Sacré décalages entre les attentes et le rendu final, comme souvent avec les livres surmédiatisés...
Avant les soucis pourtant bien réels de la narration ou de l'histoire même, c'est l'effroyable travail du traducteur qui aura marqué - si ce n'est traumatisé - mes rétines de lectrice. Que le style soit d'une platitude constante, n'utilise qu'une et une seule structure de phrase et soit marqué par un total manque d'imagination sémantique est une chose que je ne peux pas attribuer au traducteur ou à l'auteur, ne lisant absolument pas le suédois. En revanche, les entorses et fractures ouvertes infligées à la langue française sont tout bonnement inacceptables de la part d'un éditeur professionnel. Expressions inexistantes, lourdeurs, répétitions qui battent des records, phrases tronquées, relatives amputées de leurs subordonnées (ou l'inverse) les sévices infligés à la grammaire sont aussi nombreux que ceux subis tout au long du livre par les femmes.

Femmes qui restent le point fort du roman tant les personnages masculins sont pour la plupart assez méprisables : de la figure absolument épouvantable de Niels Brujman à la légèreté éthique d'Henrik Vanger en passant par les magouilles de Wennerström, il n'y a finalement que Mikael, le héros, pour demeurer blanc comme neige. Mais ce trait de caractère joue contre le personnage : allié à son coté séducteur, coqueluche de ces dames et amant irrésistible, son aspect moralement sans tache, chevalier du journalisme en fait une sorte de pendant masculin de la "Mary-Sue", d'autant plus flagrant que l'auteur exerçait la même profession que le personnage. On se consolera avec l'énigmatique Lisbeth, même si le potentiel psychologique très fort du personnage est amoindri par la pauvreté stylistique de ses descriptions. On lui doit tout de même les meilleures sous-intrigues du récit qui j'imagine, sont celles qui permettent d'enclencher les tomes 2 et 3. De manière générale, les storylines secondaires sont plutôt bien gérées. Loin d'avoir trouvé l'histoire Wennerström lourde et inutile, je me suis retrouvée plutôt fascinée par cette intrigue de scandale financier mais surtout par les retombées éthiques et politiques qu'elle génère sur le journal Millenium et ses protagonistes.

Non, c'est plutôt dans l'enquête centrale que je me suis ennuyée, la solution finale, d'une évidence crasse, étant la toute première hypothèse que je m'étais formulée, et que toute personne dotée d'un minimum de bon sens se formulera, la résolution ne nécessitant même pas de relier deux éléments entre eux. Difficile aussi de croire, quand certains développements sautent aux yeux, qu'il aura fallu 40 ans aux personnages pour y penser. On passera sur les facilités scénaristiques vaguement honteuses (notamment tout ce qui a trait au piratage informatique.)

Pris séparément, chacun de ces problèmes aurait sans doute pu être surmontable et ne pas tant nuire au livre fini. Mais tous accumulés, ils plombent très sérieusement un roman au style plus plat que froid, à la narration prévisible et à la traduction vraiment peu glorieuse. Ça commence à faire beaucoup.
Julie_D
4
Écrit par

Créée

le 1 juil. 2010

Critique lue 2.7K fois

25 j'aime

11 commentaires

Julie_D

Écrit par

Critique lue 2.7K fois

25
11

D'autres avis sur Les Hommes qui n'aimaient pas les femmes

Les Hommes qui n'aimaient pas les femmes
Scarlett
1

Critique de Les Hommes qui n'aimaient pas les femmes par Scarlett

Attention : ce qui suit dévoile quelque peu l'intrigue inexistante. C'est censé être un policier ce bouquin ? Non parce que l'histoire d'un mec qui cherche, qui cherche, qui cherche et puis soudain...

le 17 févr. 2011

29 j'aime

13

Les Hommes qui n'aimaient pas les femmes
Julie_D
4

Critique de Les Hommes qui n'aimaient pas les femmes par Julie_D

Sacré décalages entre les attentes et le rendu final, comme souvent avec les livres surmédiatisés... Avant les soucis pourtant bien réels de la narration ou de l'histoire même, c'est l'effroyable...

le 1 juil. 2010

25 j'aime

11

Les Hommes qui n'aimaient pas les femmes
Diothyme
5

Critique de Les Hommes qui n'aimaient pas les femmes par Diothyme

Suède, un journaliste économique condamné à une peine de prison pour avoir dénigré un gros financier sans apporter de preuves à ses dires. Mickaël Blomkvist, surnommé "Super Blomkvist" depuis qu'il a...

le 21 févr. 2011

14 j'aime

Du même critique

Batman Begins
Julie_D
8

Critique de Batman Begins par Julie_D

Ce qui différencie Batman de la plupart des super-héros ayant droit à leur adaptation cinématographique, c'est qu'il n'est justement pas un super-héros. Dans Batman Begins, Nolan pousse cette...

le 14 août 2010

90 j'aime

8

Inception
Julie_D
7

Critique de Inception par Julie_D

Cruel paradoxe que les choses écrites par les auteurs qu'on aime le plus : du très bon boulot auquel on aurait apposé un 9 si pondu par un réalisateur lambda déçoit ici de la part de Nolan. Bien sûr...

le 26 juil. 2010

69 j'aime

4

Fascination
Julie_D
2

Critique de Fascination par Julie_D

Il faut bien l'admettre, je partais avec un a priori négatif de cet énième best seller pour ados mettant en scène une romance vampirique. La lecture de quelques pages de la traduction française ayant...

le 13 août 2010

57 j'aime

5