Les Éclats
7.7
Les Éclats

livre de Bret Easton Ellis (2023)

"Un écrivain entend toujours des choses qui ne sont pas présentes."

Bret Easton Ellis. Etudiant, j’avais dévoré toute son œuvre, impressionné par la force dégoûtante d’American Psycho, la froideur clinique de ses romans de jeunesse et la liberté structurelle de Lunar Park.

Le temps passant, mes souvenirs se sont altérés, et je me demandais si me replonger dans son œuvre m’exalterait tout autant qu’avant.

13 ans après son faible roman Suite(s) impériale(s), 4 après son essai peu capital, voici qu’il signe son grand retour avec un ouvrage épais, une autofiction (comme Lunar Park – bon augure), dont la critique professionnelle chante actuellement les louanges.

Oui, j’ai aimé ce livre, j’ai aimé retrouver son univers d’écrivain, mais je ne me sens pas aussi subjugué qu’à l’époque.

J’allais écrire que Les Eclats est une œuvre somme… mais n’aurait-on pas pu dire la même chose de chacun de ses nouveaux livres à leur sortie ?

Bret Easton Ellis revient sur sa dernière année de lycée, 1981, à Los Angeles. (C’est à cette époque qu’il travaille sur son premier roman, Moins que zéro, dont Les Eclats semble être la renaissance.) Un nouvel élève arrive dans sa classe, il le soupçonne de commettre des crimes violents. Les pistes se brouillent comme dans Glamorama, et la fiction se mêle aux faits réels pour mettre en scène l’état psychologique de l’artiste, à la manière de Lunar Park.

Autant dire que ses lecteurs ne seront pas dépaysés parmi cette jeunesse dorée et droguée maintes fois décrite, dont l’indépendance s’oppose aux simagrées des millenials dont il se moquait dans White.

Mais le principal défaut de ce livre est que rien n’avance. Tout le monde est pété, déchiré ou parano, mais rien n’avance. Et de là il tire son principal charme aussi, c’est-à-dire : prendre le temps de reconstituer un « moment de l’Empire » américain où l’argent coule à flot comme le sang dans l’impunité.

Imaginez-vous, même pas encore adulte, des Wayfarer sur le pif, au volant d'une Porsche, sous le cagnard de la côte ouest états-unienne, en train de filer une Mercedes avec en fond les musiques des années 80, et deux trois valiums dans la gueule pour vous détendre l'esprit face aux meurtres qui surviennent non loin de vous de temps à autre. C'est à peu près le panorama. Il manque le Whisky sour et la baise.

Les scènes de sexe par ailleurs sont très bien réussies, et jamais l'auteur ne s'était autant livré sur son homosexualité, son importance dans sa vie d'adolescent.

Concernant les références musicales, il y en a tellement que Les Éclats pourrait être un cas de transmédialité. Trop de références risque toujours de devenir illisible à l'avenir, mais c'est sans compter sur les playlists créées sur toutes les plateformes pour accompagner votre lecture. Je ne me suis jamais autant plongé dans la musique des années 80...

C'est cool, "c'est cool, mec" diraient les personnages tendus et sous substances. On passe de bons moments, mais ça reste néanmoins prévisible et long. On voit à l'avance où l'auteur veut nous emmener. Qui plus est, il lui arrive de désamorcer certains points qui pourraient accentuer le suspense, et on peut se retrouver frustré quand les personnages se confrontent pour la énième fois. Mais bon, c'est pour l'ambiance...

Beaucoup de choses étaient donc prévisibles à mon sens, même si le déchaînement paranoïaque final a ses surprises. Quand on connaît l'auteur, on s'attend à la double lecture.

Pour moi, le livre est bon, mais sans être formidable comme je l'ai entendu ça et là.

Benson01
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le 30 avr. 2023

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Benson01

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