Durant l’entre deux guerres en pleine montée du nazisme, Hermann Hesse décide d’écrire Le voyage en orient, ouvrage complexe aux apparences de récit initiatique. Sentant ce qui sera un tournant majeur dans l’histoire contemporaine il décide, de sa plume, d’essayer d’influencer positivement ses compatriotes en les exhortant à trouver la force de se réaliser en tant qu’Homme en s’affranchissant de tout contrôle extérieur.


Le voyage en Orient dépeint l’histoire fictive de Herman Hesse, lui-même, qui décide d’entreprendre un noviciat au sein d’un ordre aussi mystérieux que fantastique. Dans ce conte initiatique le héros nous narre l’histoire de son pèlerinage vers l’est, accompagné de nombreux autres compagnons appelés les « éveillés », naviguant entre réel et imaginaire à la recherche de Fatma la princesse de ses rêves de jeunesse. Durant son périple il voyagera à travers l’espace et le temps et rencontrera de nombreuses figures historiques et fictives qui inspireront une partie de son noviciat.
Après cette longue quête inachevée, parsemée de doutes, de déceptions et d’échecs marquée par la disparition de Léo, le serviteur du groupe, le héros tentera vainement de raconter son périple pendant de longues années mais se heurtera toujours à l’impossibilité de narrer son aventure manquée.
Suivant de longues années d’errance, il retrouvera enfin Léo qui lui permettra d’achever son voyage.


Voyager vers soi


Le voyage en orient de Hermann Hesse n’est pas à prendre comme un récit d’aventure à la découverte de nouveau territoires. Il dépeint l’histoire allégorique de la connaissance de soi menant à la sagesse. Sous fond de mysticisme l’auteur nous montre le parcours parsemé d’erreurs et de déceptions, mais également de joies, qui nous mène à la découverte de soi, son identité et à la sagesse.


Le héros effectuera différents noviciats au sein de cet ordre mystérieux, allégorie de l’existence même, tous ponctués d’échecs. Toutes ces épreuves s’avèreront nécessaires afin d’affronter le chef suprême de l’Ordre, qui n’est autre que Léo véritable serviteur de l’Ordre en tant que guide, qui lui expliquera les raisons de ses erreurs et le guidera une dernière fois.
Ces différents noviciats n’ont été que des tentatives de retour vers soi qui n’ont abouti qu’à un profond désespoir du héros. Désespoir qui s’avère nécessaire dans toute quête initiatique et résulte de l’effort pour comprendre la vie humaine et mettre son existence en harmonie avec sa vertu et sa raison propre.
Passer ce désespoir, et comprendre sa véritable nature, est tel un passage de l’enfance à l’âge adulte synonyme d’atteinte d’une forme de sagesse.


L’œuvre dépasse l’auteur


Dans la première partie du récit, correspondant à une allégorie de l’enfance, nous découvrons un héros qui s’engage dans cette aventure pour des raisons d’apparence vaines et égoïstes. Dès ces premiers chapitres, l’auteur nous montre que l’une des voies possibles pour s’accomplir et atteindre une forme de sagesse est de donner un sens poétique à sa vie à travers l’art. Tout au long de son voyage, le héros sera entouré d’artistes de toutes sortes qui entretiendront une sorte d’émulation artistique permanente. Il nous montre que l’art, qui peut être pris au départ comme une forme d’extension de soi-même, est en fait une représentation de soi, de ce que l’on est réellement sublimée par l’unité à travers les individus.


Par un message encore bien actuel, dans une époque où l’on nous fixe un cadre de vie que l’on pense unique et seule réalité possible, l’auteur nous explique que pour donner cette direction artistique à sa vie il faut se libérer de la raison et parvenir à s’extraite de ce carcan sociétal qui nous enferme.
Il n’est pas aisé de se défaire de ces choses que l’on pense importantes, mais souvent superflues à l’image du but du premier noviciat du héros, mais il faut réussir à puiser dans ses rêves d’enfance afin de croire en l’impossible et atteindre ses aspirations profondes. Bien souvent, aveuglés par une existence trop conditionnée, nous nous retrouvons écrasés par la dureté du monde adulte qui éteint nos rêves peu à peu. Hermann Hesse, à travers son récit, veut faire passer le message que cette étincelle poétique existe toujours en nous et qu’il ne tient qu’à nous de l’allumer.


Ce voyage sans fin


A travers ces messages d’apparence simple mais cachées derrière un cheminement aussi difficile que nécessaire le voyage en Orient nous montre que par un retour à soi, vers ses fondamentaux, la vie doit être prise comme un jeu et non comme un devoir ou une lutte. Dans cette unique chance qu’est notre vie, l’écrivain nous fait comprendre que notre existence est un voyage sans fin qui, pour être le plus agréable possible, doit être suivi sur des sentiers poétiques en communion avec le monde extérieur qu’il soit organique ou simplement vivant.

BenjaminNicolas
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le 20 juil. 2018

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