Les Politiques
7.3
Les Politiques

livre de Aristote ()

Il n'est sans doute pas absurde d'aborder avec engouement la pensée aristotélicienne. Est-il en effet un auteur plus significatif que le Stagirite, lequel a exercé une influence majeure (quoique regrettable) sur l'humanité jusqu'à ce que soient enfin émises des critiques abondantes sur le système scientifique d'Aristote et une remise en question intégrale de l'aristotélisme pendant la Renaissance. Mais malgré le désavœu de sa conception scientifique, sa philosophie pratique ne pourrait-elle pas nous apporter quelques enseignements pertinents sur la morale ?

Il est une chose remarquable chez Aristote, c'est sa capacité à ne rien dire. Qu'il soit question d'éthique ou de politique, on observe cette même trame, cette même inconséquence par laquelle il se contente figurativement de tracer les lignes du sujet qu'il est censé peindre. Dans son éthique, Aristote s'évertue à catégoriser les dispositions, les états de l'âme, distinguer les vices des vertus ; dans sa politique, il se plait à dénombrer les régimes, donner leurs différentes espèces, traiter de la façon dont ils périssent, se conservent. En bref, à force de définitions et de classifications, on empile les évidences sans qu'aucun propos ne s'ancre jamais dans la réalité, engendrant de fait une invulnérabilité dans son néant idéologique. En effet, même dans les exemples qu'il prend pour appuyer son argumentation, il se borne à citer les constitutions correspondantes sans accorder d'analyse profonde à la nature de leur déchéance ou de leur stabilité.

D'ailleurs, vaut-il mieux que l'auteur se perde dans sa propre insignifiance, observe-t-on sitôt qu'il émet sa pensée des contradictions évidentes. Comment, la cité aurait-elle la prédominance sur les citoyens, en tant qu'elle nait nécessairement la première ? Alors, dans ce même temps, ne vaut-il pas mieux préférer la fin collective, c'est-à-dire du bonheur de la cité, plutôt que le bonheur individuel ? Il répond au livre VII : « la vertu de tous, en effet, est la conséquence de celle de chacun ». Évidemment qu'il est une primauté de l'individu sur la société, c'était un sophisme de considérer le citoyen comme partie de la cité puisque l'individu n'est pas défini dans son essence par son appartenance à sa cité. Et qu'est-ce encore que le gouvernement par la loi dont il parle comme supérieur à tous les autres gouvernements ? N'opère-t-on pas un simple décalage dans la souveraineté d'une telle constitution en octroyant au législateur le pouvoir magistral ?

On finira par souligner le problème organisationnel de l'œuvre, comme il en était déjà question dans son éthique et dans sa logique. On aurait du mal à croire que son ouvrage soit à lire dans l'ordre proposé, et faudrait-il aller jusqu'à dire que les six premiers livres ne servent que d'introduction aux deux derniers livres qui forment la partie pratique de sa philosophie, dans la lignée de la République de Platon. Quoi qu'il en soit, cette œuvre n'apporte rien de pertinent dans la pensée philosophique de l'organisation de la société.

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le 8 juil. 2022

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