Jean Roscoff, un universitaire fraîchement retraité et maître de conférences, divorcé et alcoolique, et père d’une adolescente très engagée politiquement, décide de publier un essai sur un poète nommé Robert Willow. Un musicien de jazz américain et communiste qui a vécu à Paris dans les années 50, et qui a fréquenté Sartre durant quelque temps.
Après avoir publié un premier essai quelques années auparavant sur les époux Rosenberg (qui a fait pschitt) , au moment même où la CIA déclassait des documents prouvant leurs liens avec l’URSS, – le couple fut accusé d’espionnage par les Etats-Unis au profit de l’URSS puis disculpé puis finalement reconnu coupable – Roscoff espère cette fois accéder à une certaine reconnaissance pour son travail. Après avoir subi plusieurs refus, il se fait finalement publier par une petite maison d’édition. Tout va bien jusqu’au jour où, lors d’un conférence, il est attaqué par un blogueur qui lui rempoche de ne pas avoir mentionné dans son essai que Robert Willow était noir.


De fil en aiguille, il va d’abord subir la vindicte des réseaux sociaux, puis la colère et la haine de personnages mal intentionnés, l’accusant de racisme, lui l’ancien compagnon d’Harlem Désir et Julien Dray au sein de SOS Racisme dans les années 80.
Complètement dépassé par ce qui lui arrive, pris dans une véritable tempête médiatique, victime de harcèlement et de violence, laminé par la presse toute entière, blacklisté par son université qui lui interdit l’entrée, rejeté par les uns et récupéré les autres, Jean Roscoff trouve conseil et refuge auprès des siens qui tentent de lui maintenir la tête hors de l’eau.


Après Soeur, paru en 2019, Abel Quentin nous offre un roman au sujet plutôt singulier et très ancré dans notre époque : la “cancel culture” et la “woke culture”, ce mouvement de pensée venu de la gauche américaine qui le voit être accusé de profiter de son statut d’intellectuel blanc privilégié pour nier la négritude de Robert Willow.
Avec beaucoup de subtilité et de nuances, avec un certain mordant et un esprit de provocation, il nous fait comprendre les ressorts de cette nouvelle pensée et de ses dérives idéologiques qui s’attaquent à tout et n’importe quoi, souvent sous couvert d’anonymat via les réseaux sociaux.


Avec humour et clairvoyance à la manière d’un Michel Houellebecq ou peut-être plus encore d’un Aurélien Bellanger, Abel Quentin tisse le portrait d’une époque qui a perdu la tête et qu’il dénonce à travers le parcours de son personnage, Jean Roscoff, par ailleurs, grand fan du groupe Motörhead :
“J’introduisis dans le lecteur un CD de Motörhead pour me maintenir dans une atmosphère de combat. En général, le hurlement des guitares du groupe de heavy metal suffisait à réveiller chez moi des instincts de guerrier wisigoth…” (…)
“Lemmy Kilmister a la voix d’un type qui se serait nourrit de gravier pendant 40 ans en le faisant passer avec du Destop”


https://www.benzinemag.net/2021/10/14/le-voyant-detampes-dabel-quentin-woke-on-the-white-side/

BenoitRichard
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Romans 2021

Créée

le 19 oct. 2021

Critique lue 321 fois

1 j'aime

Ben Ric

Écrit par

Critique lue 321 fois

1

D'autres avis sur Le Voyant d'Étampes

Le Voyant d'Étampes
jaklin
8

Le « racisme antiraciste »( Sartre) ou le choix de la haine.

Le Voyant d’Etampes a beaucoup de qualités, la première étant de prendre parfaitement la température de notre époque. Les presque 400 pages de ce roman nous plongent dans l’horreur de la tyrannie...

le 24 avr. 2022

24 j'aime

25

Le Voyant d'Étampes
Moizi
3

Les wok aux légumes sont méchants !

On repart pour une cure de médiocrité... cette fois on a l'opposition entre deux types d'antiracistes, celui des vieux façon SOS racisme et celui des jeunes wokes (sic). Bon au départ c'était un peu...

le 10 oct. 2021

9 j'aime

9

Le Voyant d'Étampes
YasminaBehagle
8

La marche des beurs, bordel !

Mon avis : Un grand talent pour croquer les gens : en quelques mots, en quelques images, on voit tout à fait le genre de personne à qui on a affaire. Le portrait qu’il fait de son...

le 15 sept. 2021

8 j'aime

5

Du même critique

Le Mans 66
BenoitRichard
5

Critique de Le Mans 66 par Ben Ric

Déçu par Le Mans 66, film dans lequel je n'ai vu qu-une banale histoire de rivalité, pleine de testostérone, de vroum vroum et de "c’est qui meilleur" ? Certes les voitures sont belles, la...

le 16 nov. 2019

25 j'aime

1

Antoinette dans les Cévennes
BenoitRichard
5

décevant

Difficile pour moi de comprendre la quasi unanimité critique autour du film de la réalisatrice Carole Vignal dans lequel on suit une femme partie randonner dans les Cévennes sur les traces de son...

le 20 sept. 2020

24 j'aime

2

Petite Fille
BenoitRichard
8

émouvant et nécessaire

“Quand je serai grande, je serai une fille”, répète Sasha depuis qu’elle a 3 ans. Sasha est une petite fille comme les autres sauf qu’elle est née garçon. Malgré la présence d’une famille...

le 1 déc. 2020

21 j'aime