeux et d'autres sentiments.
Sur cet épisode de Thèbes, ni Eschyle, ni Euripide ne m'ont profondément touché : la forme de l'un est lacunaire, le style de l'autre est limité. Si Euripide avait été touché par le génie d'Eschyle lorsque les mots lui venaient, il aurait probablement écrit l'une des meilleures pièces de la Grèce antique.