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Il faut avant toute chose faire un aveu difficile pour un amoureux des livres : je n'avais jamais lu Romain Gary. Pas que j'ai dû faire face à de quelconques réticences, non, juste qu'il fait parti de cette trop longue liste de "classiques" publiés avant que je me mette à dévorer les sorties en librairie, et dans laquelle je pioche de temps à autre un titre. De Gary, je ne savais que deux choses : d'une part, je devais le lire, cela me semblait incontournable, d'autre part il fût le seul écrivain à obtenir deux fois le prix Goncourt, ce qui est théoriquement impossible, sauf à brouiller les pistes comme il aimait tant le faire en publiant régulièrement sous pseudonyme. C'est dire le talent de l'écrivain.


Pour un premier essai, il est réussi, j'ai été happé dans ce récit à l'écriture moderne, et les cinquante ans bien tassés de ce roman ne se devinent pas au travers la plume de l'auteur. Gary, qui fut diplomate et effectua quelques missions consulaires en Amérique du Sud, nous plonge dans une dictature comme il en existait dans plusieurs pays de la zone à cette époque.


Alors que ce pays qui n'est jamais nommé est en proie à une révolte comme il s'en faisait régulièrement, un dictateur révolutionnaire en chassant un autre, plusieurs saltimbanques et artistes de cirque de toutes nationalités sont réunis et se dirigent en convoi pour une représentation destinée à José Almayo, dictateur en place et amateur affamé de ce genre de performances, en quête d'un tour s'approchant du mystique.


Mais dans ce pays en pleine révolte, l'heure n'est pas au spectacle, et très vite les invités de marque se retrouvent alignés face au peloton d'exécution, aux côtés de la mère du dictateur, et de son égérie américaine.


Construit essentiellement autour de récits des souvenirs des protagonistes, Les mangeurs d'étoile interroge sur la folie des dictateurs, et sur la ferveur que certains hommes peuvent vouer à des projets extravagants. Ce portrait d'un dirigeant fictif, homme inculte nourri d'obsessions religieuses, rêvant d'un pacte avec le Diable faisant de lui le Hitler du continent, est une lecture passionnante qui ne manque pas de réalisme, d'intelligence ou de contemporanéité.

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le 8 févr. 2016

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Brice B

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