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Ma critique de ce soir est acerbe. Et je pèse mes mots. Explications dans 3, 2, 1…


J’ai longtemps considéré Clive Barker comme « mon » auteur, cet auteur que personne autour de vous ne connaît et qui remplit presque toutes vos attentes. Chacun a son « auteur » et le garde précieusement, attendant chacun de ses nouveaux livres avec une excitation savoureuse et impatiente, pour se replonger dans un univers presque devenu intime. Alors, je ne compte pas raconter ma vie pendant toute la critique, mais j’aimerais juste faire passer deux trois idées avant de dégommer un bouquin de Clive Barker.
Après quelques années de littérature adolescente, en accord avec mon âge de l’époque et mes attentes de collégiens, j’étais miraculeusement tombé sur « Brume », génial recueil de nouvelles de notre conteur du Maine préféré. Alors il est évident que je n’en avais pas tiré tout ce que j’ai pu en tirer par la suite, néanmoins, cela avait fait mouche de fort belle manière, et bien plus que titiller ma curiosité, cela a éveillé en moi une véritable passion pour le fantastique.
Et très, très vite, dans cette quête littéraire, je suis tombé sur « Coldheart Canyon », dernier bouquin de Clive Barker du moment. Et là, choc, choc, choc. Et après l’avoir relu plusieurs fois, rien n’a changé. Toujours ce même tremblement de terre littéraire qui me secoue sans ménagements sur une centaine de page : une poésie en prose, sinueuse et peu épargnante, invitation à entrer dans un monde si unique que c’en est vertigineux. Clive Barker ne traite pas des angoisses de tout un chacun, des peurs profondément ancrées en chacun, non… Clive Barker fait épanouir les fleurs macabres de son imagination, de son univers, et balance le lecteur sans pitié en son sein. Et autant dire que cela n’a rien d’une expérience habituelle.
Alors oui, « Coldheart Canyon » était et restera pour moi un chef-d’œuvre, digne des plus grands écrivains du genre (et des plus grands écrivains tout court). Et après j’ai lu « Les Livres de Sang » sortis bien avant. Deuxième choc frontal, deuxième remise en question de la littérature fantastique. Et vous l’aurez compris : ainsi de suite, avec parfois, de très très grands moments (pour ne citer que « Sacrements », par exemple), et d’autres plus accessoires (Cabale, Galilée, pas topitop …)
Ca faisait un petit moment que C. Barker n’était pas retourné du côté de la littérature adulte (il a fait une petite escapade avec Abarat du côté d’un « fantastique jeunesse », absolument pas idiot ou diminué pour le coup…), et je peux déjà vous confier que lorsque j’ai vu qu’il allait reprendre le personnage de Pinhead, je n’ai pas vraiment été ravi. Car oui, j’avais bien sûr lu « Hellraiser », nouvelle ayant notamment par ses fidèles adaptations cinématographiques, consacré Barker à une popularité supérieure. Mais je n’avais pas vraiment aimé cette novella. En fait, je ne l’avais vraiment pas aimé pour être exact. Inaccomplie, fourmillant d’idées et empruntant à des thèmes que l’on a su chers à Barker par la suite, le récit ne remplissait pas le job. On n’y voyait pas la poésie sublime que Barker déployait habituellement, et pire : je m’étais fait profondément chier pendant sa lecture. Alors non, un roman sur Pinhead, ça ne me bottait guère.
Mais je ne pensais pas que ce serait à ce point-là. Je suis même embêté, tant je n’arrive pas à expliquer ce qui s’est passé à la lecture de ces « Evangiles Ecarlates ». Je vais donc donner mon avis, cette fois-ci en omettant le fait que c’est Barker qui est derrière cette mascarade.
Commençons par ce qui choque en premier lieu : l’histoire. Franchement pas folichonne : on suit globalement un prêtre de l’Enfer, méchant bad-ass mégalomane qui aimerait s’en prendre à l’Enfer même et jouir de la désolation qu’il pourrait ainsi provoquer. Le gros méchant va malheureusement devoir se frotter au gentil anti-héros, Harry D’Amour, pour une raison risible par ailleurs (en faire un témoin ? sérieux ?).
Alors oui, on le sait que Pinhead a de la classe, mais attention tout de même à ne pas jouer seulement là-dessus. Car oui, je n’hésiterai pas à le dire, il m’a semblé bien souvent un peu terne. Un peu à cause de la débauche de gore, qui finira par ne plus faire son effet, mais aussi à des dialogues qui frisent parfois le ridicule.
Reprenons déjà l’avalanche de gore. Alors oui, Barker parvient à atteindre son lecteur, et l’on sent poindre à plusieurs moments du récit l’imagination unique et illimitée de notre bon vieux Clive. Seulement, ce n’est que ponctuel, et semble-t-il, usé à mauvais escient… Le seul point positif de tout le roman, c’est cet « univers » de l’Enfer développé par Barker, bien que parfois un peu confus et répétitif. Cela reste néanmoins assez prenant. Le reste n’est que développement d’une intrigue lente, prévisible et peu crédible ; dialogues sonnant incroyablement faux, et enfin une violence qui ne se justifie pas, se banalise, et devient sans éclat, fade.
Le fait le plus marquant, dans tout ça, c’est l’écriture de l’auteur. Trois solutions :


  • soit Barker a sérieusement perdu la main et est devenu passable : autant le dire clairement, je ne veux pas y croire une seule seconde. C’est pas un bouquin isolé qui changera quelque chose à son géni…

  • soit Barker est toujours aussi balèze mais, à l’instar d’Hellraiser empruntant le même univers et le même personnage, développe ici un « style » différent, plus direct et gore, auquel je n’adhère absolument pas… Je crois qu’il y a un peu de vrai là-dedans.

  • soit le traducteur est mauvais, et sans vouloir accuser M. Domis que je ne connais absolument pas dans son travail de traducteur, cela ne m’étonnerait pas forcément (oui, d'accord, je n'ai pas d'explications...).


Alors vous l’aurez compris, je suis très peiné par ce dernier roman qui pourtant m’emplissait d’une extase sans mesure, avant de l’avoir ouvert. Saluons, par ailleurs, le travail remarquable de Bragelonne qui fournit un objet-livre magnifique.
Je dis donc : le retour de Barker sera pour une prochaine fois. En tous les cas, je l’espère ardemment.

Wazlib
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le 23 févr. 2016

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Wazlib

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