Il n’est pas très pratique d’écrire toute une critique sur un smartphone et j’ai bien conscience du caractère un peu schématique de celle que je vous propose ici (sans compter quelques coquilles toujours possibles) ce dont je vous prie par avance de m’excuser.


Que l’islamo-gauchisme soit une réalité, j’en suis intimement persuadée : pour des raisons idéologiques, électoralistes ou encore par naïveté, une certaine gauche française (en particulier la France insoumise) s’est objectivement rapprochée des revendications portées par l’islamisme politique prompt à voir de « l’islamophobie »voire du « racisme d’Etat » notamment derrière la réaffirmation du principe de la laïcité. En Belgique, c’est encore pire : plus aucun Parti de gauche (ni même centriste du reste) n’est épargné par le phénomène : à l’heure où j’écris ces quelques lignes, la neutralité de l’Etat (ce qui équivaut en France à la laïcité, ce terme ayant un autre sens chez nous) est mise à mal et il est question, sous la pression de la gauche (y compris les écologistes ) d’admettre les signes religieux dans la fonction publique. L’auteur qui consacre à la fin de son ouvrage un important chapitre à la situation au plat pays ne dit pas le contraire.


Pour démontrer à quel point l’islamisme politique est une réalité complexe et dangereuse pour les démocraties, Mohamed Sifaoui fait l’historique des différents courants qui le composent, du djihadisme actif à la confrérie des frères musulmans en passant par le salafisme wahhabite sponsorisé par les Saoudiens. Il rappelle que la complaisance d’une partie de la gauche envers les revendications islamistes, si elle peut se comprendre par certaines convergences idéologiques et une lecture qui ferait du musulman un « damné de la terre », n’est que le dernier avatar d’une série de compromissions sur le plan international qui ont donné du pouvoir aux idées et armé le terrorisme. L’ouvrage se veut donc exhaustif en revenant sur les grandes étapes de ces accointances avec l’islamisme au cours des dernières décennies, avec ce que cela comporte comme tentations auxquelles l’auteur n’échappe pas toujours : digressions (écrire des pages sur Charles Péguy, est-ce vraiment bien utile ?) anecdotisme (pardon pour le néologisme), dispersion.


Si le propos de Sifaoui est de prouver l’existence d’une réalité que certains nient encore, on pourrait lui reprocher la méthode, faite souvent de narration au détriment de la démonstration, d’arguments invérifiables (« une source qui tient à rester anonyme m’a dit que »), d’attaques personnelles qui laissent un sentiment de malaise. Et puis, encenser BHL (qui en passant, dans « L’idéologie française » voyait pratiquement dans la plupart des Français un collabo pendant la seconde guerre mondiale), en arriver à presque absoudre la politique d’Israël dans la montée du terrorisme, voir de l’antisémitisme derrière chaque prise de position en faveur des Palestiniens, c’est carrément manquer de nuance et manifester un aveuglement qui montre à quel point il est souvent plus facile de dénicher le défaut de clairvoyance chez les autres que pour soi-même.


L’auteur avoue sa propension passée (selon lui) à pratiquer la polémique, admettant que le procédé est souvent contre-productif mais malheureusement il retombe encore parfois dans ce travers. Par ailleurs, même si d’après ce que j’ai pu en juger (notamment lorsqu’il décrit la situation en Belgique et particulièrement à Bruxelles) Sifaoui réussit une analyse plutôt réaliste, reste que si on n’est pas un spécialiste de la question, il faut trop souvent le croire sur parole, ce qui forcément ouvrira la porte à pas mal de controverses et ne convaincra pas, je le crains, ceux qui minimisent le phénomène. Il est donc dommage que la profonde connaissance du sujet manifestée par l’auteur soit parfois éclipsée par une tentation encyclopédiste, certains partis pris à tout le moins discutables, des attaques personnelles indignes d’un vrai débat d’idées ainsi qu’un manque de rigueur dans la démonstration.

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le 4 juin 2021

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No_Hell

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